Belgique

Budget fédéral : sacrifices et convergences autour des frites

Le Premier ministre a présenté son budget devant la Chambre alors que le pays était en grève générale. L’opposition de gauche francophone, comprenant le PS, Ecolo et le PTB, s’est unie autour de la hausse de taxe sur les frites en lançant des messages et des photos symboliques.

Agenda de l’accord budgétaire : le timing parfait pour éclipser la grève

Tout d’abord, il est à noter que le Premier ministre a présenté son budget devant la Chambre alors que le pays était en grève générale. Ce timing lui permet d’éclipser et d’ignorer le message véhiculé par les syndicats.

S’il y a une chose à retenir de son discours, c’est probablement son introduction : « Lors de l’élaboration de ce budget, j’ai parfois repensé aux années 1990. À cette époque déjà, notre pays souffrait de profonds déficits budgétaires. Il a fallu redresser les comptes pour pouvoir adhérer à la zone euro. J’ose affirmer que nous sommes confrontés aujourd’hui à un défi encore plus grand« .

Cette référence aux années 90 évoque Dehaene. J’ai déjà mentionné dans une chronique antérieure comment, en Flandre, un certain mythe autour de Dehaene s’est développé, le présentant comme le dernier grand Premier ministre du pays, comme si, depuis, nous n’avions connu que le déclin.

Sacrifice : les multiples références de Bart De Wever

Bart De Wever s’inscrit, même sans le nommer, dans la lignée de Dehaene. Cependant, cette comparaison peut surprendre. En effet, Jean-Luc Dehaene aurait au moins reçu les syndicats au 16. Il aurait assumé sa politique, sans montrer de mépris à l’égard des organisations représentant les travailleurs.

Passons. Tout le reste de son discours était constitué de références : après avoir évoqué Dehaene, il fait appel à Héraclès, Churchill, et, sans la citer, à Margaret Thatcher, car tout son discours est imprégné du « TINA » (« There Is No Alternative« ) de la Dame de fer britannique. Toutes ces références, explicites ou non, vont dans le sens de l’idée d’assumer les difficultés, les épreuves et le sacrifice pour s’en sortir.

Convergences des frites dans les rangs de l’opposition

L’opposition de gauche francophone lance déjà ses attaques contre le Premier ministre. Ce qui ne sera pas une tâche aisée, car la présence de Vooruit et des Engagés dans l’alliance a permis de créer un certain équilibre. L’accord est relativement complexe : pas de saut d’index, mais un plafonnement ; pas de hausse du taux de TVA, mais le passage de certains produits du taux de 6 % à 12 %. Trouver le bon argument n’est pas évident. Pourtant, le PS, Ecolo et le PTB ont eu la même idée.

Sarah Schlitz, députée Ecolo, partage une photo d’elle avec un grand cornet de frites accompagné de l’inscription « Même les frites vont augmenter« . Le PTB n’hésite pas non plus : Raoul Hedebouw est photographié à la foire de Liège en train de savouer une frite. Le message : « Pas touche à ma frite ! » (emoji paume de la main qui dit stop). Le PS a même réalisé une vidéo et s’est rendu chez Pippo à Charleroi.

Une convergence des gauches autour de la hausse de taxe sur les frites. Le cornet de frites va-t-il remplacer le poing serré lors des meetings de gauche ? La frite, symbole national, touche tout le monde, de Jacqueline de Verviers à Enguerrand de Waterloo, et représente un plaisir populaire et accessible. Il semble que ce soit un bon filon pour les oppositions de gauche. Au final, il s’agit d’une bataille de récits : le sacrifice juste et nécessaire pour De Wever, le sacrifice injuste des catégories populaires pour la gauche.

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