Belgique

Dotations publiques des partis : seul le PTB plaide pour une réduction

Ce panel détaillera mercredi, à la Chambre, les 34 recommandations qu’il porte afin de réformer le modèle de financement des partis. Il propose notamment de plafonner les dépenses des partis sur les réseaux sociaux ; de revoir la partie fixe du financement et la partie variable (dépendant du nombre de voix obtenues) afin de réduire l’écart entre grandes et petites formations ; d’instaurer des sanctions en cas de diffusion de fausses informations (fake news) ; ou encore des règles plus claires sur l’affectation des moyens.

Par contre, la question de la hauteur des dotations n’a pas fait consensus. 57 % des membres du panel – une nette majorité tout de même – veulent une diminution des dotations, 32 % sont pour le statu quo et 10 % pour une augmentation.

Grâce aux militants et mandataires

La Libre a sondé les six formations francophones représentées dans les parlements (PS, MR, Écolo, PTB, Les Engagés, Défi) pour connaître leur point de vue sur une éventuelle réforme de leur mode de financement. Il apparaît qu’un seul parti est clairement favorable à une réduction de la dotation publique : le PTB.

”Les sommes que les partis reçoivent aujourd’hui en Belgique sont trop élevées, estiment les communistes. Plus de 75 millions d’euros de financement public vont chaque année vers les partis. Nous voulons réduire de moitié et plafonner ces dotations.”

Le PTB a la particularité d’être le parti qui bénéficie le plus – et de loin – des contributions versées par ses mandataires et militants. “Contrairement aux autres partis, qui sont financés presque exclusivement par des fonds publics, le PTB fonctionne environ pour moitié sur fonds propres. Nous sommes extrêmement fiers de notre modèle”, dit-il, alors que ce système de financement est décrié en raison de son caractère très coercitif. “Les partis dépendent trop du financement public et ne s’appuient pas assez sur les contributions de leurs membres et sympathisants. Cela ne pousse pas à être en contact et à devoir rendre des comptes.”

”J’avais l’impression qu’on en voulait à mon argent”: au PTB, les militants sont tenus de verser chaque mois une partie de leur salaire

Indépendance financière

Pour les cinq autres formations, le système doit être peu ou prou réformé. Mais elles sont d’accord pour lui reconnaître au moins un mérite. “N’oublions pas les affaires de corruption Agusta-Dassaut que l’actualité nous rappelle avec [les tentatives présumées de corruption par] le Qatar et le Maroc. Nous devons éviter que les partis puissent être financés et influencés par des intérêts privés et étrangers”, résume Écolo.

”Il est sain que les partis puissent financer leurs campagnes en partie grâce aux dotations publiques pour éviter les travers, tels que constatés aux USA par exemple, de campagnes financées par des entreprises ou lobbys privés”, appuient Les Engagés.

guillement

Encadrer le financement, oui, mais le réduire davantage nuirait au bon fonctionnement de notre démocratie et plus encore aux plus petits partis.

Pour le président du MR, Georges-Louis Bouchez, “le modèle de financement actuel ne pose pas de problème. Oui, les partis ont pour le moment des réserves financières, mais ils n’en auront plus au soir des élections.” Il est vrai qu’une campagne électorale (les prochaines élections générales auront lieu le 9 juin 2024) coûte très cher aux partis et aux candidats.

”Il faut remettre les choses en perspective, poursuit-il. Le financement de l’ensemble des partis du pays, c’est la moitié de la dotation annuelle de la RTBF, qui est de 330 millions d’euros” – le président du MR fait la comparaison avec le patrimoine global des partis qui était de 156,8 millions d’euros en 2021 ; les subventions publiques annuelles se montent, elles, à 75 millions.

Des efforts ont été consentis

”Les dotations publiques aux partis ont déjà été réduites au travers de réductions budgétaires et encore récemment avec une diminution de 5 % en 2023 et 2024, rappelle pour sa part le PS. Les recettes des partis diminuent mais, dans le même temps, les dépenses augmentent en lien avec l’inflation. Encadrer, oui, mais réduire davantage nuirait au bon fonctionnement de notre démocratie et plus encore aux plus petits partis.”

”Les montants ne sont pas le plus gros problème. Les dotations publiques représentent environ 0,5 % du budget de l’État, embraie Défi. Pour lui, “le système actuel peut être maintenu mais il ne doit pas être indexé. Le problème, c’est la manière dont ces sommes sont utilisées.”

Dans leur accord de majorité, les partenaires de la coalition Vivaldi au fédéral (PS, Vooruit, MR, Open VLD, Écolo, Groen, CD&V) se sont engagés à “[poursuivre] la réforme du système de financement des partis, […] notamment en renforçant la transparence et le contrôle des recettes et des dépenses”. Ces objectifs de transparence et de contrôle sont partagés par tout le monde à des degrés divers.

De la pub à l’immobilier

Là où le débat se corse, c’est sur l’utilisation des moyens. “Il est compréhensible, reprend Défi, que les partis utilisent cet argent pour payer des salaires de gens qui réfléchissent à des programmes pour améliorer le fonctionnement de la société ou pour des bâtiments qui abritent ces gens. Mais il n’est pas compréhensible que cet argent soit utilisé pour investir dans l’immobilier ou pour faire de la publicité sur les réseaux sociaux.”

Le PS, Écolo, Défi et Les Engagés veulent plafonner les dépenses de publicité des partis sur les réseaux sociaux.

Les exemples de l’immobilier et des réseaux sociaux ne tombent pas de nulle part. Le PTB et le Vlaams Belang ont été épinglés pour la hauteur des montants dépensés sur les réseaux pour des messages publicitaires jugés populistes, voire mensongers, par leurs adversaires. Quant à la N-VA, elle possède un patrimoine immobilier important, source de revenus complémentaires.

Le PS, Écolo, Défi et Les Engagés voudraient fixer des règles quant à l’utilisation des fonds des partis, en particulier en limitant leur capacité à investir dans l’immobilier et en plafonnant les dépenses sur les réseaux sociaux.

Rééquilibrage entre grands et petits

Le MR, en revanche, préfère laisser une large autonomie aux partis. “Il faut trois choses, expose son président. Plus de transparence ; plus de pédagogie, notamment via la publication de rapports d’activité des collaborateurs et de l’organigramme du parti ; et instaurer des obligations par rapport au rôle démocratique des partis, comme la publication d’un certain nombre d’études ou le renouvellement des candidats sur les listes.”

Quant aux deux plus petites formations représentées dans les parlements, Défi et Les Engagés, elles estiment qu’un rééquilibrage doit être opéré dans le financement des grands et petits partis. Les Engagés adoubent la proposition du panel citoyen : augmenter la part forfaitaire du financement, et revoir la part variable liée au nombre de voix pour qu’elle soit plafonnée et dégressive.

Pour que le système évolue, il faudra que les partis le décident et s’entendent entre eux… La démocratie belge est ainsi faite.