Christine Mahy : « Le gouvernement fédéral ne donne pas de réponses »
Le gouvernement fédéral a annoncé qu’il ne financera plus les plans d’aide hivernaux aux sans-abri, appelés les plans « grand froid ». Christine Mahy déclare que le fédéral « porte une responsabilité très importante dans l’existence du sans-abrisme dans notre pays ».
Ce week-end, le gouvernement fédéral a décidé de ne plus financer les dispositifs d’aide hivernaux destinés aux sans-abri dans les grandes villes, connus sous le nom de « plans grand froid ». Cette annonce a suscité une certaine inquiétude parmi les associations qui viennent en aide aux plus démunis, dont les besoins continuent d’augmenter. La Région wallonne et le CPAS de Bruxelles ont d’ores et déjà annoncé qu’ils prendraient en charge ce budget, mais la question se pose de savoir si cela sera suffisant alors que de nombreuses réformes risquent de fragiliser encore davantage les plus précaires.
« Tant mieux pour l’effort que les Régions vont faire, mais ces compensations ne me rassurent pas du tout, » a déclaré Christine Mahy au micro de Matin Première. « Déjà, je me demande dans quoi elles vont couper en compensation, alors que le fédéral pourrait continuer d’investir dans cette politique publique. Ensuite, elles ne me rassurent pas car il n’y a déjà pas assez d’argent pour l’accueil des personnes sans-abri. »
La secrétaire générale du Réseau wallon de lutte contre la pauvreté a rappelé que le « plan grand froid » couvre l’ensemble de la période hivernale, mais que les difficultés rencontrées par les sans-abri sont présentes tout au long de l’année. « Ce qui est très grave, c’est que le fédéral semble dire que ce n’est pas son affaire, mais celle des Régions, » a-t-elle dénoncé. « Ce gouvernement réduit de plus en plus les budgets fédéraux destinés aux Régions pour lutter contre la pauvreté. »
Pour Christine Mahy, ce désengagement du fédéral est d’autant plus incompréhensible que ce gouvernement « porte une responsabilité très importante dans l’existence du sans-abrisme dans notre pays ».
« Ce qui génère du sans-abrisme, ce n’est pas juste le manque de logement. Ce sont de nombreuses situations critiques, comme les sorties de prison sans accompagnement, les sorties d’hôpitaux après une longue maladie sans soutien, ou encore le statut de cohabitation qui pousse des gens à la rue après une séparation, » a-t-elle énuméré.
« Au lieu d’investir, on sanctionne. »
Pour elle, il est évident que « le gouvernement fédéral crée de la précarité. » « Aujourd’hui, on attaque les revenus les plus bas, on fragilise les chômeurs et les demandeurs d’emploi alors que les solutions structurelles n’existent pas. On met la charrue avant les bœufs. Au lieu d’investir massivement, par exemple, dans le Housing First, dans les prisons pour une sortie positive ou dans la lutte contre les violences faites aux femmes, on sanctionne immédiatement les gens ou les budgets des services qui doivent travailler avec eux. »
Elle a également pointé la politique d’asile du gouvernement, qui stipule que les demandeurs d’asile bénéficiant déjà d’un statut dans d’autres pays d’Europe ne pourront plus obtenir de protection en Belgique.
« Cette politique est l’une des raisons pour lesquelles des gens se retrouvent à la rue. Comment peut-on accepter, dans un pays comme le nôtre, que des enfants dorment dehors avec leur famille alors qu’ils cherchent normalement la sécurité ici ? On ne tient plus compte des droits que ces gens mériteraient pour être accueillis dignement. Là encore, le gouvernement fédéral se exonère de sa responsabilité. »
Ce mercredi, une manifestation sera organisée à Namur à l’initiative des syndicats pour revendiquer un « emploi de qualité ». « Aujourd’hui – et ce n’est pas moi qui le dis, mais des chercheurs scientifiques – avoir un emploi ne sort pas de la pauvreté, » a affirmé Christine Mahy. « De nombreux éléments entrent en compte : le niveau de revenu, la durée du travail, l’accès aux services, le coût d’un véhicule que l’on doit parfois acquérir… »
« Nous sommes favorables à l’emploi, » a-t-elle précisé. « Mais la question est de savoir quels types d’emplois. »
Selon elle, les réformes mises en place par le gouvernement pour augmenter le taux d’emploi, notamment à travers les jobs flexibles ou le travail étudiant, créent une concurrence pour les demandeurs d’emploi face aux employeurs. « Cela réduit les opportunités d’accès à l’emploi pour les chômeurs. C’est vraiment un paradoxe. »
« Agresser les gens qui sont déjà par terre en pensant que l’on va trouver la solution, c’est se tromper. »
Elle a ensuite évoqué la réforme du chômage, qui propose de limiter les allocations de chômage dans le temps. Cette mesure suscite des craintes au sein du secteur associatif. « Nous redoutons un appauvrissement réel des ménages ainsi qu’une perte de confiance en soi pour les individus, avec des répercussions en chaîne dans la société, » a alerté Christine Mahy.
« Nous sommes favorables au travail, » a réaffirmé la secrétaire générale du Réseau wallon de lutte contre la pauvreté. « Le problème n’est pas de dire que l’on souhaite laisser les gens au chômage. Mais agressons-nous les gens qui sont déjà par terre en croyant que cela résoudra tout ? Je pense que c’est une erreur. »

