Désinformation : une guerre invisible fragilise l’Europe.
La Russie, la Chine et l’Iran sont identifiés comme des acteurs agressifs vis-à-vis de l’Union européenne, déployant des tactiques sophistiquées pour perturber les élections et saper la crédibilité des médias. Un rapport de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN publié en septembre 2025 souligne que les efforts de désinformation de la Chine se sont intensifiés depuis la crise du COVID-19.
Russie, Chine, Iran : ces trois pays se révèlent être les principaux acteurs agressifs envers l’Union européenne. Ils emploient des tactiques de plus en plus élaborées pour perturber les élections, éroder la confiance du public, miner la crédibilité des médias et exacerber les divisions sociales en Europe.
Cette menace est complexe et difficile à contenir, comme le précisent plusieurs rapports du service diplomatique de l’UE, de l’agence française VIGINUM et d’organisations telles qu’Alliance4Europe. La situation est d’autant plus compliquée que chacun de ces pays semble adopter sa propre stratégie d’attaque.
### La Russie, principal fournisseur de désinformation vers l’UE
La Russie, pionnière en matière de désinformation depuis la guerre froide, a modifié ses méthodes depuis l’invasion de l’Ukraine. Elle s’appuie désormais sur la fragmentation du débat public, par le biais de sites clonés imitant la presse européenne, de vidéos manipulées par intelligence artificielle, d’infiltration dans des forums spécialisés, et d’opérations hybrides mêlant propagande en ligne et actions dans la rue. Son but est de semer le doute et de miner la confiance dans les institutions.
L’intention n’est pas de persuader les Européens de croire tout ce qu’ils voient, mais qu’ils cessent de croire en quoi que ce soit.
Les rapports analysés par des journalistes du réseau Euranet + mettent en lumière que la désinformation en provenance de Russie repose souvent sur les mêmes ressorts :
– Les sanctions contre la Russie se retournent contre les Européens, qui souffrent davantage que Moscou.
– Le ressentiment envers les réfugiés ukrainiens, les présentant comme un fardeau ou une menace.
– La délégitimation des institutions de l’Union européenne et de l’OTAN.
– L’hypocrisie des élites, avec des dirigeants occidentaux perçus comme faibles ou compromis.
### La Chine veut se refaire une image
La Chine, quant à elle, opte pour la séduction plutôt qu’une attaque frontale. Ses campagnes visent principalement à soigner son image, rassurer sur sa stabilité économique et présenter Pékin comme un partenaire essentiel.
Ses réseaux de désinformation, souvent discrets, cherchent à affaiblir l’unité occidentale sur des sujets sensibles comme Taïwan ou les droits humains. Un rapport de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, publié en septembre 2025, souligne que ces efforts se sont intensifiés depuis la crise du COVID-19.
### L’Iran profite des crises au Moyen-Orient
L’Iran agit de manière opportuniste. Lors des crises au Moyen-Orient, ses relais amplifient les discours anti-israéliens et cherchent à diviser les opinions publiques européennes, notamment au sein des diasporas. Cela est attesté par un rapport de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN et un rapport de EU Disinfo Lab, publié en juillet 2025.
Il convient également de mentionner le rôle de certains acteurs privés, groupes criminels ou sociétés d’influence, qui proposent des « services de désinformation » à la carte à des puissances étrangères, compliquant davantage la situation.
### La réponse européenne
Face à cette menace croissante, l’Union européenne a instauré plusieurs nouvelles règles et organismes de contrôle, parmi lesquels le Règlement sur les services numériques (DSA). Ce règlement oblige les principales plateformes à lutter contre la désinformation systémique et à donner accès aux données aux chercheurs.
L’UE a également commencé à encadrer l’utilisation de l’intelligence artificielle en adoptant le premier cadre mondial contraignant en la matière, exigeant transparence et atténuation des risques.
Les États membres ont mis en place divers organismes nationaux de surveillance comme Viginum en France ou le BfV en Allemagne, publiant des rapports réguliers, menant des campagnes de prévention et désignant publiquement les opérations hostiles.
### Des efforts encore insuffisants
Cependant, ce filet de protection européen demeure trop lâche. Le DSA ne couvre pas toutes les plateformes numériques, Telegram par exemple, un outil central dans les opérations russes dans les pays baltes, échappant à son champ d’application. Par ailleurs, le règlement sur l’IA n’en est qu’à ses débuts. Les régulateurs ont du mal à suivre le rythme des systèmes d’influence automatisés.
De plus, la désinformation se propage très rapidement et à peu de frais, tandis que les enquêtes et la clarification des fausses informations sont coûteuses et longues. Les vérifications des faits arrivent souvent trop tard ou amplifient involontairement les fausses informations. Les médias classiques peuvent également propager la désinformation simplement en la relayant.
Enfin, le retrait des États-Unis de la lutte conjointe contre la désinformation, avec la fermeture du bureau de coordination du département d’État au printemps 2025, complique encore davantage le défi de combattre la désinformation.
### Gare à la prochaine vague
De nouvelles études mettent en garde contre la prochaine vague : audio synthétique, chatbots IA et faux médias locaux imitant des journaux de petites villes. Le danger stratégique ne réside pas seulement dans un choc électoral unique, mais dans une érosion cumulative de la confiance.
Avec la Russie en première ligne et la Chine et l’Iran poursuivant leurs intérêts, l’Europe doit faire face à un long combat pour maintenir la crédibilité de ses institutions démocratiques.

