Annulation du concert de Lahav Shani à Gand : la polémique expliquée.
Le concert de l’orchestre philharmonique de Munich, prévu le 18 septembre à la cathédrale Saint-Bavon de Gand, a été annulé en raison de l’absence de déclaration de Lahav Shani sur le rôle du gouvernement israélien à Gaza. Plusieurs critiques, dont le Premier ministre flamand Bart De Wever, ont dénoncé cette décision, qualifiée d’« antisémite » et de « discrimination par origine ».
Au départ, le 18 septembre devait être un moment marquant à l’occasion du Festival de Flandre à Gand. L’orchestre philharmonique de Munich devait jouer à la cathédrale Saint-Bavon de Gand, sous la direction de Lahav Shani, chef d’orchestre du Philharmonique de Munich et étoile montante de la musique classique. Cependant, en quelques jours, cet événement s’est transformé en une crise majeure ayant conduit à l’annulation de la représentation. Une décision qui a généré de nombreuses controverses, bien au-delà des frontières belges et du monde musical.
### Lundi 8 septembre : réunion sous tension
Le conseil d’administration du Festival de Flandre se réunit à Gand. Autour de la table, onze administrateurs, dont des représentants politiques, notamment de la N-VA. À l’ordre du jour : le concert de l’orchestre philharmonique de Munich à la cathédrale Saint-Bavon du 18 septembre.
Trois types de craintes émergent clairement. D’abord des préoccupations politiques, certains administrateurs demandant que Lahav Shani prenne position sur le gouvernement israélien à Gaza. Ensuite, des préoccupations sécuritaires, l’organisation craignant que des groupes pro-palestiniens viennent perturber le concert, voire d’autres événements du festival. Enfin, des inquiétudes financières, avec l’ombre d’un boycott culturel d’Israël, annoncé début septembre par la ministre flamande de la Culture, Caroline Gennez (Vooruit), pesant sur le renouvellement des subventions.
### Mardi 9 septembre : trois scénarios possibles
Le lendemain, une nouvelle réunion se tient, cette fois en ligne. Trois options sont envisagées :
1. Lahav Shani condamne publiquement la politique israélienne à Gaza.
2. L’orchestre joue avec un autre chef.
3. Le concert est annulé.
Pas de vote formel, mais aucune opposition ne se manifeste.
### Mercredi 10 septembre : la décision tombe
La direction du festival informe ses administrateurs que le chef d’orchestre ne fera pas de déclaration et qu’aucun remplaçant n’est prévu. « Scénario 3 activé : le concert est annulé », annonce-t-on par e-mail.
Cette annonce provoque une onde de choc, même au-delà des frontières. En Allemagne, Wolfram Weimer, le ministre de la Culture, parle de « capitulation face à l’antisémitisme », tandis que le président allemand Frank-Walter Steinmeier condamne une décision « évidemment antisémite ». La controverse dépasse alors le cadre culturel pour devenir une affaire d’État.
### Samedi 13 septembre : Bart De Wever va en Allemagne pour afficher son soutien au chef d’orchestre
Le Premier ministre flamand Bart De Wever (N-VA) assiste à un concert de Lahav Shani à Essen, en Allemagne. Un acte perçu comme provocateur par certains, tandis que d’autres y voient un geste de solidarité. « Interdire à quelqu’un d’exercer sa profession uniquement en raison de son origine est irresponsable », déclare-t-il.
Son voyage suscite des réactions, notamment de la part de Conner Rousseau, président de Vooruit : « Si le Premier ministre veut passer des heures en voiture pour aller voir un concert classique en Allemagne, c’est son choix. Mais j’espère qu’après aujourd’hui, on pourra mettre fin à tout ce cirque, parce que je ne crois pas que les Flamands attendent cela ni qu’ils en sortent gagnants. »
### Lundi 15 septembre : la pression monte
Alors que les critiques se multiplient, sponsors et organisations juives interpellent les partenaires du festival, dénonçant une « discrimination sur base de la nationalité ». Parallèlement, la cathédrale Saint-Bavon confirme que la salle reste disponible « si la décision devait être revue ». Pourtant, au sein du conseil d’administration, la situation demeure inébranlable.
Christoph D’Haese (N-VA), membre du conseil d’administration et bourgmestre d’Alost, s’exprime dans les médias flamands, contestant la décision et annonçant qu’il démissionnerait si le concert était effectivement annulé.
### Nuit du lundi 15 au mardi 16 septembre : pas de retour en arrière
Une réunion marathon se tient. Malgré le tumulte médiatique, le conseil maintient l’annulation. « La décision n’est pas liée à la nationalité de Lahav Shani », insiste le festival, mais au fait qu’il n’aurait pas pris position sur Gaza.
### Mardi 16 septembre : démissions en série et Bart De Wever hausse le ton
Christoph D’Haese (N-VA) claque la porte du conseil d’administration, déclarant : « C’est de la pure folie de demander à chaque artiste une position politique. » Quelques heures plus tard, Annemie Charlier (N-VA) le suit. Tous deux dénoncent une « discrimination par origine » et une « atteinte à la réputation de la Flandre ».
La ministre flamande de la Culture Caroline Gennez (Vooruit) tente d’apaiser la situation : « Pour moi, le dossier est clos. Concentrons-nous sur la préparation de la déclaration de septembre du gouvernement flamand. » Cependant, elle affirme : « Le racisme ne doit jamais être banalisé. »
Ses déclarations n’apaisent pas les critiques, tant en Allemagne qu’en Belgique. À la Chambre, Bart De Wever qualifie la décision d’ »antisémite et perçue comme ça en Allemagne » : « Les Allemands sont vraiment furieux et à juste titre. Les dégâts pour notre pays sont énormes. Dire qu’un orchestre allemand n’est pas le bienvenu en Belgique parce que le dirigeant est israélien, c’est inacceptable dans une démocratie et un État de droit. »
### Et maintenant ? Les opinions fusent
Le concert reste donc annulé, les positions demeurent figées, et les impacts diplomatiques sont réels, selon le Premier ministre. Dans tout le pays, les opinions sur la polémique se multiplient.
Dans un article publié dans De Standaard et traduit par DaarDaar, le directeur artistique du Théâtre royal flamand (KVS) considère que la virulence du débat prouve l’efficacité du boycott culturel : « L’indignation morale après la déprogrammation du chef d’orchestre israélien au festival de Gand est sélective », affirme Michael De Cock. « Après l’invasion russe de l’Ukraine, tout le monde semblait reconnaître la nécessité d’un boycott culturel. Soudain, la culture intéresse tout le monde. Qui l’eût cru ? »
Une chose est certaine : ce qui devait être un moment musical exceptionnel restera gravé comme l’un des plus gros scandales culturels qu’ait connus la Flandre ces dernières années.

