Belgique

« Comme il n’y a pas de législation claire, on ferme les yeux »: ces vides juridiques qui permettent au PTB d’être largement financé par ses membres

Selon Germain Mugemangango, porte-parole du PTB, cela “ne concerne que les cadres, membres du Conseil national”. Mais des militants s’engagent aussi par écrit à reverser au parti une partie plus petite de leurs revenus mensuels.

Christian Panier, ancien juge namurois, a par exemple assuré à La Libre avoir cotisé “500 euros par mois” entre 2013 et 2015, alors qu’il n’était que membre consultatif du PTB.

”Le PTB, qui fait la morale à tout le monde, tord le bras de la loi par son système de rétrocessions : une personne physique ne peut ‘donner’ que 500€ par an et par parti maximum”, a pointé Mathieu Bihet, député MR, sur les réseaux sociaux, ajoutant qu’” en qualifiant la rétrocession du militant comme une cotisation, le PTB contourne clairement la loi”.

Le jeune député fait référence à la loi du 4 juillet 1989, qui limite et contrôle les dépenses électorales et le financement des partis politiques.

Cette loi interdit notamment à des entreprises de financer des partis politiques. Seules des personnes physiques peuvent faire des dons à des formations politiques. Et ceux-ci sont limités à 500 euros par an et par personne.

Les rétrocessions au parti, comme les pratiquent les mandataires PTB – ceux des autres partis le font aussi – ne sont pas “pas considérées comme des dons”. Le versement de cotisations par les militants et les membres des partis n’est en revanche pas spécifiquement réglé.

”On se trouve ici face à un problème éthique, nous indique Raymond Molle, l’un des quatre experts membres de la Commission de contrôle des dépenses électorale. Car il y a un vide juridique sur la question. La loi de 89 ne prévoit aucun plafond pour les cotisations qui viennent d’un membre de parti. Le problème a été soulevé en commission, mais cela a été un coup d’épée dans l’eau. Comme il n’y a pas une législation bien claire sur le sujet, on ferme les yeux et on laisse la situation se poursuivre.”

En 2020, le Vlaams Belang avait en effet déposé une plainte, reprochant au PTB de faire passer des dons pour des cotisations. La commission de Contrôle des dépenses électorales, saisie du problème, avait demandé à ses experts (dont Raymond Molle) de rendre un avis. Ils avaient estimé que le PTB respectait la loi.

Car la loi de 89 établit une distinction entre un don effectué par un particulier et la cotisation versée par le membre d’un parti.

Dans leur rapport, ces experts estimaient toutefois que” si le militant conserve […] la liberté de financer par des montants laissés à son appréciation le parti politique […], il serait toutefois contraire à la philosophie de la loi d’autoriser cette pratique sans aucune restriction”. Ils ajoutaient que “pour s’assurer que les contributions des membres d’un parti ne soient pas utilisées pour détourner la réglementation sur les dons, il serait utile de renforcer la réglementation, en s’inspirant par exemple du régime de financement des partis politiques européens (NdlR : maximum 18 000 euros par an et par membre).

La Vivaldi, dans son accord de gouvernement, s’est engagée à poursuivre “la réforme du système de financement des partis.”

Des débats ont lieu au sein de la commission Constitution de la Chambre.

”Au niveau des commissions, on sent une prise de conscience, et une volonté d’avancer. Si on revoit la loi de 89, il faut le faire en profondeur et permettre un meilleur contrôle, conclut Raymond Molle. Notre groupe d’experts actuels constitue un embryon d’organe de contrôle, mais nous ne disposons pas d’un vrai organe de contrôle indépendant. C’était d’ailleurs l’une des recommandations du Greco (organisme européen de lutte contre la corruption) au sujet de la Belgique. Nous n’avons pas la possibilité d’agir correctement.”