Belgique

Andrej Babis, milliardaire « trumpiste », remporte les législatives en République tchèque.

Le mouvement ANO de M. Babis a obtenu 35,4% des voix selon des résultats portant sur près de 97% des bulletins dépouillés. Le président tchèque Petr Pavel a annoncé qu’il entamerait les discussions avec les chefs de parti élus dimanche.


Le mouvement ANO (« Action des citoyens mécontents », « OUI » en tchèque), dirigé par M. Babis, a obtenu 35,4% des voix, d’après des résultats basés sur près de 97% des bulletins dépouillés. Il dépasse nettement le mouvement « Ensemble » du Premier ministre sortant de centre droit, Petr Fiala, qui a recueilli 22,7% des suffrages dans une élection ayant enregistré une participation de 68,89%. Les libéraux de STAN, alliés de M. Fiala, arrivent en troisième position avec 11,1% des voix.

M. Babis a réagi en affirmant : « Nous chercherons à former un gouvernement avec un seul parti dirigé par ANO« , tout en mentionnant qu’il envisagerait d’établir des alliances avec le parti d’extrême droite SPD, qui a récolté 7,9% des voix, et le parti de droite Motoristes, avec 6,8%.

Les résultats indiquent qu’il aura effectivement besoin de partenaires pour gouverner ce pays d’Europe centrale, membre de l’Otan et de l’Union européenne. Otto Eibl, analyste à l’université Masaryk de Brno (sud-est), a déclaré à l’AFP : « Ce qui nous attend, c’est probablement un gouvernement dirigé par Andrej Babis mais la question est de savoir avec qui il va s’allier. »

Agé de 71 ans, M. Babis, qui a déjà exercé la fonction de Premier ministre de 2017 à 2021, a axé sa campagne sur l’augmentation des prestations sociales et la réduction du soutien à l’Ukraine, plaçant les intérêts tchèques au premier plan. Un retour au pouvoir de M. Babis pourrait conduire Prague à se rapprocher de la Hongrie et de la Slovaquie, qui ont rejeté toute aide militaire à l’Ukraine et freinent les sanctions à l’encontre de la Russie.

M. Babis a cofondé avec le Premier ministre hongrois Viktor Orban un groupe parlementaire eurosceptique nommé « Patriotes pour l’Europe ». Le SPD appelle à un référendum sur la sortie de l’Union européenne, proposition que M. Babis a toutefois catégoriquement écartée.

Consultations dimanche

Le président tchèque, Petr Pavel, qui a pour mission de désigner le prochain Premier ministre conformément à la Constitution, a annoncé qu’il commencerait les discussions avec les chefs de partis élus dimanche.

M. Pavel, ancien chef des forces de l’Otan et clairement pro-européen, a rencontré M. Babis en début de semaine pour aborder les risques de conflit d’intérêts liés à ses activités d’homme d’affaires, à la tête d’un conglomérat chimique et alimentaire, ainsi que des poursuites pour fraude aux subventions européennes qui le visent.

Jusqu’à présent, la République tchèque, forte de 10,9 millions d’habitants, a soutenu sans réserve Kiev face à l’invasion russe. Le pays a également accueilli plus de 500.000 réfugiés ukrainiens, dont 300.000 y résident encore. Pourtant, de nombreux électeurs reprochaient au gouvernement de Petr Fiala d’avoir négligé sa propre population.

Josef Mlejnek, analyste à l’Université Charles, a confié à l’AFP qu’il n’attendait pas de « changement fondamental » dans la politique étrangère tchèque sous M. Babis, qui possède des intérêts commerciaux en Europe occidentale, en déclarant : « Babis est un homme d’affaires pragmatique et la seule chose qui l’intéresse est d’être Premier ministre. »

En revanche, Peter Just, de l’Université métropolitaine de Prague, estime qu’il « n’est pas certain que la rhétorique restera pro-occidentale très longtemps« , car plusieurs membres de l’ANO affichent une « position faussement neutre » sur l’Ukraine.

Boris Lucansky, un fonctionnaire de 60 ans, nourrit de grandes attentes face à ce « changement« , espérant qu’Andrej Babis parvienne à une « solution » pour l’augmentation des prix de l’énergie.

La campagne a également attiré l’attention de réseaux prorusses. Le Centre tchèque de recherche sur les risques en ligne a signalé une activité accrue sur TikTok, avec des contenus en faveur de partis antisystème.

Selon un rapport de l’organisme de vérification des faits American Sunlight Project, publié vendredi, le SPD a dépensé des milliers de dollars en publicités sans les mentions légales requises sur Meta au cours des dernières années, soit dix fois plus que les partis de M. Babis et M. Fiala. Meta a annoncé à l’AFP qu’elle « enquête sur ces signalements » et qu’elle a « déjà pris des mesures concernant plusieurs publicités pour non-respect de nos règles« .