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Brigitte Macron : une fake news transphobe des États-Unis décryptée.

Dix personnes sont jugées dès ce lundi 27 octobre pour cyberharcèlement sexiste à l’encontre de l’épouse du président français. Candace Owens, influenceuse et polémiste de l’extrême droite américaine, a affirmé que Brigitte Macron est née assignée homme, sous le nom de Jean-Michel Trogneux.


Alors que dix individus sont jugés ce lundi 27 octobre pour cyberharcèlement sexiste à l’égard de l’épouse du président français, nous republions l’analyse de cette fake news de Matin Première, initialement publiée le 25 mars dernier.

L’influenceuse à l’origine de cette fake news se nomme Candace Owens, âgée de 35 ans, polémiste et figure de l’extrême droite américaine, qui compte Donald Trump parmi ses admirateurs. Ce dernier a d’ailleurs déclaré à son sujet qu’elle était une « intellectuelle très intelligente ». En plus de ses prises de position, elle est connue pour ses théories du complot. Elle a par exemple affirmé que l’homme n’avait jamais posé le pied sur la lune, que Bill Gates était un criminel du vaccin contre le Covid, ou encore que le réchauffement climatique n’était qu’une invention. Elle a également tenu des propos islamophobes tout en niant les expérimentations réalisées sur les juifs dans les camps nazis. Son parcours est donc particulièrement « consistant ».

En janvier dernier, Candace Owens a publié une nouvelle enquête sur son compte YouTube, qui compte 4 millions d’abonnés, et sur son podcast. Elle y soutient que Brigitte Macron est née assignée homme, sous le nom de Jean-Michel Trogneux. Ce nom appartient en réalité au frère de Brigitte Macron, mais pour l’influenceuse, Jean-Michel et Brigitte ne seraient « qu’une seule et même personne ». Dans son émission, Candace Owens reçoit notamment Xavier Poussard, un journaliste français autoproclamé, qui a auto-édité un livre sur Amazon dans lequel il décrit ses soi-disant découvertes au sujet de Brigitte Macron.

Passons au contenu de cette « enquête » : il n’y a pas d’éléments factuels, seulement des insinuations et des spéculations. Par exemple, des drag-queens lors de la cérémonie des Jeux Olympiques seraient la preuve des tendances du couple présidentiel. Brigitte Macron aurait, selon certaines rumeurs, souhaité remplacer la flèche au-dessus de Notre-Dame de Paris par une forme de pénis.

Candace Owens avance ces prétendues preuves avec assurance. Elle pose ensuite des questions, désireuse que le couple présidentiel réponde à une liste d’une vingtaine de demandes, telles que « Brigitte a-t-elle vraiment mis au monde trois enfants ? », « Pouvez-vous fournir des photos de Jean-Michel et Brigitte ensemble ? », « Pouvez-vous donner des photos de Brigitte dans les années 70 ? », « Quel âge avait Emmanuel Macron quand vous avez eu des relations ? », etc.

Candace Owens inverse alors le raisonnement : puisque le couple Macron refuse de répondre à ses questions, cela signifierait qu’elle a découvert des vérités dissimulées. Les Macron ne lui ont jamais répondu, probablement occupés par d’autres préoccupations, donc… elle aurait raison ! C’est un sophisme, un raisonnement fallacieux, prenant ici la forme d’un faux lien de causalité, qu’il est important de reconnaître.

Il est intéressant de noter que Brigitte Macron n’est pas la seule cible de ce type d’accusation transphobe. Michelle Obama ou Jacinda Ardern, ancienne Première ministre néo-zélandaise, ont également fait l’objet de telles insinuations, tous deux femmes de pouvoir très visibles dans l’espace médiatique. Ces attaques visent à déstabiliser ou à faire taire des figures publiques par le biais de millions de messages haineux sur les réseaux sociaux.

Dans le cas de Brigitte Macron, la désignation en tant que femme trans relance également une autre rumeur, celle de l’homosexualité du président, qui avait émergé lors de la première campagne électorale. De plus, il est tentant de mêler ces accusations à des soupçons de pédocriminalité, insinuant que Brigitte, étant plus âgée, aurait pu avoir des comportements abusifs envers Emmanuel lorsqu’il était jeune, et qu’ils pourraient répéter cela avec des enfants aujourd’hui.

Les obsessions des théoriciens du complot se ressemblent systématiquement et renforcent les régimes autoritaires. « C’est ça le propre des complotistes : ils prétendent douter de tout, mais ils ne mettent jamais en cause les coupables qu’ils désignent », explique le chroniqueur et philosophe français Nathan Devers. Les coupables sont souvent désignés au choix : le Mossad, la CIA, ou encore des histoires de changement de genre. Ils ont une grille de lecture figée qu’ils ne remettent jamais en question, camouflant leur dogmatisme sous le couvert d’un esprit critique et d’un désir de pensée autonome.

Cette démarche complotiste vise à diviser les gens. En désignant des boucs émissaires et en créant une dichotomie entre ceux qui savent ce qui se passe et ceux qui croient aveuglément aux mensonges, il n’importe que Candace Owens affirme que Brigitte Macron est un homme ou qu’elle appartient à un état profond crypto-juif. Ce qui compte, c’est de détruire l’appartenance à une réalité commune.

Si nous ne partageons plus la même réalité, le même socle de faits communément acceptés, comment peut-on vivre ensemble en société ? En fait, cela détruit la démocratie, et c’est précisément ce que recherchent des régimes et des idéologies autoritaires, dont Candace Owens, proche de Donald Trump, est un acteur particulièrement zélé.