Belgique

Après une crémation, où ne pas disperser les cendres ?

En Belgique, la législation permet plusieurs options pour la disposition des cendres après une incinération, notamment l’inhumation dans un cimetière, la conservation dans un columbarium ou à domicile, et la dispersion dans des espaces dédiés. Pour disperser les cendres dans la mer du Nord, une procédure encadrée par la commune nécessite une autorisation et l’immersion doit être réalisée par un employé communal à minimum 200 mètres de la côte.


L’urne peut être inhumée, placée dans un columbarium ou même conservée à la maison.

En Belgique, la loi autorise plusieurs options pour la disposition des cendres après une crémation. Chaque option doit cependant suivre des procédures spécifiques et parfois obtenir une autorisation.

La première option consiste à conserver les cendres dans une urne, le récipient remis aux familles après la crémation. Cette urne peut être conservée au cimetière, soit inhumée dans une concession terrestre, un espace appelé cavurne, soit placée dans un columbarium, qui est un ensemble de niches souvent présent sur les murs des cimetières. Comme pour une tombe ou un caveau, il est nécessaire de passer par la commune et de renouveler la concession après un certain nombre d’années, sinon l’emplacement est libéré et attribué à d’autres.

Il est aussi possible de garder l’urne chez soi. Depuis plusieurs années, il est légal de conserver l’urne à domicile ou dans un lieu privé, sous réserve de faire une demande écrite à la commune avant l’incinération. L’urne peut contenir tout ou partie des cendres, et la législation belge autorise également la création de bijoux commémoratifs ou d’ornements contenant une partie des cendres. Cette pratique, bien que peu courante, offre la possibilité de garder un souvenir intime d’un être cher, comme porter un pendentif avec quelques cendres de son conjoint.

La dispersion des cendres : une multitude de formules possibles, du cimetière à la mer en passant par le jardin.

La deuxième option est la dispersion des cendres, solution qui répond à la question de leur conservation mais peut priver les familles d’un lieu de recueillement. Cela peut se faire dans les espaces de souvenir prévus à cet effet autour des crématoriums ou dans les cimetières. Souvent, cela se passe sur des pelouses, mais des alternatives plus esthétiques comme des jardins de galets commencent à émerger.

Les familles peuvent choisir la dispersion en mer du Nord, mais cela ne peut se faire ni depuis la plage ni depuis un pédalo. Une procédure encadrée par la commune est nécessaire pour obtenir une autorisation et mandater un employé communal, le seul habilité à procéder à l’immersion depuis un bateau, à au moins 200 mètres de la côte. L’urne biodégradable est alors immergée, se dissout dans l’eau et des fleurs, uniquement naturelles, peuvent être jetées. En Belgique, cette pratique se déroule généralement à Ostende ou Zeebruges. Des sociétés spécialisées s’occupent de cela et remettent aux familles un certificat attestant de l’immersion, avec les coordonnées du lieu. Chaque année, quelques centaines d’immersions maritimes se déroulent, dont celle du chanteur Arno, originaire d’Ostende, qui avait choisi ce mode de dispersion.

La dispersion en pleine nature est également envisageable, mais uniquement sur un terrain privé et après avoir obtenu l’autorisation écrite du propriétaire. Cela peut concerner un jardin, une prairie, un lac ou une forêt, dès lors que le propriétaire est d’accord, et idéalement, que le défunt le souhaite également. En revanche, il est interdit de disperser ou d’enterrer les cendres dans un espace public ou en zone urbaine non dédiée à cette pratique. Disperser les cendres d’un proche dans un parc communal ou une forêt publique n’est donc pas autorisé.

La dispersion en forêt, une solution qui séduit de plus en plus mais avec des règles.

Au lieu du cimetière ou du crématorium, de plus en plus de familles préfèrent une dispersion plus personnalisée, sans nécessairement vouloir la réaliser dans un jardin, où le souvenir peut devenir pesant. Une option alliant nature et personnalisation est la dispersion en forêt.

Il est important de noter que cela n’est pas possible dans l’espace public : il faut compter sur une forêt privée ou associative. En Belgique, certaines forêts de ce type existent, comme celle de Soleilmont, dans l’entité de Fleurus, où Alexia Willems a fondé « Les Arbres du souvenir » il y a dix ans. Elle explique : « J’avais vu ce genre de forêt à l’étranger et cela manquait chez nous, j’ai donc lancé le projet en m’entourant, entre autres, d’un ingénieur forestier pour respecter la nature. Au départ, un peu naïvement, j’espérais obtenir un bout de forêt, mais nous avons dû l’acheter avec notre fondation, ce qui n’a pas été simple car les banques ont hésité à nous accorder un prêt. Aujourd’hui, dix ans plus tard, nous avons réalisé 450 dispersions. »

Sur les 7 hectares des Arbres du souvenir, plusieurs manières d’accueillir les cendres des défunts sont proposées. Alexia Willems précise : « La formule la plus personnalisée, c’est la dispersion des cendres au pied d’arbres familiaux, dont la famille aura l’exclusivité mémorielle. Il est aussi possible de déposer les cendres de certains défunts auprès de chênes centenaires, arbres partagés pouvant accueillir jusqu’à dix défunts de familles différentes. »

Elle ajoute également : « Nous proposons encore deux formules de dispersion moins localisées, soit dans une clairière au cœur de la forêt, soit dans un espace commun délimité ressemblant aux pelouses des cimetières, mais en plus grand. » La participation financière pour ces options varie de 85 à plus de 1000 euros, selon la formule choisie.

Cette forêt du souvenir comprend même un espace de cérémonie, constitué de bancs en bois encerclant une table en bois, le tout en plein air, sans abri ni construction permanente, ce qui reflète l’esprit de l’endroit : « C’est la magie de cette forêt : offrir apaisement, sérénité, promenades, temps de parole en famille, mais aussi pique-niques et moments conviviaux, tout cela en lien avec nos morts mais dans le respect total de la nature. »

C’est pourquoi aucun objet artificiel n’est autorisé sur le site. Il n’est pas question d’y mettre une statue, une plaque en marbre ou un bac à fleurs. Seuls des éléments naturels sont acceptés, comme une petite plaquette en bois avec le nom du défunt fixée à l’arbre et des objets provenant de la forêt, comme un agencement de branches, des fleurs des bois ou un mandala de feuilles mortes.

Compliqué pour une commune de créer sa propre forêt cinéraire.

Certaines communes souhaitent également créer une forêt cinéraire où les citoyens pourraient disperser les cendres de leurs proches. Cependant, cela s’avère complexe, comme le souligne Xavier Deflorenne, coordinateur de la cellule de gestion du patrimoine funéraire de la Région wallonne : « La grande difficulté pour les communes, c’est que leurs forêts sont soumises à trois législations différentes, souvent contradictoires. »

Il explique : « Par exemple, le décret sur les funérailles et les sépultures exige la construction d’un columbarium, alors que la législation forestière interdit toute installation dans une forêt. De plus, ce règlement interdit de creuser au pied des arbres, alors que cette opération serait justement nécessaire pour enfouir les cendres, comme c’est le cas dans une forêt privée. Pour un particulier, créer une forêt cinéraire est donc relativement simple, mais pour une commune, cela devient extrêmement compliqué. »

Ce projet, aussi poétique soit-il, se heurte rapidement à des contraintes concrètes. À Namur, la ville avait l’intention de créer une telle forêt cinéraire, mais après deux ans de tractations et d’obstacles administratifs, le projet est désormais suspendu, pour ne pas dire abandonné.

Un compromis à la sauce brabançonne : une extension boisée à un cimetière.

À Lasne, dans le Brabant wallon, le cimetière d’Ohain, l’un des sept de la commune, va bientôt être étendu grâce à un hectare de forêt racheté à un riverain. La bourgmestre Florence Rotthier (MR) explique que cela a été un parcours difficile : « Ce fut un véritable parcours du combattant qui dure depuis huit ans ! Nous avons d’abord dû convaincre les propriétaires de vendre une partie de leur forêt, ensuite les démarches se sont succédées pour étendre le cimetière avec les demandes d’autorisation du gouverneur, de la Division Nature et Forêts, de la Région Wallonne, de l’Intercommunale du Brabant wallon, etc. C’était compliqué, mais nous y arrivons. Nous aurions aimé ouvrir cet espace boisé pour la Toussaint, mais il manque encore un accès PMR. Nous espérons que ce sera prêt pour début 2026. »

Cependant, il ne sera pas possible d’enfouir les cendres au pied des arbres, comme à Fleurus. « Pour éviter que le public ne marche dans notre petite forêt, nous avons dû construire un caillebotis, comme dans les Fagnes. Cela permettra d’accéder à une plateforme circulaire au milieu du bois, d’où les familles pourront assister à la dispersion des cendres par les fossoyeurs dans quatre espaces dédiés, à savoir quatre carrés de deux mètres sur deux délimités par des rondins. C’est un peu contraignant, mais c’était la meilleure façon de concilier les souhaits de chacun. »

Et si gouvernement et parlement wallons se saisissaient du dossier ?

La bourgmestre comprend que d’autres communes se découragent et finissent par renoncer. Florence Rotthier (MR) suggère la simplification des démarches par l’harmonisation de certaines législations : « Le Parlement wallon pourrait peut-être se pencher sur la question afin de rendre les réglementations compatibles. Il y a matière à réflexion et le public est demandeur. J’en appelle aussi au ministre Desquesnes (Engagés), compétent en la matière, pour faire accélérer la mise en place de nouveaux règlements, car nous ressentons une demande de la population et des communes. Beaucoup d’entre elles souhaitent visiter notre future extension et s’inspirer de nos démarches. »

Xavier Deflorenne, le Monsieur Cimetières de la Région wallonne, a récemment soumis un texte au ministre. « La législation est en train d’évoluer. Je viens de rendre un rapport au ministre proposant l’idée de forêts cinéraires publiques. Ces forêts ne seraient pas des cimetières, mais de vastes aires de dispersion naturelles sans monument, sans concession, ni notion de propriété, juste des aires de dispersion dans les bois. Je ne pense pas qu’il faille changer les lois, il suffit de trouver une convergence, une sorte de zone tampon entre les trois législations concernées. »

À la fondation des Arbres du souvenir, on pense avoir trouvé le bon équilibre : la commune de Fleurus a acheté le terrain, elle est donc propriétaire de la forêt qui est gérée par les bénévoles de la fondation. Alexia Willems, ambassadrice de cette collaboration public-privé, déclare : « Tout gérer serait trop contraignant pour une commune. Nous sommes une équipe de dix bénévoles accueillants, nous passons beaucoup de temps avec les familles, nous les accueillons, les écoutons, leur faisons visiter le site et les aidons à choisir un arbre. Je ne pense pas que les employés communaux aient le temps de faire cela, donc je plaide pour un partenariat public-privé. »

Bien entendu, il est toujours possible de disperser des cendres ailleurs sans autorisation, comme l’a fait Micheline, qui a avoué avoir répandu celles de son papa dans une forêt communale de Tournai. D’autres le font en forêt de Soignes, discrètement, même si cela est officiellement interdit, mais jusqu’à présent, peu de procès pour dispersion illégale ont été signalés.