Belgique

Du parfum dans les champs pour ne pas attirer les insectes nuisibles

L’université d’agronomie de Gembloux développe une technique permettant aux agriculteurs de parfumer les champs sans nuire à leur santé ni polluer l’environnement. Un répulsif, autorisé sur le marché français depuis l’année dernière, pourrait diminuer de moitié les populations de pucerons dans les cultures de betteraves.


L’objectif est de fournir aux agriculteurs un outil de biocontrôle, une alternative aux pesticides de synthèse. La technique de parfumer les champs sans polluer ni nuire à la santé des agriculteurs est actuellement en développement, notamment à l’université d’agronomie de Gembloux. Une équipe de chercheurs a élaboré une formulation à base d’extraits de plantes pour attirer hors du sol des insectes qui se nourrissent des racines de betteraves ou de pommes de terre. Ce sont des méthodes douces visant à repousser, voire éviter l’utilisation de pesticides conventionnels.

Il est bon de savoir que les plantes émettent une odeur qui circule dans l’air et dans le sol, constituant une empreinte olfactive qui attire certains insectes tout en repoussant d’autres. Par exemple, les pucerons sont friands de betterave, causant des désagréments aux agriculteurs. « Dès qu’une nouvelle feuille arrive, ils sont là », déclare Benoît Ambeza, agriculteur dans le Pas-de-Calais. Pour agir rapidement, il recourt à un nouveau remède : des petites billes parfumées au clou de girofle et au basilic, dispersées dans les champs, dont les effluves font fuir les prédateurs.

Un répulsif est autorisé sur le marché français depuis l’année dernière. Il permettrait de réduire de moitié les populations de pucerons dans les cultures de betteraves. « Ça va créer un nuage d’odeurs autour des betteraves. Ça va venir masquer l’odeur du légume, que le puceron adore. Lorsqu’ils vont arriver sur les champs, ils ne vont donc pas sentir les betteraves », explique Nasthasia Cherotzky, cheffe de produit à la société Agriodor.

Cette alternative donne de l’espoir à des agriculteurs, comme Benoît Ambeza, qui aspire à abandonner totalement les pesticides conventionnels : « On essaie de trouver des alternatives moins agressives pour la plante, des produits qui sont plus acceptables pour les consommateurs mais pour nous aussi. Vous savez, on ne met pas avec plaisir des produits qui sont mauvais pour notre santé. »

À Gembloux, des tests sont en cours pour d’autres stratégies olfactives pour protéger les champs. L’ennemi redouté est la larve de coléoptère, le taupin, qui grignote les racines des plantes. La méthode développée consiste à attirer et éliminer ces larves grâce à des billes odorantes. « Le taupin va être attiré par ces petites billes, va les grignoter et va être infecté par un biocide qu’on a développé, ici un champignon qui tue les insectes », explique Fanny Ruhland, chercheuse au laboratoire d’écologie chimique et comportementale de l’Université de Gembloux Agro-Bio-Tech.

Testée sur le terrain, cette méthode a déjà montré des résultats prometteurs qui suscitent l’intérêt des agriculteurs et des industriels. François Verheggen, professeur de zoologie à l’ULiège et directeur de projet de recherche « Attract and kill », précise : « On a pu démontrer de légères hausses de rendement lorsque la plante était protégée par ces techniques. Il ne faut pas être trop dans l’utopie, cela dit, il faudra des années pour jongler entre ces méthodes encore en développement afin d’atteindre des rendements satisfaisants. Mais cela va s’améliorer au fur et à mesure. »

En résumé, une lutte intégrée s’impose à travers des stratégies olfactives, car, soulignent leurs défenseurs, les odeurs ne tuent pas. L’enjeu est crucial pour l’industrie agroalimentaire, les fabricants de produits chimiques, ainsi que pour la santé des sols et des consommateurs.