Avoirs russes : la CEO d’Euroclear qualifie la solution de « non réaliste »
Euroclear est une institution financière internationale présente en Belgique, considérée comme un « notaire » pour de nombreuses banques centrales, fonds d’investissement et grandes banques. Depuis l’invasion russe en Ukraine le 24 février 2022, l’Union européenne a adopté des sanctions contre Moscou, entraînant l’immobilisation d’avoirs russes chez Euroclear, qui s’élèvent à 185 milliards d’euros.
Euroclear est une institution financière internationale basée en Belgique, agissant comme un « notaire » pour de nombreuses banques centrales, fonds d’investissement et grandes banques.
Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février 2022, l’Union européenne a mis en place une série de sanctions contre Moscou et ses proches. Parmi ces sanctions, les avoirs russes ont été immobilisés, notamment chez Euroclear, s’élevant à 185 milliards d’euros, provenant principalement de la Banque nationale russe.
« Cela représente entre dix et quinze pour cent du Produit intérieur belge », témoigne Valérie Urbain, la P-DG d’Euroclear, lors de son entretien avec Thomas Gadisseux sur Matin première.
Cette semaine, la Commission européenne a proposé d’utiliser ces fonds pour financer un « prêt de réparation » destiné à l’Ukraine. Un prêt que l’Ukraine pourrait rembourser lorsqu’elle obtiendra des dommages et intérêts de la Russie pour sa reconstruction.
Euroclear estime que ce plan comporte des risques, tant pour la Belgique que pour la stabilité financière mondiale.
« Nous nous sommes toujours inscrits dans la volonté de participer aussi aux efforts de paix relatifs à l’Ukraine », explique Valérie Urbain.
« Mais le deuxième enjeu ici, c’est vraiment la stabilité des marchés financiers. Vu le risque, vu le rôle systémique d’Euroclear dans les marchés financiers européens, mais aussi mondiaux, toute remise en question de la confiance dans l’infrastructure de marché que nous sommes peut absolument déstabiliser la santé financière de nos pays, mais aussi à un niveau mondial. »
### Interview de Valérie Urbain
Valérie Urbain doute de la viabilité juridique de la proposition de la Commission. « Telle qu’elle est aujourd’hui, cette proposition n’est pas réaliste. »
Elle estime que le droit international permet d’immobiliser les avoirs russes, mais non de les geler, comme cela a été fait pour des entreprises privées.
« Nous devons un jour rendre l’argent à la banque centrale russe. Lorsqu’une banque centrale investit à l’étranger, c’est l’argent du peuple. Il faut aussi comprendre qu’il y a non seulement l’aspect financier et économique, mais il y a aussi un côté de fierté nationale. »
Les intérêts de ces actifs ont déjà été mobilisés pour soutenir l’Ukraine. « Mais ce que l’on oublie toujours, c’est que ces fameux intérêts, qui représentent maintenant environ 5 milliards sur les deux dernières années, sont des revenus qui appartiennent à Euroclear. Le conseil d’administration a décidé qu’Euroclear ne devait pas s’enrichir sur le dos de cette situation tragique. »
Contraster les intérêts avec l’utilisation sous forme de prêt des 185 milliards d’euros d’avoirs russes placés par la Banque nationale russe chez Euroclear n’est pas réaliste, selon Urbain.
Cette objection juridique est en phase avec les arguments du Premier ministre Bart De Wever et du ministre des Affaires étrangères, Maxime Prévot. Ursula von der Leyen a déclaré cette semaine que son équipe a pris en compte « presque » toutes les préoccupations des Belges et a conçu des garanties importantes pour protéger à la fois la Belgique et Euroclear.
Cependant, Valérie Urbain n’est pas convaincue et se dit prête à contester la décision européenne si cela s’avère nécessaire. « J’espère vraiment ne pas en arriver là. Mais on devra utiliser tous les moyens possibles pour continuer à protéger Euroclear bien entendu. »
### Euroclear risque la faillite, la Belgique des sanctions
Le projet de la Commission européenne présente des risques significatifs pour Euroclear et pour la Belgique, selon Valérie Urbain. « Il y a un risque de faillite d’Euroclear, mais en plus, il y a aussi un vrai risque de représailles de la part de la Russie », souligne-t-elle. « Si la Russie considère ce prêt de restauration à l’Ukraine comme une confiscation de ses avoirs, elle ne va pas rester sans rien faire. »
**Quelles sont les ripostes possibles ?**
Urbain évoque la possibilité d’actions en justice en Russie et « des confiscations des biens que nous continuons à détenir pour le compte de nos clients. Cela représente à peu près 17 milliards de titres toujours logés en Russie. »
Concernant la Belgique, celle-ci serait directement visée par d’éventuelles ripostes économiques sur des sociétés belges.
« La Belgique est tout à fait isolée puisque Euroclear est en Belgique. Or, cette nouvelle approche de la Commission européenne ne couvre pas tous les avoirs russes gelés en Europe. Il y a aussi des avoirs qui sont détenus auprès d’institutions financières autres qu’Euroclear. Mais en se focalisant uniquement sur Euroclear, on se concentre sur la Belgique », explique Valérie Urbain.
Néanmoins, elle reste optimiste : « Je reste convaincue que l’on trouvera une solution. »

