Belgique

Ces Wallons possèdent une maison à l’étranger et… un logement social en Belgique : « Les chiffres doivent nous préoccuper »

Le député Yves Evrard (MR) a pu avoir accès aux résultats. Et ils sont interpellants. En effet, sur 677 enquêtes menées, 322 (soit 48 % d’entre elles) ont démontré l’existence d’une propriété à l’étranger. Pourtant, une des conditions à l’octroi d’un logement public, à côté de celle liée aux revenus, est bien de ne pas être propriétaire d’un bien. Nul ne peut en effet prétendre à un logement social s’il est propriétaire d’un bien immobilier même à l’étranger.

“Cela se fait au détriment des gens qui en ont réellement besoin”

Plus de 40.000 familles en attente de logement public

Ces chiffres doivent nous préoccuper, alerte le député wallon qui a interrogé le ministre wallon du Logement, Christophe Collignon, en Commission des pouvoirs locaux. En Wallonie, on ne connaît pas ces chiffres et on a l’impression qu’on préfère ne rien savoir. Chez nous, seule une déclaration sur l’honneur établie lors de la demande de logement public est demandée. Cela pose question étant donné que ça s’arrête là. Et finalement, cela peut se faire au détriment des gens qui en ont réellement besoin. N’y aurait-il donc pas là matière à intensifier la lutte contre une fraude sociale au logement qui, in fine, pénalise les nombreux candidats locataires. En effet, plus de 40.000 familles sont en attente de logement public, il s’agirait d’une avancée en matière de justice sociale”.

D’après les résultats de l’enquête, on apprend que 295 personnes détiennent des biens immobiliers au Maroc, 243 en Turquie et 68 en Italie. Et il ne s’agit pas de parcelles de terre agricole sans valeur dont ont hérité les locataires, mais de réels biens immobiliers.

« Tous les fraudeurs doivent rembourser »

Le ministre flamand du logement a donc décidé de prolonger d’un an cette enquête menée par des agences privées pour identifier les fraudeurs dans d’autres provinces comme Anvers, dans l’optique d’arriver à plus de justice sur le marché. Une fraude qui reste toutefois difficile à prouver d’autant que les sociétés chargées de l’octroi de ces logements sociaux ne peuvent accéder aux données des cadastres étrangers.

À l’aide de détectives, la Flandre identifie donc les fraudeurs qui bénéficient d’un logement social alors qu’ils possèdent une propriété à l’étranger. Et les fraudeurs détectés doivent aussi rembourser aux sociétés de logements de service public les réductions de loyer dont ils ont bénéficié indûment.

“C’est une situation inacceptable en termes d’équilibre du marché locatif et d’accès à un logement social pour ceux qui y ont droit, poursuit-il. Depuis le début de la législature, la question des logements sociaux est prioritaire et préoccupe l’ensemble des parlementaires. C’est d’autant plus vrai que le covid puis la crise de l’énergie ont rendu le sujet encore plus d’actualité, on sait notamment qu’il y a d’énormes moyens pour la construction de logements sociaux. Il faut donc une meilleure adéquation entre les besoins des familles précarisées et le nombre de logements publics existants”.

Face à cette situation, le MR souhaite durcir les conditions d’accès au logement social. Le parti libéral souhaite en effet s’inspirer du modèle flamand, où il n’est désormais plus autorisé de demander un logement social si l’on dispose d’une épargne importante (une personne qui dispose de plus de 25 580 euros d’épargne ou 40 940 euros pour un couple ou une personne seule avec enfant).

« Il est nécessaire de durcir le ton »

“De plus, il faudrait une actualisation de la manière dont sont confiés les logements sociaux, notamment au niveau de l’attribution de ces derniers, ce qui pourrait permettre d’en libérer, explique Yves Evrard (MR). En Wallonie, seule une déclaration sur l’honneur au moment de la demande est imposée, ce qui n’est pas suffisant. Je pense qu’il faut mener une analyse plus régulière, par exemple tous les cinq ans, cette déclaration ne doit pas durer 10 ans non plus car le risque n’est pas nul”.

L’expérience pilote menée en Flandre avec le recours aux détectives privés doit d’ailleurs être reconduite. Si la fraude est plus difficile à détecter étant donné que le bien est situé à l’étranger, vingt-cinq ménages ont toutefois été épinglés récemment à Lierre, ils ont perdu leur logement social dernièrement.

“Selon le ministre flamand, cela a coûté un million d’euros mais le rendement est le multiple de cela, indique-t-il. Pour le seul port résidentiel d’Anvers, le montant récupéré s’élève à 1 million d’euros. Devant un tel résultat, la Flandre a décidé de prolonger d’un an l’accord-cadre avec les agences de recherche. En Wallonie, la déclaration sur l’honneur est une chose mais si on parvient à prouver que c’est mensonger, une intervention est nécessaire, cela me paraît essentiel, souligne-t-il. Le domaine dans lequel je suis interpellé le plus souvent est d’ailleurs celui du manque d’actualisation de tous ces logements sociaux. Une fois qu’on dispose de ce bien, il n’y a plus d’actualisation ni de suivi de l’évolution de la personne dans le temps. Or, les logements sociaux peuvent finir par être trop grands par rapport aux besoins de la famille. Il se peut aussi que la situation sociale se soit améliorée”.