Belgique

« Avec Paul Magnette, j’ai l’impression de revivre un scénario des années 1970. C’est ennuyeux pour lui…”

Georges-Louis Bouchez a été très critiqué pour sa participation à “Forces Spéciales”. Au-delà de cette émission, comment le président du MR est-il perçu en Flandre ?

Comme un trapéziste politique. On ignore si son parti le soutient, on a plutôt l’impression qu’il fait un numéro en solo. Parfois, il prend des positions très fermes, comme avec la faculté de médecine à Mons, puis il accepte finalement un compromis. On se demande alors pourquoi il a commencé à ennuyer tout le monde… C’est dommage car, à ses débuts à la présidence du MR, on trouvait du côté flamand qu’il apportait un vent de fraîcheur, qu’il dénotait dans le paysage francophone.

Selon Bart De Wever, Bouchez parle trop. Partagez-vous ce constat ?

Oui, il parle trop et trop vite ! Surtout dans les circonstances actuelles, avec un gouvernement qui est dans un équilibre précaire, qui est peu apprécié, qui a des difficultés budgétaires. Ce n’est pas le moment de faire des pirouettes.

La mésentente entre Bouchez et De Wever pourra-t-elle impacter la formation du gouvernement fédéral en 2024 ?

Je n’ose pas prédire ce qu’il va se passer en 2024. Les partis qui veulent gouverner seront obligés de se parler. Robert Houben, qui a été le dernier président du CVP-PSC unitaire, avait prédit qu’un jour on ne parviendrait plus à former un gouvernement belge. Si on ne fait pas attention, si on continue comme ça, en 2024, ça risque d’être le cas…

Paul Magnette ne le cache pas, il souhaite devenir Premier ministre en 2024. Comment cela serait-il perçu en Flandre ?

Cela passerait mal, surtout si le gouvernement est minoritaire au nord du pays. Ce qui est ennuyeux pour Magnette, c’est qu’il donne l’impression qu’avec le PS, rien n’est possible, aucune grande réforme ne peut passer. Les socialistes savent très bien quels sont les véritables problèmes en Belgique, mais ils n’osent pas prendre les décisions car ils sentent le PTB dans leur dos. Ils font donc tout pour bloquer. On le voit avec les pensions, les réformes fiscales… J’ai l’impression de revivre le scénario des années 1970, lors duquel le Premier ministre Wilfried Martens a dû, face aux réticences socialistes, changer de coalition pour s’allier aux libéraux. Des hommes d’affaires me disaient encore cette semaine qu’il est devenu impossible de gouverner avec le PS.

Comment expliquer alors que Bart De Wever privilégie le PS comme futur partenaire ?

Je ne le comprends pas ! Il dit vouloir former un gouvernement pour parler de confédéralisme. Mais de quoi parle-t-il au juste ? Quand on voit les pouvoirs confiés à l’Europe, que peut-on encore confédéraliser hormis la sécurité sociale ? Mais si c’est de ce dossier qu’on parle en 2024, alors il faudra encore plus de 541 jours pour former un gouvernement !

Conner Rousseau fait évoluer Vooruit plus à droite de l’échiquier politique, alors que le PS de Magnette reste très à gauche. Etes-vous surpris que ces deux partis s’éloignent tant ?

Pas du tout, ce clivage n’est pas neuf. On le sentait déjà au début des années 2000, quand Frank Vandenbroucke voulait réformer les pensions et que cela énervait le PS. Ce sont d’ailleurs les socialistes francophones qui ont demandé qu’il sorte du gouvernement fédéral. Mais le clivage se ressent encore plus aujourd’hui car les écarts entre la Wallonie et la Flandre commencent à devenir très importants et à cause du dossier de l’immigration illégale, qui est très sensible en Flandre.

BRUSSELS, BELGIUM - SEPTEMBER 25 Conner Rousseau (Chairman Vooruit) pictured during the 200th Congress of the Socialist Party (PS) with a speech by Chairman Paul Magnette on SEPTEMBER 25, 2022 in Brussels, Belgium, 25/09/2022 ( Photo by Didier Lebrun / Photonews
Conner Rousseau et Paul Magnette ©DLE

Ecolo traverse une période compliquée. Après avoir dû accepter de prolonger des réacteurs nucléaires, les Verts sont écornés sur des questions de bonne gouvernance. La participation à une majorité ne semble leur réussir…

Ecolo et Groen, qui se présentent comme formant une grande famille, ont le même problème : dans l’opposition, le programme vert sonne très bien. Une fois aux affaires, ils sont confrontés aux réalités économiques et sociales, les scénarios ne marchent plus. Dans un moment de crise énergétique, ils sont face à un mur car les coûts sont tels qu’ils n’ont plus de solution. Ils doivent faire attention de ne pas retomber dans le scénario de 2003 en devenant inexistants. En Flandre, c’est ce qui risque de se produire. Ils doivent se faire du souci. D’ailleurs, certains mandataires ont déjà annoncé leur départ.

Les coprésidents Nollet et Maouane sont-ils connus en Flandre ? Participent-ils aux débats ?

Non, on ne les voit pas, malheureusement pour eux. Ils aiment jouer la famille unitaire, qui aime la Belgique, mais Ecolo ne cherche pas à exister en Flandre. Le PS et le MR ont mieux compris l’importance de cet enjeu.

Le PTB aussi. Raoul Hedebouw est très présent dans les médias flamands.

C’est un personnage ! Il passe bien en télé, il est amusant, perspicace et il sent les sensibilités flamandes. Il n’énerve pas le public, ce qui sert aussi le PVDA, qui est l’aile flamande du parti. D’autant que tous ces représentants des travailleurs connaissent leurs dossiers. Les meilleures analyses sur l’énergie viennent de chez eux la plupart du temps, grâce notamment au véritable homme fort, à la tête pensante du parti, qui est David Pestieau.

Vous ne considérez donc pas forcément les discours tenus par Raoul Hedebouw comme étant caricaturaux ?

Non, absolument pas. Ce sont eux qui ont révélé les dossiers sur les pensions des parlementaires et anciens présidents de la Chambre. Sur ce coup-là, ils étaient en solo, les autres formations n’étaient nulle part car elles avaient toutes quelque chose à se reprocher. Certains médias flamands se sont même demandé comment le PTB parvenait à sortir tant d’informations.

Est-ce qu’on parle des Engagés en Flandre ?

Non ! Vu que le CD&V et Les Engagés sont tous les deux en mauvaise posture, je ne comprends pas pourquoi ils ne tentent pas de réanimer la relation qui les liait. Il y a déjà eu des petites réunions, mais juste sur des points particuliers.

Est-ce à cause de certains dossiers sensibles sur lesquels les deux partis peinent à s’accorder ?

Je dirais plutôt que Les Engagés ont une immense priorité : la réorganisation et la réanimation de leur parti. Leur premier but est sans aucun doute d’être présent dans le gouvernement wallon en 2024.

Roosdaal - Rik Van Cauwelaert: Journaliste et chroniqueur politique. A Roosdaal le 17 mai 2023
Rik Van Cauwelaert ©JC Guillaume

À l’époque d’Olivier Maingain, le FDF était très présent dans les médias. Maintenant que ce parti s’appelle Défi et qu’il est présidé par François De Smet, existe-t-il encore en Flandre ?

Pas du tout, il est inexistant. On en parle seulement quand il y a un petit calcul à faire en cas de besoin de voix à la Chambre pour soutenir une mesure.

François De Smet est-il aussi mal perçu qu’Olivier Maingain, qui défendait bec et ongles les intérêts des francophones de Bruxelles ?

Il n’est pas mal considéré, il est inconnu. Contrairement à l’époque de Maingain, aujourd’hui, Défi ne fait plus le poids à Bruxelles. Ils ne sont nulle part. C’est un parti qui ne sait pas très bien où il va, ce qu’il veut. Quand le FDF était un parti séparatiste, qui prônait un rattachement à la France, les choses étaient claires. Aujourd’hui, que représente-t-il ?

Plusieurs partis semblent se situer dans un ventre mou, avec des revendications ou valeurs moins affirmées que par le passé. Sont-ils amenés à disparaître ou à fusionner ?

Une fusion entre des partis, je n’y crois pas. Ce sont plutôt les électeurs qui en décident en sanctionnant certaines formations. On l’a vu en 2003 avec Agalev qui a disparu du Parlement fédéral après les élections. Beaucoup de personnalités ont alors quitté le parti, surtout vers le SP.A. Finalement, Agalev s’est transformé pour devenir Groen.