Écoles en grève : une directrice ne sait pas combien de classes ouvrir.
L’Institut Maris Stella à Laeken, en région bruxelloise, est l’une des écoles touchées par la grève et la directrice Himane Kenfaoui exprime un profond malaise face aux changements imposés par la réforme du Pacte d’excellence depuis 2017. Par ailleurs, elle souligne l’incertitude concernant l’organisation de la prochaine rentrée, ne sachant pas combien de classes seront ouvertes ni quels enseignants donneront quels cours.

Parmi les établissements touchés par la grève figure l’Institut Maris Stella situé à Laeken, dans la région bruxelloise. « Aujourd’hui, ce n’est pas une colère corporatiste. C’est vraiment tous les acteurs du terrain qui tirent la sonnette d’alarme – on parle d’enseignants, de direction, d’éducateurs, CPMS, pôles territoriaux, etc. – et qui expriment un profond malaise », précise Himane Kenfaoui, la directrice de l’institut. Pour elle, la situation est inédite.
Elle explique que cette colère est liée à la réforme initiée par l’ancienne ministre de l’Éducation Joëlle Milquet ( Les Engagés ), à savoir le Pacte d’excellence. « Depuis 2017, nous œuvrons à la mise en place de cette réforme. Aujourd’hui, après huit ans, une majorité décide de changer à la fois le fond et la forme », souligne-t-elle.
La directrice dénonce également le changement de groupe en charge du suivi de ce pacte. « La première mesure du gouvernement a été de démanteler ce groupe central », fait-elle remarquer. « La deuxième mesure, c’est qu’à partir du moment où on démantèle, il n’y a plus de concertation. On est sur des changements de fond, qui vont impacter la qualité de l’enseignement. On recommence à reproduire ce qui a conduit notre système à être inégalitaire et peu performant. »
Himane Kenfaoui insiste sur le fait que les acteurs ne sont pas opposés à une révision du pacte, ni aux mesures ou aux économies, mais ils « sont aujourd’hui confrontés à une logique descendante, top-down, alors que tout a été construit en équipe ».
Travailler deux heures supplémentaires
L’une des mesures souvent critiquées par le gouvernement concerne l’obligation pour les enseignants du degré supérieur de travailler deux heures de plus afin d’aligner leur charge horaire sur celle de leurs collègues du degré inférieur. Une décision qui reflète, selon Himane Kenfaoui, une volonté politique aux conséquences notables sur la perte d’emplois et la qualité de l’enseignement.
Elle donne un exemple : « Si la ministre (de l’Éducation, Valérie Glatigny, ndlr) décide de réduire de 30% les conseillers pédagogiques, ces enseignants experts qui accompagnent les professeurs dans la mise en place de nouvelles pratiques pédagogiques vont manquer. Et en même temps, elle annonce une augmentation de la formation des enseignants sur l’intelligence artificielle et l’accompagnement personnalisé des élèves. C’est paradoxal, car toutes les recherches montrent qu’une formation en one-shot n’est pas efficace », développe la directrice de l’institut.
Elle précise également qu’un « accompagnement », un « tuilage » et un « étayage pédagogique » sont essentiels pour permettre la mise en œuvre de réformes.
La prochaine rentrée, le grand flou
En tant que directrice, Himane Kenfaoui explique, comme d’autres responsables d’établissements scolaires, qu’elle ne peut pas organiser la rentrée prochaine. « Le 15 janvier, je vais réunir les futurs parents, je vais les inviter pour présenter l’école et expliquer notre projet pédagogique. Je ne peux pas dire à ces parents combien de classes je vais ouvrir. Je ne peux pas dire à ces parents quel enseignant va donner quel cours. Je ne peux pas dire à ces enseignants quelle option je vais organiser en troisième parce que la ministre a décidé de changer des programmes de cours », déplore-t-elle.
Elle mentionne également qu’un stage de trois jours pour les enfants de 12 ans sera instauré à l’avenir, ce qu’elle considère comme un non-sens. « Je ne sais pas leur dire où, ni comment, ni qui va les accompagner. Et je me demande même encore aujourd’hui si les entreprises sont prêtes à accueillir des milliers de jeunes de 12 ans en stage pendant trois jours en même temps ? », s’interroge-t-elle.
Enfin, la directrice tient à rappeler que tous les acteurs de l’enseignement tirent la sonnette d’alarme. « Ce n’est pas une colère stérile, je l’insiste. On n’est pas sur un débat stérile, bête et méchant, où on va dire non, on n’est pas d’accord. On vient avec des propositions », souligne-t-elle.
« Je tiens juste à dire que l’école n’appartient pas aux acteurs du terrain. L’école n’appartient pas aux politiques. L’école est un bien public. Il est nécessaire de pouvoir se réunir afin d’engager des réformes significatives pour nos jeunes, car il s’agit de nos jeunes et de nos enfants », conclut Himane Kenfaoui.

