David Clarinval (MR) : “Il faut calibrer la taxe sur les plus-values pour qu’elle ne touche pas les classes moyennes”
Wilmès, De Croo, De Wever… Les Premiers ministres se succèdent, David Clarinval reste en place. Dans la coalition « Arizona », le vice-Premier ministre MR a toutefois hérité d’une lourde responsabilité : faire aboutir la réforme du chômage et la limitation dans le temps des allocations. Il passe en revue les dossiers « chauds » au fédéral et fixe des balises pour la future taxe sur les plus-values exigée par Vooruit.
- Publié le 03-05-2025 à 07h05
- Mis à jour le 03-05-2025 à 07h07

Lors du 1er mai socialiste, Paul Magnette, président du PS, a critiqué les plans du gouvernement fédéral. Selon lui, il n’y a plus eu une telle offensive contre le monde du travail depuis les années soixante et la Loi unique… Une pierre que le PS envoie dans le jardin du MR ?
La réforme du chômage n’est que l’une des pièces du puzzle que le gouvernement est en train de construire. Et je comprends que ce puzzle soit inquiétant pour le PS… Ce gouvernement remet frontalement en cause la vision du monde des socialistes francophones qui est basée sur l’assistanat et sur le maintien des gens dans la précarité pour pouvoir les manipuler et les embrigader.
De quoi se compose ce « puzzle » ?
La grande cohérence du projet de l’Arizona, c’est de récompenser les gens qui travaillent. En Belgique, on a 170 000 emplois vacants et 320 000 chômeurs… Il faut que les secteurs en pénurie de main-d’œuvre trouvent du personnel. Sur le plan budgétaire, un chômeur qui trouve du travail, c’est au minimum 28 000 euros d’effets positifs pour le budget puisque ce sont des allocations en moins à payer. Et cela amène, en outre, des cotisations sociales dans les caisses de l’État. Au niveau fiscal, on va augmenter le salaire poche des travailleurs. En matière de compétitivité, on va réduire le coût du travail. On a aussi le dossier « terug naar werk« , qui vise à faciliter le retour au travail : il y a 520 000 malades de longue durée en Belgique. C’est autant qu’en Allemagne… sauf que la population allemande est huit fois supérieure ! Enfin, il va y avoir une vraie réforme du marché du travail, qui est trop rigide. Frank Vandenbroucke (ministre fédéral de la Santé et des Affaires sociales, Vooruit), Jan Jambon (ministre des Finances et des Pensions, N-VA) et moi, on avance dans la même direction : la valorisation du travail.
Pas tout à fait dans la même direction… Conner Rousseau, président de Vooruit, a déjà dit qu’il ferait tomber la coalition fédérale s’il n’obtenait pas la taxe sur les plus-values qu’il désire.
Cette taxe figure dans l’accord de gouvernement. C’est une concession que le MR a faite, nous n’étions évidemment pas demandeurs. Mais nous serons loyaux : la taxe sur les plus-values fait partie du puzzle fédéral dont je parlais. Conner Rousseau a rappelé son point de vue. Il faudra trouver un compromis dans les prochains mois. Il est prévu que l’on avance de concert sur la réforme du chômage et la taxe sur les plus-values. On trouvera une solution. Des intercabinets ont lieu et Vooruit peut y faire passer ses messages. La taxe verra le jour, oui, mais il faut qu’elle touche plutôt les spéculateurs, ceux qui achètent des cryptomonnaies et non le bon père de famille ou l’indépendant qui a un commerce et veut le céder à ses enfants.
guillement La taxe verra le jour, oui, mais il faut qu’elle touche plutôt les spéculateurs, ceux qui achètent des cryptomonnaies et non le bon père de famille ou l’indépendant qui a un commerce et veut le céder à ses enfants.«
Dans son projet initial, Jan Jambon propose d’exonérer les plus-values réalisées sur des actifs qui auraient été conservés pendant dix ans au moins. Cela va dans le bon sens ?
Oui. C’est une bonne base de travail. Mais je ne veux pas entrer dans les détails. Cela doit être discuté en intercabinets.
Les premières étapes du dossier de limitation dans le temps des allocations de chômage ont été franchies dans « l’accord de Pâques » du gouvernement fédéral. Par contre, la taxe sur les plus-values reste soumise à la négociation au sein de l’Arizona. Vooruit n’a donc plus de force de négociation pour faire passer cette mesure dans le cadre d’un grand compromis, estime Thierry Bodson, patron de la FGTB.
Ce n’est pas exact. Il a clairement été convenu que les deux réformes verraient le jour, même si le timing n’est pas le même. Les contours de la taxe sur les plus-values seront décidés avant le « go » final sur la réforme du chômage. Les deux dossiers sont couplés, ce n’est pas un secret.
Cet impôt sur « les épaules les plus larges » doit rapporter 500 millions par an au budget fédéral. Mais les rentrées fiscales qu’elles pourraient permettre sont impossibles à estimer car les plus-values boursières dépendent du comportement des marchés. Or, ils se sont récemment effondrés.
C’est inhérent à la construction d’un budget qui repose toujours sur des hypothèses, sur un travail prédictif en recettes et en dépenses. Comme il s’agit d’une nouvelle taxe, il est très difficile d’estimer son rendement, c’est vrai. Et ce rendement variera beaucoup en fonction du comportement de la bourse. En tout cas, je resterai attentif au dossier car aucune taxe ne frappe les riches uniquement. Il faudra donc calibrer la taxe sur les plus-values pour qu’elle ne touche pas les classes moyennes. Essayons de ne cibler vraiment que les spéculateurs qui agissent sur les cryptomonnaies et ce genre de mécanismes.
La FGTB avait dit qu’elle attaquerait en justice la limitation à deux ans des allocations de chômage.
C’était prévisible et on avait anticipé cette volonté d’attaquer en justice. Je regrette que la FGTB incite ses affiliés à aller au tribunal plutôt que d’aller travailler… La FGTB se raidit aussi car son business model est atteint : elle verse les allocations de chômage et y trouve un intérêt financier.
Non, cela coûte plus cher aux syndicats de verser le chômage que de ne pas le faire. Cela a été expliqué récemment dans La Libre.
C’est ce que la FGTB affirme en tout cas… On est un des seuls pays au monde où les syndicats paient les allocations. Ils y trouvent un intérêt évidemment. Ne serait-ce qu’en établissant un contact personnel avec les gens.
Découvrez la deuxième partie de l’entretien ici.