Belgique

Bart De Wever : « caméléon politique », selon Karel Verhoeven.

Le 1er décembre, Bart De Wever a donné une conférence à Bozar dans le cadre des Grandes conférences catholiques, où il a été accueilli par un public majoritairement francophone ayant réservé de très larges applaudissements. Dans une interview à la VRT, Bart De Wever a fait savoir qu’il savait déjà depuis 2020 qu’il ne gouvernerait pas avec le Vlaams Belang.


Le 1er décembre, Bart De Wever a donné une conférence à Bozar, dans le cadre des Grandes conférences catholiques. Interrogé par le rédacteur en chef de La Libre, Dorian de Meeûs, il a abordé plusieurs thèmes, allant des avoirs russes gelés en Belgique à sa volonté de redresser les finances publiques du pays. En face de lui, un public majoritairement francophone lui a réservé de nombreux applaudissements, allant même jusqu’à une ovation debout à la fin de son intervention. À la sortie de la conférence, les membres du public sondés ont salué la qualité de la conférence et la stature du Premier ministre.

### Un soutien des francophones

Des commentaires positifs qui peuvent surprendre : le nationaliste flamand n’est pas particulièrement connu pour avoir de nombreux admirateurs en Wallonie. Un rapide coup d’œil vers le passé rappelle pourquoi : sa visite à Strépy-Thieu, où il avait amené plusieurs semi-remorques chargés de faux billets pour symboliser les milliards transférés de la Flandre vers la Wallonie, sa comparaison entre les Wallons et des toxicomanes dépendants de l’argent public, ainsi que son ambiguïté quant à une possible coalition avec le Vlaams Belang.

Pourtant, il est désormais ovationné par une partie de la bourgeoisie catholique francophone. « C’est quand même étonnant », souligne Karel Verhoeven. « C’est difficile de trouver une audience qui soit plus éloignée du nationalisme flamand. Si on devait chercher une audience en Belgique qui s’opposait le plus aux nationalistes flamands, c’est bien la bourgeoisie francophone à Bruxelles qui détenait tout le pouvoir national. »

Baptiste Hupin fait néanmoins remarquer que le public des Grandes conférences catholiques ne représente pas l’ensemble de la population francophone. Sociologiquement, il peut être associé à l’électorat du MR ou des Engagés, deux partenaires de Bart De Wever dans le gouvernement Arizona. « C’est un public qui adhère au discours socio-économique de Bart De Wever. Et il y a eu une grande différence lors des dernières élections. Aujourd’hui, il existe une majorité de francophones qui soutient cette majorité fédérale. » En effet, lors de la première participation gouvernementale de la N-VA, les francophones étaient représentés uniquement par un parti minoritaire, le MR. La politique de la coalition suédoise était plus critiquée en Wallonie. Le gouvernement Arizona est maintenant constitué des deux partis gagnants en Wallonie, lui conférant un soutien plus large.

### La mue politique de Bart De Wever

Le rédacteur en chef du Standaard explique ce changement d’attitude chez les francophones par une évolution dans la posture de Bart De Wever : « Je crois qu’il a réussi à dire au grand public, pas seulement aux Flamands, mais aussi aux francophones, qu’il est un homme sérieux. […] Il ne faut pas sous-estimer le changement qu’il a subi. »

Auparavant, dans le paysage politique flamand, Bart De Wever se présentait souvent comme un opposant, en se posant en incompris. Il adoptait également un ton de victime, se voyant empêché dans ses ambitions par ses rivaux. Aujourd’hui, Karel Verhoeven note une transformation de son statut : « Il évolue désormais sur un niveau de Dehaene, grand homme d’État. Il s’est libéré de beaucoup de ses complexes. Il est maintenant le vainqueur. Il est un homme et un Premier ministre avec du pouvoir, ce que nous n’avons pas vu en Belgique depuis de nombreuses années. […] C’est sa place dans l’Histoire qui est importante pour Bart De Wever. C’est cela qui le guide actuellement. »

Une analyse partagée par Baptiste Hupin, qui souligne combien ce Premier ministre est capable de se réinventer sous différents aspects : Bart De Wever le provocateur jusqu’en 2012, puis celui qui tente de jouer le pouvoir, devenant bourgmestre d’Anvers, participant au gouvernement de la Suédoise. Aujourd’hui, il est devenu un homme d’État qui a définitivement refusé de collaborer avec le Vlaams Belang, acceptant la responsabilité de Premier ministre. « Et cela, cela contribue probablement aussi à rassurer les francophones », observe le journaliste.

### L’opposition au Vlaams Belang

Nos deux invités voient le refus de collaborer avec le Vlaams Belang comme un nouvel élément structurant du Bart De Wever actuel. Karel Verhoeven rappelle que la N-VA était présumée perdante dans les sondages de 2024, battue par le Vlaams Belang qui aurait obtenu la majorité. Le bourgmestre d’Anvers se voyait alors déjà à l’issue de sa carrière politique fédérale, de retour à des fonctions locales. Cependant, en juin 2024, le scénario s’inverse : la N-VA obtient la majorité en Flandre, juste devant le Vlaams Belang. Elle a donc l’opportunité de former un gouvernement et Bart De Wever a une chance de devenir Premier ministre.

Dans une interview à la VRT, Bart De Wever a fait savoir que depuis 2020, il savait qu’il ne gouvernerait pas avec le Vlaams Belang. Pourquoi a-t-il entretenu le doute si longtemps alors ? Surtout pour l’unicité de son parti, étant donné que certains de ses collègues favorisaient un rapprochement. « On a toujours su que la N-VA ne survivrait pas à une coalition avec le Vlaams Belang. Cette partie allait se déchirer. C’était un très grand soulagement que lors des élections de juin dernier, il ait pu être le premier, le plus grand à battre le Vlaams Belang. Pour lui, c’est une mission historique, » analyse Karel Verhoeven.

Cette décision s’appliquera-t-elle aussi à l’avenir ? Avec Bart De Wever, il ne faut jamais dire « jamais », conclut le rédacteur en chef du Standaard : « C’est un caméléon politique. Donc, si les circonstances changent, lui, il changera. […] Il faudra voir dans quatre ans quelles seront les circonstances et les opportunités. »