Belgique

Coup d’État déjoué au Bénin, soutien de troupes ouest-africaines à Cotonou

Cette tentative de putsch intervient à quelques mois du départ de la présidence de Patrice Talon, après deux mandats à la tête de ce petit pays côtier d’Afrique de l’Ouest. La France a condamné cette tentative de coup d’Etat et a appelé ses ressortissants « à la plus grande prudence et notamment à rester confinés », en raison d' »un contexte à cette heure encore volatil ».


Cette tentative de coup d’État survient quelques mois avant la fin du mandat de Patrice Talon, après deux mandats à la présidence de ce petit pays côtier d’Afrique de l’Ouest, caractérisé par une croissance économique solide, mais également marqué par des violences jihadistes dans sa région nord.

Depuis le début de la décennie, l’Afrique de l’Ouest est secouée par l’instabilité politique, avec des coups d’État survenus au Mali, au Burkina Faso et au Niger, voisins du Bénin, ainsi qu’en Guinée et plus récemment, à la fin novembre, en Guinée-Bissau.

Dimanche matin, après des coups de feu entendus près de la présidence, des militaires ont fait intrusion sur les antennes de la télévision nationale pour annoncer la destitution du président Talon, évoquant la « dégradation de la situation sécuritaire » ainsi que des atteintes aux « libertés fondamentales ».

Quelques heures plus tard, le ministre béninois de l’Intérieur, Alassane Seidou, est également apparu à la télévision nationale pour déclarer que le coup avait échoué.

Patrice Talon a confirmé cette information lors d’une brève allocution à la Nation dimanche soir, assurant que la situation était « totalement sous contrôle » et que la « sécurité et l’ordre public seront maintenus partout sur le territoire national ».

« Cette forfaiture ne restera pas impunie », a-t-il ajouté, en félicitant les militaires de la garde républicaine à son arrivée au palais présidentiel.

La France, ancienne puissance coloniale, a condamné dimanche soir la tentative de coup d’État et a appelé ses ressortissants « à la plus grande prudence et notamment à rester confinés », en raison d' »un contexte à cette heure encore volatile ».

Malgré une journée durant laquelle la plupart des habitants ont poursuivi leurs activités à Cotonou, la capitale économique a commencé à se vider plus tôt que d’habitude dans la soirée, selon un journaliste de l’AFP. Plusieurs barrages militaires étaient positionnés dans la zone de la présidence et du camp militaire voisin de Guézo.

« Ce soir, on va essayer de rentrer plus tôt. On ne sait pas qui est à la base de ce coup d’État », a déclaré à l’AFP Michelle Eudoxie, une coiffeuse de 50 ans. De son côté, Nabil Sacca, un vendeur d’essence se trouvant près du palais présidentiel dans la matinée, a raconté : « Ce matin, j’ai commencé à entendre les sons des balles. J’ai quitté le quartier pour aller ailleurs parce que j’ai eu peur. »

Selon des sources militaires contactées par l’AFP, une douzaine de soldats ont été arrêtés, parmi lesquels figurent certains des auteurs de la tentative de putsch, bien qu’il n’ait pas été précisé si le meneur des mutins, le lieutenant-colonel Pascal Tigri, en faisait partie.

En fin d’après-midi, l’aviation nigériane a effectué des frappes à Cotonou, « en lien avec les protocoles de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) », a déclaré le porte-parole de l’armée de l’air nigériane, le général Ehimen Ejodamen, sans donner de précisions sur les cibles.

La Cedeao a ensuite annoncé le « déploiement immédiat » de troupes en provenance du Nigeria, de la Sierra Leone, de la Côte d’Ivoire et du Ghana, afin de soutenir « le gouvernement et l’armée républicaine » du Bénin et de « préserver l’ordre constitutionnel ».

La Force en attente de la Cedeao est mandatée pour assurer la paix et la stabilité de la région. Elle s’était par exemple déployée en Gambie en 2017 lorsque le président sortant Yahya Jammeh refusait de quitter le pouvoir. Toutefois, elle avait finalement renoncé à intervenir en 2023 après le coup d’État au Niger.

L’Union africaine (UA) a condamné cette tentative de coup d’État de « façon ferme et sans équivoque ».

L’histoire politique du Bénin a connu plusieurs coups d’État ou tentatives, mais le dernier remonte à 1972. « Aujourd’hui, c’est comme si je revivais ce que nos parents ont vécu à cette époque », a déclaré Remy Agblo, un commerçant, « heureusement que ça a été déjoué ».

Patrice Talon, au pouvoir depuis 2016, doit terminer son second mandat en 2026, le maximum autorisé par la Constitution. Son dauphin désigné, l’actuel ministre des Finances Romuald Wadagni, est largement perçu comme le favori pour la présidentielle d’avril 2026, le principal parti d’opposition ayant été écarté de la compétition.

« Il y a une tension perceptible dans le pays depuis des mois en raison des élections », a noté Anatole Zinsou, informaticien à Cotonou, qui déplore l' »exclusion » de certains acteurs du processus électoral.

Bien que salué pour le développement économique du Bénin, Patrice Talon est régulièrement critiqué par ses détracteurs pour avoir pris un tournant autoritaire dans un pays autrefois reconnu pour la vitalité de sa démocratie.