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Darfour : crise à El Fasher, milliers de civils fuient les violences.

La situation humanitaire s’aggrave au Darfour, au Soudan, après la prise de la ville d’El Fasher par les Forces de soutien rapide (FSR). Selon MSF, environ 200.000 civils se trouveraient toujours à El Fasher.


C’est l’un des drames les plus tenaces de notre époque : celui qui se déroule, loin des regards, au Darfour. Pour éclairer ce conflit souvent ignoré mais qui cause une immense souffrance humaine, *La Première* reçoit ce jeudi matin Aurélie Lécrivain, coordinatrice communication de Médecins Sans Frontières au Soudan. À travers son témoignage, elle nous fait entendre la voix de civils pris au piège, affamés, blessés, réduits au silence des routes désertes.

La situation humanitaire s’aggrave au Soudan, au Darfour, après la prise de la ville d’El Fasher par les Forces de soutien rapide (FSR). Dernière capitale régionale encore en dehors de leur contrôle, elle a été conquise dans un climat d’extrême violence, d’après les récits de civils qui ont fui.

Médecins Sans Frontières (MSF), qui n’a pas pu intervenir à El Fasher depuis plus d’un an, recueille les témoignages des rescapés à Tawila, située à environ soixante kilomètres. De là, l’organisation humanitaire entend les récits de ceux qui ont échappé aux combats.

« Nous accueillons les civils qui ont fui El Fasher et qui racontent les horreurs, les scènes de torture et d’exécution », explique Aurélie Lécrivain. « Certains arrivent blessés, par balles ou par éclats d’obus. »

Parmi les nouvelles les plus préoccupantes, MSF confirme avoir reçu des informations crédibles concernant une attaque contre l’hôpital El Saudi, où l’organisation travaillait encore en août 2024. « Des patients ont été pris pour cible, ainsi que du personnel médical », précise Aurélie Lécrivain. « Nous sommes très préoccupés pour les personnes qui sont restées à El Fasher. »

Selon MSF, environ 200 000 civils se trouveraient encore à El Fasher. Bien que ces dix derniers jours, environ 2000 personnes aient réussi à atteindre Tawila, ce chiffre reste très faible au regard des besoins. L’ONG s’inquiète pour ceux qui ne peuvent pas quitter la ville. « Nous nous demandons ce que deviennent les autres, pourquoi ils ne sont pas autorisés à fuir… ou peut-être qu’ils ne le peuvent pas », indique la représentante de MSF. « Les personnes qui parviennent à Tawila sont les plus chanceuses », ajoute-t-elle, tout en notant que la route est « jonchée de corps sans vie » selon les patients.

La majorité des arrivants sont dans un état physique préoccupant, blessés, déshydratés et très affaiblis. « Et presque tous les enfants que nous examinons sont malnutris », souligne MSF.

Pour faire face à cette crise, MSF a mis en place un poste de santé à l’entrée de Tawila pour trier les blessés et transférer les cas les plus graves vers son hôpital. « Il y a trois jours, nous avons reçu une vingtaine de personnes nécessitant une chirurgie d’urgence, » explique Aurélie Lécrivain. « Avec seulement trois chirurgiens, c’est extrêmement difficile. »

Malgré ces contraintes, l’organisation se prépare à accueillir davantage de personnes si de nouveaux couloirs de fuite s’ouvrent. « Nous sommes prêts à intervenir », affirme-t-elle. « Et nous espérons pouvoir recevoir beaucoup plus de civils. Cela signifierait qu’ils sont autorisés à partir. »

Face à l’ampleur des violences rapportées, MSF appelle les belligérants à respecter le droit international humanitaire. « Nous demandons que la vie des civils soit épargnée et que toutes les personnes qui souhaitent quitter la ville puissent le faire en sécurité », insiste MSF. L’organisation demande également la protection des travailleurs humanitaires et du personnel de santé, ainsi qu’un accès humanitaire « sûr et sans entrave. »