Belgique

Arrestation de militants palestiniens : « Les autorités belges instaurent un climat de peur »

Husam a été transféré au centre fermé 127bis après un passage au commissariat, où il est retenu en attente d’une décision sur son statut de demandeur d’asile. Le motif de l’arrestation d’Husam est le « risque de troubles à l’ordre public » lié à des incidents survenus lors d’une bagarre dans le centre-ville.


Le 29 septembre, Husam, accompagné de ses amis, rentre chez lui après un rassemblement de soutien à la Palestine organisé chaque soir devant la Bourse de Bruxelles. Des policiers en civil surgissent, deux fourgons arrivent et bloquent les accès. Husam est emmené par la police, sous les cris de colère et d’incompréhension de Dounia.

« Ils sont arrivés par derrière, ils se sont mis entre nous, ils nous ont menacés avec leurs armes en les tenant à la ceinture pour nous demander de reculer et exiger de ne pas filmer », raconte la chercheuse à l’ULB.

Le moment où Husam est embarqué dans le combi de police est filmé, on entend Dounia invectiver les policiers et leur demander la raison de cette arrestation.

« Ce sont des policiers en civil qui interviennent sans prévenir et qui annoncent le fait qu’ils sont de la police une fois que la personne a été saisie. Donc il n’y a aucun matricule qui est affiché et les personnes sont emmenées sans aucune explication, sans qu’aucun motif ne soit donné, ni à eux, ni à nous, ni même à leurs avocats. Donc pour moi, ça, c’est la différence. Ce n’est pas la police qui arrive en uniforme avec matricule affiché et qui explique, ‘vous avez fait ceci, vous êtes en état d’arrestation, on va vous emmener dans tel poste’, etc. Rien que tout ça n’est fait », dénonce Dounia.

Après un passage au commissariat, Husam est transféré au centre fermé 127bis, un centre de rapatriement situé à côté de l’aéroport de Zaventem. C’est de là que sont expulsés, par avion, les demandeurs d’asile déboutés par l’Office des étrangers.

Husam vit en Belgique depuis deux ans, il s’est créé un réseau professionnel et s’est fait de nombreux amis. Il travaille sous CDI pour un chef japonais avec qui il a collaboré sur le Summer Festival Japan, un événement en collaboration avec la ville de Bruxelles et la Mission du Japon. Son employeur a écrit un courrier aux autorités pour lui exprimer son désemparement face à l’arrestation de son employé et louer ses qualités professionnelles.

Ce transfert immédiat vers un centre de rapatriement pose question aux proches d’Husam. Ce jeune Palestinien est demandeur d’asile, il a une « carte orange » qui lui permet de rester et travailler légalement en Belgique, en attendant la prochaine audience pour trancher sur son statut. En juin, le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA) avait refusé sa demande d’asile. Husam a fait un recours et cette décision négative a été annulée par le Conseil des Contentieux pour les étrangers (CCE). Il est en attente d’une convocation pour un nouvel entretien au CGRA.

Si le CGRA rend à nouveau un avis négatif, Husam risque d’être déporté en Grèce, pays par lequel il est entré en Europe, avant d’être expulsé en Palestine.

« C’est vraiment des arrestations et des kidnappings très ciblés de certaines communautés », accuse Dounia.

Contactée, la zone de police Bruxelles-Capitale-Ixelles nous a répondu : « Plusieurs personnes impliquées dans des incidents et connues pour certains faits de délinquance ont été identifiées et arrêtées. Leur origine, nationalité ou conviction n’exerce aucune influence. »

Le motif de l’arrestation d’Husam est le « risque de troubles à l’ordre public ». Quand elle parle de « faits de délinquance », la police fait référence à l’interpellation d’Husam lors d’une bagarre dans le centre-ville. Selon la police, Husam aurait « agressé des touristes ».

La version de Dounia est toute autre. « Quand des supporters de foot d’autres pays, notamment d’Angleterre, se rendent à Bruxelles dans des bars aux alentours de la Bourse, scandent des slogans racistes, font des saluts nazis et viennent nous injurier, nous provoquer et nous bousculer, là il y a effectivement un risque d’altercation. Au lieu de gérer directement le risque et d’interpeller les personnes qui font des saluts nazis, on interpelle les Palestiniens », dénonce la Bruxelloise.

Ce jeudi 23 octobre, l’audience d’Husam pour sa remise en liberté du centre fermé 127bis se tiendra au Palais de justice de Bruxelles. Plusieurs associations ont lancé un appel au rassemblement pour soutenir le jeune Palestinien.

Pour Dounia, l’arrestation d’Husam est un élément parmi d’autres d’une politique plus globale. « C’est à la fois affaiblir notre mouvement et à la fois une politique générale raciste de notre gouvernement de s’en prendre à toutes les personnes en situation irrégulière à Bruxelles et en Belgique », accuse-t-elle en faisant un parallèle avec les actions de l’ICE, la police de l’immigration américaine, qui procède régulièrement à des rafles de personnes migrantes ou perçues comme telles.

Nous avons contacté le cabinet de la Ministre de l’Asile et de la Migration, qui face à ces accusations, affirme : « L’Office des étrangers apporte régulièrement son soutien à la police lorsque celle-ci le lui demande. L’Office des étrangers a apporté son soutien sur le terrain à la Bourse. Cette présence ne s’inscrit toutefois pas dans le cadre d’un plan d’action ciblé, mais dans celui de la coopération existante avec la police. Ces actions ne visent pas les participants à la manifestation, mais les perturbateurs de l’ordre public connus pour un certain nombre de faits en marge de celle-ci. »

En attendant la décision de justice quant à la situation administrative d’Husam, Dounia garde espoir et en appelle à l’empathie face à la situation des Palestinien·nes en Belgique. « Je veux que les gens se rendent compte que les Palestiniens ne sont pas des chiffres, que ce sont des humains, que ce sont nos amis, nos proches, nos collègues, nos camarades et qu’on a envie qu’ils puissent garder espoir et ne plus porter la honte de la façon dont notre pays les traite. J’aimerais qu’on les laisse vivre la vie qu’ils méritent de vivre », lance Dounia.