Exagère-t-on vraiment le réchauffement climatique ?
L’année 2025 pourrait être l’une des trois années les plus chaudes jamais enregistrées en Belgique, avec une température moyenne annuelle prévue de 10,5 degrés. Actuellement, le réchauffement climatique en Europe atteint environ 2,4 degrés au-dessus de la moyenne préindustrielle.
Avec le quatrième été et le troisième printemps les plus chauds de l’histoire, l’année 2025 pourrait s’inscrire en Belgique parmi les trois années les plus chaudes jamais enregistrées. La température moyenne annuelle devrait atteindre 10,5 degrés, alors qu’elle a déjà atteint 12,2 degrés durant les 11 premiers mois de l’année, soit 1,7 degré de plus que la moyenne et 1,9 degré de plus que durant la période préindustrielle, entre 1850 et 1900.
À l’échelle mondiale, la tendance est similaire. Le mois de novembre a été le plus chaud jamais enregistré, avec une température moyenne de 14,02 degrés, soit 1,54 degré de plus que durant la période préindustrielle.
Cependant, une différence d’un degré et quelques est-elle vraiment significative ? Les variations de température n’ont-elles pas toujours été présentes ? N’exagère-t-on pas le réchauffement climatique ?
« Les cycles climatiques existent depuis que la Terre existe », affirme Hugues Goosse, climatologue et professeur extraordinaire au Earth & Life Institute de l’UCLouvain. La météo continue de fluctuer chaque année. « Cela fait 4,5 milliards d’années que le climat change, avec des phases beaucoup plus chaudes que celles que nous connaissons actuellement et des périodes beaucoup plus froides. Nous comprenons les origines de ces cycles et savons que le climat peut évoluer naturellement. » Divers facteurs contribuent à ces changements, comme la concentration de gaz à effet de serre dans l’atmosphère.
Cependant, « jusqu’aux années 1850, ces changements étaient très lents et d’origine naturelle. Aujourd’hui, un nouveau facteur s’est ajouté : l’Homme. » En un siècle, les climatologues ont constaté une hausse de 1,3 degré de la température moyenne globale (moyenne pour les terres et les océans). « C’est très rapide et aucun phénomène naturel connu ne peut expliquer ces changements récents », précise Hugues Goosse. « Ce n’est pas un phénomène lié à la position de la Terre par rapport au Soleil, ni à une évolution volcanique rejetant du CO2 dans l’atmosphère, ni à la variabilité des courants océaniques ou atmosphériques. »
« Tous les calculs montrent que l’on peut expliquer le réchauffement actuel par l’activité humaine », conclut-il. « Le fait que les humains aient émis des gaz à effet de serre a modifié le bilan énergétique de la Terre, entraînant son réchauffement. »
En Europe, le réchauffement climatique progresse même deux fois plus rapidement. « L’Europe se situe au nord, à mi-chemin entre l’Équateur et le Pôle Nord », souligne Marie Cavitte, climatologue et glaciologue à la VUB. « La banquise au Pôle Nord fond et disparaît. Or, c’est un bouclier blanc qui renvoie les rayons du soleil. À mesure que ce bouclier fond, il expose l’océan, une surface beaucoup plus sombre qui tend donc à absorber plus d’énergie solaire que la glace de mer. En conséquence, la région Arctique se réchauffe trois à quatre fois plus vite que la moyenne mondiale. Comme l’Europe est située à mi-chemin, elle connaît un réchauffement deux fois plus rapide, atteignant aujourd’hui environ 2,4 degrés au-dessus de la moyenne préindustrielle. »
En Belgique, cela se traduit par l’observation de deux journées supplémentaires à plus de 25 degrés et d’un jour de canicule à plus de 30 degrés en plus chaque décennie. Parallèlement, le nombre de jours très froids, en dessous de 0 degré, diminue également.
Une hausse d’un ou deux degrés est-elle si grave ? « Il est vrai qu’en regardant cela de loin, on pourrait penser qu’il n’y a pas de problème à avoir un temps clément, à pouvoir être en terrasse un 15 octobre », admet Hugues Goosse. « Mais en considérant l’ensemble de la situation, on perçoit les conséquences. Un degré supplémentaire, ça fait beaucoup. »
« Pour un degré d’augmentation, l’atmosphère peut contenir 7 % de vapeur d’eau supplémentaire. Cela entraîne des précipitations extrêmes encore plus fréquentes », souligne Marie Cavitte. « Un réchauffement d’un degré correspond à une augmentation de la température moyenne annuelle, mais cela ne signifie pas qu’il y aura un degré de plus chaque été ou hiver. Cela signifie qu’il y aura des pics de chaleur beaucoup plus intenses. Plus la température augmente, plus le nombre d’événements climatiques extrêmes, tels que sécheresses, incendies de forêt, canicules, inondations ou cyclones tropicaux, sera plus élevé. Des exemples récents, comme les inondations à Valence en 2024 ou celles en Belgique en 2021, pourraient bientôt devenir la norme. »
En ce moment, 1000 glaciers disparaissent chaque année dans le monde. Toutefois, selon les scénarios étudiés par le glaciologue Lander Van Tricht, publiés cette semaine dans Nature Climate Change, nous pourrions perdre entre 2000 et 4000 glaciers par an d’ici le milieu du siècle.
Cela entraîne une autre conséquence : l’élévation du niveau des mers et océans. « Une hausse de 50 centimètres du niveau des mers d’ici la fin du siècle poserait déjà un problème pour de nombreuses régions. Si cette hausse atteint 90 à 100 centimètres, il faudra relever les digues d’un mètre, ce qui coûtera des milliards à des pays comme la Belgique ou les Pays-Bas. Que faire pour les zones qui ne peuvent pas financer cela ? Que devrons-nous abandonner dans 20 à 30 ans ? », s’interroge Hugues Goosse. Les conséquences pour les coraux, les animaux ou les arbres sont également préoccupantes. « Le permafrost qui dégèle peut relâcher des émissions de carbone, dont le méthane, un gaz à effet de serre plus puissant que le CO2 à court terme. Actuellement, les forêts tropicales, comme l’Amazonie et celle du bassin du Congo, sont nos meilleurs alliés pour réduire la concentration de CO2 dans l’atmosphère. Mais si nous dépassons un réchauffement de 1,5 degré, ces poumons pourraient ne plus fonctionner aussi bien, voire devenir des sources d’émission de CO2 », prévient Marie Cavitte, qui souligne que « le système commence à ne plus pouvoir supporter l’augmentation actuelle des températures ».
Les impacts que nous observons aujourd’hui sont les résultats de l’augmentation des températures des dernières décennies. Les glaciers de montagne, et surtout les grandes calottes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique, réagissent lentement à cette hausse des températures. Une partie importante de leur fonte est inévitable, tout comme la montée associée du niveau marin. « Nous estimons que nos émissions jusqu’à présent nous engagent à une hausse d’au moins 20 centimètres du niveau marin à long terme. »
« Si nous continuons avec les politiques et mesures actuelles, les derniers rapports estiment que nous atteindrons un réchauffement global de 2,6 à 2,8 degrés d’ici 2100. Cela dépasse largement l’objectif convenu dans l’accord de Paris, qui vise à ne pas dépasser une hausse de 1,5 degré », conclut-elle.

