Belgique

Chasse aux migrants : États-Unis comparés à Vichy et à l’occupation belge

Le clip publié par le Département américain de la sécurité intérieure présente des portraits de personnes étrangères en situation irrégulière avec leur casier judiciaire sur des cartes Pokémon. Le professeur de relations internationales à l’UCLouvain, Michel Liégeois, souligne que « les États-Unis ne sont pas un régime dictatorial mais en prennent la direction ».


Le clip diffusé par le Département américain de la sécurité intérieure alterne entre des images du héros des Pokémon, Satoshi, connu sous le nom d’Ash en Amérique du Nord, qui lance des Pokéballs, un accessoire utilisé dans la série pour capturer et stocker des créatures appelées Pokémons. À la fin de cette vidéo, des portraits de personnes en situation irrégulière apparaissent, accompagnés de leurs antécédents judiciaires sur des cartes Pokémon.

Chaque individu mentionné bénéficie d’une brève description. Il s’agit ici d’un « criminel étranger » impliqué dans le trafic d’êtres humains, là d’une étrangère reconnue coupable de vol et de fraude. Bien que l’on puisse supposer que les antécédents judiciaires de ces personnes étrangers soient réels, la présentation de leur arrestation et les informations les concernant soulèvent des interrogations.

Le professeur de relations internationales à l’UCLouvain, Michel Liégeois, s’est dit stupéfait par la décision de ne pas porter l’affaire devant la justice : « Je suis universitaire et je fais le lien avec les positions prises par plusieurs universités américaines qui ont courbé l’échine devant les dirigeants de l’administration pour récupérer les subsides qui leur avaient été retirés. De grandes universités comme Berkeley ont accepté de fournir des listes d’étudiants et de professeurs ayant pris des positions qui pouvaient, selon la terminologie de l’Administration américaine, être assimilées à de l’antisémitisme. En clair, qui avaient manifesté leur soutien à la cause palestinienne. C’est très inquiétant. On voit tout un pan de la société américaine qui fait profil bas et […] accepte des choses qui ne sont pas acceptables. »

Cette vidéo, conçue pour séduire l’électorat conservateur MAGA (Make America Great Again), stigmatise et déshumanise les migrants qui sont renvoyés dans leur pays d’origine. « Ils sont illégaux et n’ont rien à faire là, et on va les attraper. On procède – je ne vais pas utiliser d’autre parallélisme – presque à une opération de ‘dératisation’. Et le fait que dans un récit officiel émanant d’une administration publique ces barrières les plus élémentaires sont allègrement franchies et qu’il ne semble pas y avoir d’acte de contrition […] reflète tout à fait son état d’esprit actuel », ajoute Michel Liégeois.

Bruno Colmant, auteur du livre « Donald Trump, le spectre d’un fascisme numérique », observe que la représentation proposée par le Département de la sécurité intérieure sur les réseaux sociaux reflète ce qui se déroule dans la « vraie vie ». Il souligne : « L’histoire du Pokémon n’est jamais que le paroxysme de ce que les États-Unis sont en train de faire, c’est-à-dire la chasse aux migrants, à l’ADN qui n’est pas pur. » Selon lui, cela illustre l’effet Trump, qui aurait fait des migrants des cibles faciles à convaincre qu’ils sont porteurs de « mauvais gènes ». Il rappelle également les déclarations de Trump sur les migrants haïtiens, critiqués pour des comportements supposés inappropriés.

Lors d’un débat télévisé en septembre 2024, Trump a déclaré à propos de Springfield : « À Springfield, ils mangent les chiens, ils mangent les chats, ils mangent les animaux domestiques des gens qui habitent là. Voilà ce qui se passe dans notre pays et c’est une honte. »

Bruno Colmant évoque une vision eugéniste qui divise les Américains en ceux qui sont « blancs, de bonne qualité » et ceux qui polluent la génétique américaine. Pour lui, la situation actuelle devient « paramilitaire » et témoigne d’un changement inquiétant dans le climat sociétal, notamment dans le traitement des contre-pouvoirs.

Les critiques s’accumulent, Michel Liégeois note qu’avec un phénomène de délation apparent, certaines personnes dénoncent les migrants. Pour lui, bien que les États-Unis ne soient pas encore un régime dictatorial, ils en prennent la direction. « Ça se fait par petites touches. Il n’y a pas un moment, un jour ou une heure particulière où on pourra dire que la ligne a été franchie parce qu’il n’y a pas une ligne à un endroit précis. Ce qui est clair, c’est que c’est la direction vers laquelle on va. »

En somme, cette vidéo diffusée sur les réseaux sociaux est un symptôme des dérives observées aux États-Unis sous l’administration Trump. Elle suscitera la désapprobation de ceux attachés aux droits humains, tandis que ses soutiens continueront d’y trouver écho.