Belgique

Entre cocaïne, cannabis et prostitution, la mafia albanaise monte en puissance : « Ils sont partout en Belgique « 

L’organisation criminelle a utilisé des GSM cryptés Sky ECC, messagerie infiltrée par la police, jusqu’en mars 2021.

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Les suspects s’approvisionnaient en cocaïne à Anvers et aux Pays-Bas. Lors des perquisitions, un pain de 800 grammes de cocaïne et des produits de coupe en cours de conditionnement dans une cache servant d’atelier ont été découverts. Les enquêteurs ont également saisi des dizaines de boulettes de cocaïne parfois dans des caches aménagées, comme les phares, les boîtes à gants ou encore l’appuie-tête de plusieurs véhicules. Du matériel pour le conditionnement et la vente de cocaïne, comme des balances, des sachets pour doses, une machine à emballer sous vide et une presse, ont aussi été retrouvés.

Une plantation de cannabis d’une capacité d’environ 600 plants a été découverte à Verviers, ainsi que du matériel et des déchets de plantations à Houffalize et Jemeppe. Dans la liste des saisies, il y a aussi 33 véhicules évalués à environ 300 000 euros. Des liasses de billets pour un montant de plus de 30 000 euros et des avoirs sur des comptes pour près de 70 000 euros ont été saisis.

C’est un réseau important comme on en connaît beaucoup ces dernières années”, nous décrit François Farcy, directeur de la Police judiciaire fédérale de Liège, évoquant ainsi l’omniprésence et la montée en grade de la mafia albanaise en Belgique : “Aujourd’hui, elle est dans le top 3, avec les organisations belgo-néerlandaises et marocaines. Les clans criminels jouent à jeu égal. Ils sont partout en Belgique et dans le monde, et notamment à Bruxelles et en Wallonie, beaucoup à Liège. Et chez eux aussi, il y a des barons planqués à Dubaï d’où ils tirent les ficelles.

François Farcy
François Farcy ©Police fédérale – Jos Balcaen

Un réseau de la mafia albanaise démantelé

Quelles sont les caractéristiques de la mafia albanaise ? Certains criminologues tiqueront sur cette appellation et se limiteront à évoquer des organisations criminelles. Certes, il n’y a pas tout l’aspect ritualisé ni l’obsession du contrôle d’un territoire propre à la mafia italienne… “mais c’est toute même familial, clanique, avec des codes d’honneur. Par exemple, ils ne dénonceront jamais, leurs complices”, recadre François Farcy.

Connue chez nous d’abord pour avoir monopolisé les réseaux de prostitution dans les années 90, la mafia albanaise a depuis connu une ascension inquiétante. “Les organisations criminelles albanaises sont polycriminelles. Trafic de cannabis et de cocaïne, les drogues de synthèse ne sont pas leur truc, ainsi que prostitution, traite des êtres humains, passage d’immigrés clandestins… À un moment donné, ils avaient un quasi-monopole de tous les parkings de l’autoroute E40 qui va de la frontière allemande à Ostende (NdlR. porte d’entrée vers l’Angleterre)”, illustre le commissaire divisionnaire. “Aujourd’hui, il y a la concurrence des organisations irakiennes et afghanes notamment.

En Belgique, une majorité des plantations organisées sont aux mains de clans albanais. On évoque ainsi les fameux ‘jardiniers albanais’”. Dont l’accès à notre territoire a été facilité par la suppression des visas en 2010…

Dans les années 2000, les gangs étaient largement partie prenante dans les épidémies de vols dans les habitations. “Ils brisaient les barillets. C’était des vols rapides, ils prenaient ce qu’ils trouvaient à portée de main. Beaucoup de vols de voitures étaient commis dans les garages ou sur la voie publique grâce aux clés volées dans les maisons.

Lorsque les gangs albanais se sont mis sérieusement à la drogue, ils ont commencé petit : “Ils étaient au départ plutôt au service des mafias italiennes, en bout de chaîne, se chargeant du marché “petit et moyen” de la vente.

Mais depuis plusieurs années, ils continuent certes leurs collaborations mais, parallèlement, ils ont créé leurs propres filières, toujours dans le créneau cocaïne et du cannabis. En Belgique, une majorité des plantations organisées sont aux mains de clans albanais. On évoque ainsi les fameux « jardiniers albanais ». Dont l’accès à notre territoire a été facilité par la suppression des visas en 2010…

Pour nourrir sa filière de cocaïne, la mafia albanaise a investi la Colombie, l’Équateur et même, le Mexique. Leur porte d’entrée en Belgique ne se limite aux ports d’Anvers et de Rotterdam. “Par les aéroports, en véhicules aussi en provenance d’Espagne ou d’Italie”, indique François Farcy.

Tout comme les autres mafias, les règlements de compte entre clans, entre organisations, peuvent aussi être extrêmement violents.

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