David Clarinval (MR) sur les négociations “Arizona” : “De nouvelles taxes, pour le MR, c’est un No Go”
David Clarinval est toujours vice-Premier ministre au sein du gouvernement De Croo en affaires courantes. Mais il est également le bras droit de Georges-Louis Bouchez dans le cadre des délicates négociations « Arizona » au fédéral. Il a accepté de commenter les discussions en cours au fédéral qui pourraient aboutir, fin janvier, à la mise en place du gouvernement De Wever.
- Publié le 04-01-2025 à 07h06
Votre président de parti, Georges-Louis Bouchez, affirme qu’un accord est possible pour ce mardi 7 janvier, à l’occasion de la nouvelle audience au Palais du formateur Bart De Wever. Mais ce dernier évoque plutôt un accord pour la fin du mois. Quel est votre pronostic ?
Je ne suis pas maître de l’agenda. Cela relève du formateur, en bonne entente avec le Palais. En évoquant la date du 7 janvier, Georges-Louis a voulu indiquer que tout était sur la table et qu’il était temps que l’on atterrisse. On a passé plusieurs mois à rédiger une note assez épaisse, composée de nombreux chapitres thématiques.
Le futur accord va très loin dans le détail des mesures. C’est l’inverse de ce qui avait été fait lors de la mise en place de la majorité Vivaldi, en 2020 : le pacte de majorité comportait volontairement des zones de flou.
Oui. Le souci du détail est tellement présent que nous avons eu parfois l’impression d’être déjà en train de rédiger les arrêtés royaux. C’est peut-être cette précision qui fait que cela prend du temps. On va parfois un peu trop loin. Lors de la dernière réunion plénière avant Noël, Bart De Wever avait demandé aux négociateurs de déposer leurs derniers amendements afin que les présidents de parti puissent trancher toutes ces questions.
C’est à ce moment que Vooruit a émis des centaines de demandes de modification de la super-note socio-économique du formateur…
On ne s’attendait pas à voir Vooruit remettre environ 500 amendements, c’est vrai. Cela dit, c’était le droit des socialistes flamands de le faire et c’était conforme à l’invitation du formateur.
Oui, mais pas dans une telle mesure !
Bart De Wever avait évoqué deux ou trois amendements maximum par parti, effectivement… Mais il n’y a pas que Vooruit qui a déposé des amendements, d’autres formations n’ont pas été en reste. Mais on est dans la dernière ligne droite, on examine tous ces amendements ligne par ligne. Lorsqu’il y a un consensus, on les intègre dans le document final. J’ai bon espoir : un accord global est possible. Fin janvier au plus tard, on aura un nouveau gouvernement fédéral.
guillement J’ai bon espoir : un accord global est possible. Fin janvier au plus tard, on aura un nouveau gouvernement fédéral.«
Mais Vooruit, dans sa foule d’amendements, a réclamé de revoir les équilibres budgétaires de base et veut taxer bien plus que prévu « les épaules les plus larges ». Tout reste à faire…
Il est clair que la vision des socialistes n’est pas celle des libéraux ; et c’est un euphémisme. Le travail qui reste à faire n’est pas simple. On doit cependant faire des pas les uns vers les autres. Tout le monde l’a bien compris. Cette taxation des « épaules les plus larges » est très compliquée pour le MR. Mais l’effort budgétaire que nous devons accomplir tous ensemble est colossal : 20 milliards sur la législature. C’est l’effort du siècle que l’on nous demande de réaliser. Les socialistes francophones ne sont pas autour de la table car ils savent que ce travail budgétaire est difficile : ils pourront rester au balcon et critiquer. Il faut saluer le sens des responsabilités de Vooruit, au contraire. Ce parti fait des compromis.
guillement L’effort budgétaire que nous devons accomplir tous ensemble est colossal : 20 milliards sur la législature. C’est l’effort du siècle que l’on nous demande de réaliser. »
Quelles sont les priorités du MR dans ces discussions ?
Renforcer la compétitivité des entreprises, par exemple. Le coût du travail est la première préoccupation des entreprises en Belgique, selon une étude de SD Worx. Une autre étude de Manpower a montré que la Belgique fait partie des pays les moins attractifs au sein de l’OCDE. Le MR veut donc diminuer les coûts salariaux bruts, notamment par des réductions de cotisations sociales. C’est la mesure qui serait la plus pertinente. Nous devons aussi faire barrage aux idées d’autres formations qui sont contre-productives au sujet du coût salarial. Mais soyons de bons comptes : ce qui est sur la table de l’Arizona est tout de même beaucoup plus au centre droit que ce qui était sur la table de la Vivaldi. Les gens peuvent compter sur le MR pour que le futur accord de gouvernement soit « PME et indépendants friendly ».
Il est question de taxer les plus-values boursières. Est-ce acceptable pour vous ?
Le MR a bloqué totalement sur ce sujet durant le mois d’août. C’est l’une des mesures qui vont vraiment dans le mauvais sens. Le débat évolue. Mais la question reste sur la table, car c’est une demande très forte d’autres partis. Il faudra en tout cas distinguer les plus-values réalisées par la spéculation boursière à court terme des plus-values réalisées par un artisan qui a créé son entreprise il y a 25 ans, l’a développée et la vend à un repreneur à la fin de sa carrière. Là, ce n’est pas de la spéculation : c’est le cœur même de notre tissu économique.
Mais pour un particulier qui a un compte-titres, revend des actions et réalise une plus-value ?
La taxe sur les comptes-titres, qui existe déjà, est payée à plus de 90 % par les entreprises qui ont de la trésorerie et font des placements. Il ne s’agit pas de milliardaires qui cachent leurs sous… Ici aussi, il faut faire attention à ne pas frapper négativement les entreprises qui gèrent leur cash-flow. Pour les particuliers qui ont des actions, plusieurs formules de taxation ont été proposées. La gauche est toujours créative en matière fiscale… Mais Georges-Louis Bouchez et moi avons fait savoir que, la Belgique étant un des pays les plus taxés du monde, on ne peut pas accroître encore cette pression. De nouvelles taxes, pour le MR, c’est un No Go. Cela reste notre position. Il existe déjà une taxe sur les comptes-titres, comme je le mentionnais. Donc, les « épaules les larges » sont déjà touchées. Et je conteste le fait que la taxe sur les plus-values que certains réclament touche réellement les « épaules les plus larges ».
Il semble que le volet institutionnel du futur accord « arizonien » ne pèse guère lourd. La N-VA et le CD&V ont mis de côté leur agenda confédéraliste ?
Sur la table, il y a des éléments connotés sur le plan institutionnel à trancher dans les prochains jours, ils feront partie d’un équilibre général.