Antisémitisme : Unia affirme qu’être juif en Belgique n’est pas facile aujourd’hui
Depuis le 7 octobre 2023, le nombre de signalements et de dossiers pour antisémitisme a fortement augmenté, selon Patrick Charlier. Laura Calabrese souligne que « les Juifs du monde entier sont considérés comme coupables du génocide des Palestiniens », ce qui entraîne un sentiment d’insécurité chez les Juifs.
Depuis l’attaque du 7 octobre 2023, la question de l’antisémitisme dans le débat public est régulièrement mise en contraste avec les conditions de vie des Palestiniens. Il semble que s’alarmer d’un regain de racisme envers la communauté juive et s’opposer à l’offensive israélienne soient perçus comme incompatibles. Néanmoins, la réalité est claire : l’antisémitisme est en augmentation, particulièrement depuis l’intensification des tensions au Proche-Orient. « C’est comme si les attaques du 7 octobre avaient libéré cette parole antisémite, » observe Laura Calabrese.
Bien que les actes antisémites se multiplient, Laura Calabrese souligne qu’ils ne sont pas nécessairement une réponse à l’offensive israélienne à Gaza. Au contraire, c’est un contexte qui favorise ce type de discours. La chercheuse de l’ULB fait remarquer que ces actes ont commencé dès le lendemain de l’attaque du Hamas, sans attendre l’ampleur de la réponse israélienne : « On peut avoir l’impression que les actes antisémites sont liés au contexte, mais en fait, le contexte, ce n’est qu’une excuse. Et d’ailleurs, c’est le cas pour tous les racismes. Les racismes n’ont pas de cause, ils sont latents, ce sont des phénomènes structurels, et il y a des moments de crise où ils émergent. »
Elle rappelle également que l’antisémitisme est un phénomène systémique dans les sociétés occidentales, remontant au moment où les Juifs ont été accusés de la mort de Jésus. « On va trouver un bouc émissaire. Et c’est à partir de la constitution de ce premier antijudaïsme chrétien que va se construire l’antisémitisme, qui est un phénomène qui va traverser toute l’histoire européenne et qui va même structurer son identité, puisque l’identité européenne se façonne par opposition à cet ennemi intérieur que sont les Juifs. »
Patrick Charlier confirme que le nombre de signalements et de dossiers pour antisémitisme a fortement augmenté depuis octobre 2023. Laura Calabrese critique une essentialisation de la communauté juive : « Les Juifs du monde entier sont considérés comme coupables du génocide des Palestiniens, de tout ce qui se passe à Gaza, et donc ça devient normal de s’en prendre à eux. » Patrick Charlier compare cette amalgamation à celle subie par de nombreux musulmans après les attentats terroristes qui ont frappé l’Europe. « Il ne fait pas bon d’être juif en Belgique aujourd’hui. Quand on se présente ou quand on est identifié comme juif, on doit systématiquement se justifier sur ce qui se passe, sur ce que fait le gouvernement Netanyahou, sur le génocide en cours, etc. Ça me fait penser à la situation des musulmans après les attentats de Maelbeek et Zaventem qui devaient systématiquement se justifier en disant : Nous ne cautionnons pas ce qui s’est fait et les attentats qui ont été commis. »
La professeure à l’ULB ne comprend pas cette opposition constante : « La colère que nous ressentons pour ce qui se passe en Palestine ne devrait pas conduire à ce genre de propos qui provoque un profond sentiment d’insécurité chez les Juifs. On devrait pouvoir être capable à la fois d’être en colère par ce qui se passe là-bas et dénoncer l’antisémitisme. »
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