Bataille en vue entre le Fédéral et Bruxelles sur le cas Audi: « Il y a également une autre zone d’ombre: la pollution »
Le formateur David Leisterh (MR) a mandaté l’entrepreneur Pierre Hermant pour trouver un ou plusieurs investisseurs pour le site d’Audi Brussels. Une façon de réaffirmer la position bruxelloise dans le dossier face au Fédéral. La question de la pollution du site représente par ailleurs le gros point à éclaircir pour un éventuel repreneur.
- Publié le 04-10-2024 à 17h23
- Mis à jour le 05-10-2024 à 10h58
Depuis la visite du site d’Audi Brussels par les parlementaires de la Chambre et les différentes discussions en commission, on sent que le dossier de la transformation du site automobile intéresse le niveau fédéral, même si le nouveau gouvernement n’est pas encore formé. Mais du côté bruxellois, où le gouvernement est également en phase de gestation, il serait étonnant qu’on laisse faire le Fédéral sans broncher. Car, si Audi Brussels emploie beaucoup de personnes ne résidant pas à Bruxelles actuellement, la donne pourrait changer à l’avenir.
Il s’agit donc de défendre ses intérêts. Si le but premier est de toute façon de conserver un maximum d’emplois, la Région pourrait vouloir favoriser les Bruxellois. Car qui dit Bruxellois, dit IPP (impôt sur les personnes physiques). Et plusieurs milliers de travailleurs habitant Bruxelles rapporteraient plusieurs dizaines de millions d’euros dans les caisses de la Région. Indispensable en ces temps de vaches maigres.
guillement Il faut que les travailleurs qui habitent Bruxelles n’aient pas besoin de quitter la ville ou prendre le train pour aller travailler en province. »
« Tous les acteurs à même d’aider doivent pouvoir allier leurs forces mais je pense que l’initiative doit être bruxelloise », nous confirme justement David Leisterh (MR), le formateur bruxellois.
C’est lui qui a d’ailleurs demandé à Pierre Hermant, CEO de Finance&Invest. Brussels et ex-patron du Salon de l’Auto, de plancher sur le dossier.
« Certains sous-entendent que le Fédéral veut prendre le relais. Ce qu’il ne ferait pas à Liège, ce qu’il n’a pas fait avec Ford Genk… Il fallait que Bruxelles clarifie« , nous indique une source proche du dossier.
La grosse question de la pollution
Contacté, Pierre Hermant nous répond que « le principe est d’identifier ce qu’on peut faire. Un grand repreneur qui aurait sauvé tous les emplois de manière pérenne d’un coup, ça aurait été intéressant, mais ce ne sera pas le cas. Alors en attendant que quelqu’un sorte une offre de son chapeau, on réfléchit. Le site est très intéressant stratégiquement« , entame-t-il. « Mais il y a un grand travail à faire de due diligence (état des lieux préalable en prenant en compte tous les risques, NdlR), d’analyse du terrain, de l’actif économique et du passif social et surtout environnemental », lance-t-il.
Car effectivement, un site comme Audi Brussels, même si c’est un « fleuron technologique » lié aux voitures électriques, c’est un site industriel qui a auparavant construit des modèles thermiques (que ce soit Audi depuis 2007 ou Volkswagen auparavant, la maison-mère). Donc le site a connu des décennies d’activités industrielles, avec des probables pollutions liées aux hydrocarbures, aux huiles, aux peintures, aux solvants, aux métaux ou aux batteries. « C’est un peu la zone d’ombre », nous confie une source préférant rester anonyme. Un challenge qui nécessite donc des garanties.
guillement « Une nouvelle pollution n’est pas à exclure étant donné la poursuite des activités (…). Il est impossible de présager du coût du traitement »
Contacté, Bruxelles Environnement précise qu’Audi Brussels « étudie les pollutions du sol et des eaux souterraines sur son site depuis au moins l’an 2000, en a déjà traité plusieurs, et est toujours occupée aujourd’hui à en traiter d’autres » et qu’une garantie financière de 8 millions d’euros a été constituée. Une garantie « qui pourrait être revue dans le cadre d’une vente du terrain ou du transfert des activités à un autre exploitant avant la fin du traitement. Dans tous les cas, un nouvel état des lieux devra être réalisé« , à la vue de l’ancienneté des études et traitements précédents. « Une nouvelle pollution n’est pas à exclure étant donné la poursuite des activités » depuis les dernières analyses, précise l’organe. « Il est impossible de présager du coût du traitement qui suivra une reconnaissance de l’état du sol, seules les nouvelles études pourront nous renseigner sur le coût global de traitement des pollutions du site« , conclut Bruxelles Environnement.
Faire travailler les Bruxellois
« Il y a l’idée d’un modèle avec une mosaïque de repreneurs « pure players », plutôt qu’un seul promoteur unique« , poursuit quant à lui Pierre Hermant, qui évoque des pistes de logistique du froid, d’e-commerce et autres.
« Il faut considérer le site d’Audi en prenant en compte ce qu’il se fait du côté de Schaerbeek-Formation mais aussi du projet de rénovation de Brussels Expo par exemple », explique-t-il, en ayant en tête les différentes synergies possibles à l’avenir pour développer l’activité économique de toute la région. Le plateau du Heysel, en pleine mutation, pourrait effectivement créer un écosystème propice à l’installation de nouvelles activités à Bruxelles. Le site d’Audi Forest pourrait donc en tirer quelques avantages.
Et quid des logements, alors que la pénurie guette ? « Pourquoi pas. Mais la priorité, c’est d’avoir un site industriel. Il y a des besoins. Et in fine, il faut que les travailleurs qui habitent Bruxelles n’aient pas besoin de quitter la ville ou prendre le train pour aller travailler en province. Il faut donc que ce site soit compétitif. Privilégions d’abord la création d’emplois« , affirme-t-il. « Ce qui est primordial, c’est de travailler en collaboration avec les syndicats également« , termine-t-il.
Le 9 octobre prochain, une task force fédérale se penchera sur le dossier. Inutile de préciser que la Région y sera attentive.