Belgique

Ce dossier qui tourmente le gouvernement wallon

L’actuelle majorité wallonne (PS-MR-Écolo) a décidé, lors de son installation en 2019, de procéder à la suppression des listes de suppléants dans le courant de la législature qui s’achèvera en 2024. Elle souhaite ainsi se calquer sur les élections communales en Wallonie pour lesquelles la liste de suppléant a été supprimée il y a plusieurs années déjà. L’idée, c’est de classer les candidats non élus d’une liste en fonction de leurs résultats électoraux et d’aller chercher dans ce classement de candidats non élus le ou la remplaçante d’un élu qui s’en va.

Cette volonté de supprimer les suppléants des listes électorales wallonnes n’est pas neuve. On en parlait déjà au début des années 2000 sans que rien n’ait été mis en branle pour permettre cette réforme. Il faut savoir qu’une telle décision doit passer par le vote d’un décret spécial nécessitant une majorité des deux tiers au Parlement. En Wallonie, il faut donc 50 députés qui votent en faveur d’un tel décret pour que celui-ci soit adopté.

Ça tombe bien, l’actuelle majorité wallonne compte 54 élus. La réforme doit donc en principe passer comme une lettre à la poste. Mais les choses s’avèrent manifestement plus complexes puisqu’il ne reste plus que deux mois au gouvernement pour faire adopter son texte. En effet, si cette modification n’est pas validée au moins un an avant la tenue du scrutin, elle ne pourra s’appliquer que pour le scrutin suivant. La date des prochaines élections régionales qui se dérouleront le même jour que les élections européennes (et les législatives belges) n’est pas encore connue. Mais il semblerait que le Parlement européen qui doit prochainement prendre la décision pencherait pour le dimanche 26 mai 2024. Il reste donc deux mois pour faire voter ce texte.

Seulement voilà, il semblerait que le gouvernement wallon bloque sur cette réforme qui doit aussi réviser le mécanisme d’apparentement provincial en vigueur lors des élections régionales wallonnes. Rappelons qu’il s’agit d’un mécanisme correctif permettant d’additionner les voix recueillies par un même parti dans différents arrondissements électoraux d’une même province. C’est assez technique mais pour les partis qui réalisent les meilleurs scores, c’est une opportunité de gagner un élu ou l’autre.

Si de manière officielle, le gouvernement veut trancher le point la semaine prochaine, il semblerait que les choses ne soient pas si simples. C’est le MR qui bloquerait le dossier, ce que les libéraux démentent avançant un problème technique.

Trois raisons potentielles sont évoquées. La première concerne les tensions actuelles entre socialistes et libéraux en conflit ouvert, à la Fédération Wallonie-Bruxelles, dans le dossier des masters en médecine.

La seconde réside dans le fait que la suppression des suppléants sur les listes électorales enlève un petit morceau de pouvoir aux partis qui constituent les listes. En effet, la place de 1er suppléant permet parfois plus facilement d’accéder à un mandat de député qu’une place effective sur la liste. Tout dépend bien sûr de qui le candidat est le suppléant. S’il s’agit d’une personne ministrable, c’est souvent une voie royale pour avoir un siège de député. La première suppléance permet donc aux président(e) s de parti de pousser une nouvelle tête qui aurait peu de chance d’être élue par la voie classique. Elle est donc souvent très recherchée et crée aussi une certaine dette à l’égard du parti pour celui qui en bénéficie. Un point qui ennuie le MR mais presque tout autant le PS.

La troisième raison serait effectivement technique et toucherait directement à la réforme du mécanisme d’apparentement. En réduisant sa portée, la réforme pourrait faire perdre des sièges à certains lors du prochain scrutin.

La politique, par moments, c’est surtout des mathématiques.