Black Eagle, le méga dossier de narcotrafic sur lequel se penchera la cour d’appel… et qui chamboule le fonctionnement de la justice bruxelloise
En juin 2024, le tribunal correctionnel de Bruxelles avait condamné 35 des 40 personnes prévenues dans cette affaire ayant trait à un vaste trafic de drogue entre l’Amérique du Sud et l’Europe. Des peines de 20 ans étaient requises contre deux protagonistes. Ils ont écopé de 9 ans et le parquet fédéral avait fait appel. Le procès devant la cour d’appel de Bruxelles débute ce lundi. Une cour d’appel qui a dû se réorganiser vu l’énorme charge de travail.
- Publié le 23-03-2025 à 19h24

Le dossier baptisé « Black Eagle » est l’une des plus importantes affaires liée au narcotrafic traitée par la justice bruxelloise. Importante pour les faits présumés, pour le nombre de prévenus mais aussi pour les quantités astronomiques de stupéfiants, aux montants tout aussi faramineux : 13,4 millions d’euros.
Les investigations ont débuté en septembre 2020, dans la foulée d’une importante découverte dans un garage situé dans la commune bruxelloise d’Evere. Plusieurs kilos de cannabis avaient été retrouvés par la police, ainsi qu’une importante quantité d’acétone. Si l’utilisation de ce solvant est recommandée pour enlever des vilaines et tenaces taches de peintures, il est surtout prisé par les narcotrafiquants. En effet, dans des laboratoires clandestins, la cocaïne de base est souvent mélangée à de l’acétone et à d’autres substances chimiques, puis séchée et compressée en blocs de cocaïne pure pour ensuite être mise sur le marché. La découverte de bidons d’acétone avait donc attiré l’attention des enquêteurs. D’autant que la police avait aussi mis la main sur un tonneau de liquide dans lequel l’équivalent de 600 kilos de cocaïne avait été dilué.
L’enquête s’est poursuivie et a permis de déterminer qu’il s’agissait effectivement de labos clandestins où de la cocaïne était dissimulée dans du ciment, du charbon et même de la pulpe de fruits. La drogue en était extraite via divers procédés chimiques. Les enquêteurs ont découvert que tous ces produits étaient importés, par conteneurs, depuis l’Amérique du Sud vers l’Europe, via le port d’Anvers (et celui de Gand).
Peines sans doute trop clémentes
De nombreux suspects ont été identifiés et une quarantaine sera finalement poursuivie – certains par défaut, puisqu’ils n’ont jamais pu être interpellés. Parmi les suspects, Alfredo H. et d’Indrit K., que les autorités judiciaires considéraient comme les cerveaux présumés de ce vaste trafic.
Ils ont été jugés – aux côtés d’autres coaccusés pour différents rôles présumés dans cette vaste organisation criminelle – lors d’un procès entamé devant le tribunal correctionnel de Bruxelles en avril 2024. La procureure avait requis des peines de 20 ans de prison à l’encontre d’Alfredo H. et d’Indrit K.. En juin 2024, les peines sont tombées. Ils ont écopé de 9 ans de prison. Nos confrères de L’Écho révélaient, en juillet 2024, que le parquet fédéral avait fait appel, considérant sans doute que les peines étaient trop clémentes. Raison pour laquelle un procès devant la cour d’appel s’ouvre ce 24 mars.
Une cour d’appel en souffrance
Mais le traitement de ce volumineux dossier implique d’importants changements dans l’organisation de la cour d’appel – déjà saturée. Il y a deux semaines, la cour annonçait d’ailleurs être « dans l’obligation de suspendre le jugement de certains contentieux« , faute de magistrats et de greffiers.
Concrètement, le traitement du méga-dossier « Black Eagle » accapare tout le temps des magistrats de la 14e chambre. Depuis le 4 novembre 2024 (date de l’audience d’introduction de l’affaire Black Eagle), les nouvelles affaires francophones ont été automatiquement réparties entre les trois autres chambres correctionnelles. Sauf que les affaires continuent de s’empiler et une liste d’attente a même été créée en concertation avec les procureurs général et fédéral pour les affaires prêtes à être jugées, avait expliqué la cour d’appel, par communiqué.
Une situation qui risque de freiner la machine judiciaire bruxelloise, déjà bien grippée. Le 20 mars, journée de la Justice, les acteurs de justice ont d’ailleurs à nouveau rappelé l’importance d’allouer plus de moyens à la justice.