Crise au Venezuela : les États-Unis dénoncent la reprise par la force des marchés perdus
Le blocus maritime mis en place par le président Donald Trump pourrait avoir des conséquences dramatiques pour le Venezuela, en raison de l’asphyxie économique et d’une éventuelle remontée du taux de pauvreté à 90 %, comme c’était le cas en 2020. De plus, près de 7 à 8 millions de Vénézuéliens ont déjà quitté le pays, ce qui représente un quart de sa population nationale, dont 3 millions en Colombie.
La question qui se pose aujourd’hui est de savoir jusqu’où les États-Unis pourraient aller dans les pressions et intimidations envers le régime vénézuélien, Nicolas Maduro, et le Venezuela en général.
Thomas Posado déclare : « C’est difficile de prévoir jusqu’où ils vont aller, parce que Donald Trump est proprement imprévisible. Il commence une lutte contre le narcotrafic, qui se poursuit avec des menaces militaires, il en vient à un blocus aérien, puis à un blocus maritime. Ce sont des méthodes qui ne sont plus utilisées depuis des décennies. Début du 20e ou fin 19e siècle, on utilisait ce type de méthode pour soumettre des régimes.
Mais il avance dans des directions contradictoires. Il lance des menaces extrêmement offensives, puis il appelle à des négociations le jour même. Donc, c’est assez difficile à prévoir.
L’aspect même du blocus maritime est assez difficile à anticiper, car c’est clairement illégal du point de vue du droit international et du droit des États-Unis. Mais Donald Trump transgresse même les règles qu’il a édictées lui-même trois jours plus tôt, quand le premier navire a été arrêté ; quelques jours plus tard, une règle a été édictée selon laquelle c’est le pétrole sous sanction et les pétroliers sous sanction qui sont visés. Cependant, le samedi dernier, le deuxième pétrolier saisi était un pétrolier qui ne transportait pas du pétrole sous sanction et qui n’était pas sous sanction.
Donc, on a du mal à voir la logique, si ce n’est asphyxier le Venezuela et en arriver à un changement de régime à Caracas. »
Concernant la stratégie américaine, Thomas Posado indique qu’elle s’inscrit dans la doctrine Monroe, une forme de mainmise sur l’Amérique du Sud, y compris le renversement de régimes. Il précise : « Oui, tout à fait. La Maison-Blanche a même publié une doctrine de sécurité nationale dans laquelle est détaillé un corollaire Trump à la doctrine Monroe. Il s’agit donc d’une claire référence au corollaire Roosevelt à la doctrine Monroe au début du XXe siècle, à une époque où les États-Unis avaient une pratique agressive pour occuper certains États, comme d’approprier l’indépendance de Cuba ou favoriser la sécession du Panama pour s’approprier la zone du futur Canal. Donc, c’est un retour à cette époque.
La grande différence est qu’à l’époque, les États-Unis étaient une puissance ascendante ayant besoin de nouveaux débouchés, eux qui étaient la première puissance industrielle mondiale. Aujourd’hui, ils sont en déclin et sont dépassés par la Chine dans le commerce avec la plupart des pays latino-américains. Tous les coups de pression militaires ne modifieront pas les réalités économiques : le volume commercial des États-Unis est nettement inférieur à celui avec la Chine.
Il s’agirait d’une volonté de reprendre par la force des marchés perdus suite aux règles du jeu du libre-échange. Mais cela n’est pas certain.
En outre, Nicolás Maduro apparaît comme une victime idéale aux yeux de Donald Trump, car il est la cible de la haine d’un secteur de sa propre administration, celui de Marco Rubio, en lien étroit avec l’électorat ‘latino-antisocialiste’ de Floride.
De plus, Maduro est un allié proche de Xi Jinping et de Vladimir Poutine. Donc, illustrer ce qu’ils sont capables de faire peut être intéressant.
Enfin, le Venezuela sort d’une décennie de crise, étant nettement affaibli, notamment à cause des mesures dictées par Donald Trump. C’est la population qui souffre des mesures imposées par Trump lors de son premier mandat ainsi qu’aujourd’hui. »
Sur la position des pays de la région face à cette crise, Thomas Posado explique : « Le Venezuela fait l’objet d’opinions extrêmement diverses selon les gouvernements latino-américains, selon leur orientation politique. Les gouvernements de droite, d’une manière générale, instrumentalisent le cas du Venezuela comme épouvantail dans leur situation politique interne et manifestent une hostilité exacerbée envers Nicolás Maduro, tandis que les gauches favorisent souvent une option de dialogue et de conciliation pour arriver à une solution politique.
Aujourd’hui, les gouvernements de droite en Amérique latine, tels que Javier Milei et Najib Bukele au Salvador, soutiennent les interventions des États-Unis, ce qui est nouveau : en 2019, lors de l’auto-proclamation de l’opposant Juan Guaido, les gouvernements d’extrême droite au Brésil ou ceux d’une droite dure en Colombie n’étaient pas en faveur d’une intervention militaire car ces pays seraient affectés.
À l’opposé, des gouvernements de gauche comme celui de Petro en Colombie, de Lula au Brésil ou de Claudia Sheinbaum au Mexique, sont favorables à des négociations, car ils réalisent que les conséquences pourraient être désastreuses pour la région, tout en condamnant la dérive autoritaire de Nicolás Maduro et les fraudes lors des élections vénézuéliennes de 2024. »
Enfin, sur les conséquences immédiates et à moyen terme pour les pays d’Amérique latine, Thomas Posado conclut : « S’il y a intervention militaire ou crise de l’économie vénézuélienne, cela pourrait entraîner une nouvelle vague migratoire. Le Venezuela a déjà perdu près de 7 à 8 millions de Vénézuéliens, soit un quart de sa population. Parmi eux, 3 millions sont déjà en Colombie. Les conséquences sur la Colombie pourraient être dramatiques en cas de bombardements sur des sites militaires, souvent intégrés dans la population vénézuélienne.
Si l’asphyxie économique entraîne un taux de pauvreté de 90 % comme c’était le cas en 2020, cela aurait des conséquences dramatiques pour les pays voisins et, bien sûr, pour le Venezuela. »

