Belgique

Belgodyssée 2025 : Fanny ne laisse pas les sans-abris de Liège seuls avec le SMI-LE.

Près de 40 000 personnes sans domicile fixe sont recensées en Belgique par l’Observatoire Wallon du sans-abrisme et Service de Lutte contre la Pauvreté. En 2024, SMI-LE a permis à 24 personnes sans domicile fixe de retrouver un logement en réalisant plus de 300 maraudes.


Près de 40 000 personnes sans-abri sont recensées en Belgique, selon l’Observatoire Wallon du sans-abrisme et le Service de Lutte contre la Pauvreté. Vivre dans la rue peut entraîner de graves problèmes de santé physique et mentale. Ce constat a poussé Fanny Caprasse et Camille Delvoye à créer en 2020 l’ASBL SMI-LE (Service Mobile Infirmier Liégeois). « Il n’y avait pas vraiment de personnel médical dédié au public sans-abri, mais beaucoup de problèmes de santé et des décès qui étaient liés à ces problèmes de santé, » affirme Fanny, infirmière liégeoise de 31 ans spécialisée en santé communautaire.

En agissant pour réduire le risque de maladies chez leurs bénéficiaires, Fanny et son équipe améliorent leur qualité de vie et leur santé. « Plus ça (le sans-abrisme) dure et plus il est compliqué par la suite aussi de pouvoir finalement réintégrer cette société telle qu’elle existe, » explique Isabelle Chauvier, cheffe de projet à l’Observatoire Wallon du sans-abrisme (OWSA).

Trois fois par semaine, l’équipe pluridisciplinaire de SMI-LE, composée d’infirmières et de psychologues, part en « maraudes ». Ces missions leur permettent de suivre l’état de santé de leurs bénéficiaires en prodiguant des soins. « On a notre sac à dos, et on va vraiment à la rencontre des gens pour évaluer le danger vital ou non. » En collaborant avec d’autres associations du réseau liégeois, elles établissent ensuite un plan d’action adapté à chacun pour leur permettre progressivement de retrouver une mutuelle, un médecin traitant et, à terme, un logement.

Selon Fanny, les maraudes permettent aussi de « créer du lien avec des gens qui ont du mal à interagir avec des professionnels du monde médical. » Au-delà de la santé physique, Fanny souligne l’importance de l’écoute active comme outil de soin essentiel pour la santé mentale. « La santé mentale peut être parfois très abîmée. Et donc il faut parfois agir plus sur le plan de la santé mentale que sur le plan de la santé physique, » confirme Isabelle Chauvier.

Dans la rue, l’équipe de SMI-LE prend le temps d’écouter chacun et invite les citoyens à offrir un sourire aux personnes sans abri. « On invite vraiment tout le monde à ne pas ignorer quelqu’un qui vit à la rue et juste lui sourire, c’est déjà lui rendre le sentiment d’exister, simplement. »

En 2024, SMI-LE a permis à 24 personnes sans domicile fixe de retrouver un logement en réalisant plus de 300 maraudes. Johann en fait partie : « Elles sont venues vers moi, tout gentiment me demander si j’avais besoin d’aide. Et j’avais vraiment besoin d’aide. »

Cependant, entre deux maraudes, Fanny se désole des subsides qui peuvent fluctuer avec les changements de législature. « C’est vraiment compliqué de pouvoir assurer des salaires à nos travailleuses et de pouvoir assurer un avenir dans l’ASBL. » Selon elle, il manque de solutions durables comme l’accès à des logements : « Les maisons d’accueil sont toutes pleines. » Faciliter l’accès à des logements salubres est une priorité partagée par Isabelle Chauvier : « Sans solution de logement abordable, il n’y a pas d’éradication du sans-abrisme, forcément. »

C’est l’objectif auquel se sont engagés les États membres de l’Union européenne en signant l’Accord de Lisbonne en 2021. Les cinq objectifs principaux de cet accord sont :
1. Personne ne dort dans la rue faute d’abris d’urgence accessibles, sûrs et adaptés.
2. Personne ne reste dans un logement d’urgence ou temporaire plus longtemps que nécessaire pour une transition réussie vers un logement permanent.
3. Personne ne sort d’une institution (p. ex. prison, hôpital, établissement de soins) sans logement adéquat.
4. Les expulsions doivent être évitées dans la mesure du possible, et personne n’est expulsé sans assistance pour une solution de logement appropriée, si besoin.
5. Personne n’est victime de discrimination en raison de son statut d’itinérant.

Isabelle Chauvier reste réaliste : « C’est une tendance. Il faut tendre vers l’éradication du sans-abrisme. Ne nous berçons pas d’illusions. C’est loin d’être gagné. Il nous reste peu de temps. » Mais ce soir encore, Fanny et son équipe, ainsi que des milliers de bénévoles en Belgique, enfileront leur sac à dos. Parce que 40 000 personnes ne peuvent pas attendre 2030 pour être soignées.

Signé France Durieux.