Carmen, enseignante de 54 ans, a été frappée par un élève de 11 ans : « Et là, c’est un parcours du combattant avec l’administration »
Le métier d’enseignant peut être dangereux. Mais Carmen a eu encore moins de chance : après l’agression, elle a été mise en arrêt maladie. « Et là c’est un parcours du combattant avec l’administration qui a commencé… Je n’ai pas eu 1 € depuis début septembre et tout le monde se renvoie la balle. »
- Publié le 25-10-2024 à 09h09
- Mis à jour le 25-10-2024 à 10h42
Carmen Alonso Alvarez est enseignante. Cette Bruxelloise de 54 ans était en remplacement dans une école primaire de la région de Charleroi quand ses malheurs ont commencé. Non seulement elle a été tabassée par un élève, mais en plus son dossier administratif s’est retrouvé bloqué. Et elle est désormais en arrêt maladie, sans salaire ni revenus de remplacement, « et tout le monde se renvoie la balle », dénonce-t-elle.
« Il m’a dit : ferme ta gueule! et s’est jeté sur moi »
Commençons par l’agression, qui a tout déclenché. « C’était le 30 mai 2024, vers la fin de l’année scolaire passée », se confie-t-elle. « Il faut savoir que les institutrices ne surveillent pas la récréation, ce sont des ATL (Accueil Temps Libre, NdlR). Mais ce jour-là, à midi, il y a eu une bagarre et je suis sortie dans la cour voir ce qu’il se passait parce que la surveillante n’était pas visible. Alors qu’un enfant était en train de s’expliquer, un deuxième est arrivé comme une furie et a commencé à s’exciter. C’étaient des « grands », moi je m’occupe des petits donc je ne les connaissais pas. Vu que cet enfant de 11 ans, plus grand que moi, commençait à vraiment s’énerver, je lui ai demandé de me donner son journal de classe. Il m’a répondu : « ferme ta gueule ». Je l’ai recadré, en lui disant qu’il n’avait pas le droit de manquer de respect aux professeurs. Les autres enfants qui se sont rassemblés autour et ont commencé à dire : « attention madame ». Et là, l’enfant s’est… jeté sur moi. Il m’a tiré les cheveux, il m’a mis des coups de poing à la tête et dans le ventre. Je me souviens que je lui ai crié de me lâcher et de m’être dit intérieurement : « je ne peux pas le frapper, c’est un enfant ». Mais c’est tout, j’ai un trou noir. C’était si violent qu’apparemment l’ATL a fini par accourir et devoir saisir l’enfant par le cou pour qu’il arrête ! »
Remise sur pied, Carmen a appelé la police et est allée à l’hôpital. « Je n’avais heureusement rien de grave, physiquement. Très mal à la tête et des touffes de cheveux en moins, mais rien de cassé. Par contre, j’ai le traumatisme de l’attaque. Je suis d’ailleurs en arrêt depuis lors et j’ai déposé plainte contre l’enfant. »
Les déboires administratifs commencent
C’est ici que l’histoire prend une tournure encore plus dérangeante. Carmen étant en arrêt maladie, elle n’a pas presté la fin de son contrat de remplacement auquel il restait 28 jours calendrier. « Pendant les vacances, j’ai reçu mon salaire différé, ce n’est pas beaucoup d’argent mais je ne me suis pas inquiétée. » Par contre, en septembre, ne voyant rien venir, elle s’inquiète. « La déclaration d’accident de l’école n’a été faite que le 19 septembre. L’agression était le 30 mai. Et dans la déclaration, il y a des erreurs de dates. Je me suis tournée vers l’école, on m’a dit de contacter le PO (Pouvoir Organisateur) de Charleroi. Là, on m’a dit de me tourner vers la Fédération Wallonie-Bruxelles, à Bruxelles d’abord puis à Charleroi, où on m’a redirigée vers la mutuelle… qui refuse de me payer parce que les documents sont mal remplis. Et aujourd’hui, on m’annonce qu’avant de pouvoir être payée il faut que je passe devant le médecin-conseil. J’ai accepté évidemment, en demandant quand… et on m’a répondu que ça prenait des mois. C’est inacceptable : je n’ai plus touché un seul euro depuis septembre, j’ai subi un traumatisme, et en plus je dois me battre contre les administrations qui se renvoient la balle. Je ne sais plus quoi faire. »
Selon le PO de Charleroi, via l’échevinat, « l’inspection pédagogique et la direction de l’établissement ont immédiatement réagi : l’élève a été renvoyé. La Ville de Charleroi regrette la situation vécue par l’enseignante. » Concernant le dossier administratif de Carmen, il a été complété localement pour accident de travail, et « est en cours d’analyse auprès de la Fédération. C’est désormais du ressort de la mutuelle et de la FWB. » Contactée également, la Fédération Wallonie-Bruxelles assure que l’agression a été reconnue comme accident de travail et que les indemnités auxquelles a droit l’enseignante seront versées « prochainement », sans plus de précisions.
Carmen Alonso Alvarez est dépitée : « on est bientôt 5 mois après l’accident. C’est tout simplement incompréhensible. Je rappelle que je vis donc sans aucun revenu depuis fin août. Est-ce qu’on veut me punir d’avoir porté plainte ou l’administration est simplement incompétente ? »