Belgique

Alain Maron (Ecolo): « Sur la friche Josaphat, l’opposition avec le PS se poursuivra mais sur les autres dossiers, il faut avancer »

Le 16 février, le ministre bruxellois de l’Environnement avait, avec Barbara Trachte (Ecolo, secrétaire d’État à la Transition économique), quitté la table du gouvernement. Les écologistes voulaient s’opposer aux tentatives du PS d’avancer, en contournant le blocage du gouvernement, sur un projet de construction de 509 logements sur la friche Josaphat, une ancienne gare de triage désaffectée où la nature a repris ses droits.

Les verts, et encore récemment la ministre de la Mobilité, Elke Van den Brandt, avaient appelé Rudi Vervoort à faire un pas dans leur direction pour entamer la détente.

Le PS n’a pas cédé d’un pouce. Les écologistes ont malgré tout décidé de mettre fin à trois semaines de politique de la chaise vide, en se rendant la réunion du gouvernement.

Début de sortie de crise au gouvernement bruxellois ? Le désaccord est acté sur Josaphat, mais les discussions ont repris entre Écolo et le PS

“Un gouvernement, ce n’est pas une bande de potes”

Nous avons bien compris que le PS voulait passer en force sur Josaphat. Donc acte. Sur ce dossier, l’opposition politique se poursuivra au cours de toute cette législature. Mais sur les autres dossiers, nous devons avancer. Nous voulons continuer jusqu’à la fin de la législature sur base de l’accord de gouvernement. Cette majorité a réalisé des avancées. Un gouvernement, ce n’est pas une bande de potes, il est là pour travailler et trouver des solutions.”

Concrètement, Ecolo a proposé d’élargir la focale et de changer le logiciel d’affectation des sols via un PRAS (plan régional d’affectation du sol) climatique.

”Nous avons déposé une note au gouvernement, pour tenter de sortir de la crise vers le haut. Et reprendre le dialogue. Nous voulons une méthode qui permette de déminer en amont. On ne peut pas revivre des psychodrames à la Josaphat sur tous les dossiers. Il y a une confrontation et des chocs d’éléments importants, et pour le PS et pour nous. Il faut dépasser ça et trouver des solutions équilibrées”, pointe Alain Maron. “Je peux comprendre les enjeux pour mes partenaires de majorité. J’attends de leur part qu’ils comprennent les nôtres. Groen est le premier parti flamand de la majorité, et Ecolo est le second francophone… Dans un gouvernement, il faut être respectueux et chercher des compromis.”

“Une dizaine d’espèces d’abeilles sauvages et de libellules”

Mais pourquoi les écologistes ont-ils fait d’un dossier a priori secondaire un enjeu décisif au sein du gouvernement de Rudi Vervoort ?

”L’impact du dérèglement climatique sur Bruxelles va s’accentuer. Cela signifie des périodes de canicule et de sécheresse plus puissantes que ce qu’on a jamais connu. Mais aussi des risques d’inondations accrus sur l’ensemble de la ville. Bruxelles doit être capable de résister à ces très fortes pluies, de faire face aux épisodes de sécheresse, et donc s’adapter aux effets désastreux à venir du changement climatique. Cela nous oblige à penser la ville différemment. On constate aussi au niveau mondial un effondrement de la biodiversité. Ce n’est pas que dans la forêt amazonienne. C’est aussi dans les forêts en ville et à la campagne, chez nous. Les insectes pollinisateurs sont indispensables à la vie sur terre”, reprend Alain Maron. “La particularité de Josaphat c’est qu’il n’y a pas à Bruxelles d’autre terrain, d’une telle taille, avec une telle biodiversité. Il abrite une dizaine d’espèces d’abeilles sauvages et de libellules qu’on ne trouve nulle part ailleurs à Bruxelles. Depuis que la nature a repris ses droits, la friche fait office de corridor pour connecter la biodiversité du dehors de Bruxelles jusqu’à l’intérieur de la ville. C’est un poumon de biodiversité. Et plus qu’un objet symbolique.

Le ministre bruxellois de l’Environnement ajoute que sa position, loin de la lubie, répond aux exigences de l’Union européenne, qui prône le zéro artificialisation, y compris en ville.

”L’Europe veut que d’ici à 2030, il ne puisse pas y avoir de disparition d’espaces verts, en valeur nette. En résumé, on stoppe la bétonisation à tout va.”

Il existe des alternatives

Pour Alain Maron, il existe des alternatives à la construction de logements sur Josaphat, via la reconversion de bureaux. Et même sur Josaphat, il ne ferme pas totalement la porte “On n’ a jamais dit qu’on voulait zéro logements sur Josaphat, il peut y en avoir quelques dizaines sur les abords, en lisière. Et sur le reste du PAD (Plan d’aménagement directeur, NdlR) Josaphat, dans les espaces déjà industrialisés, on peut maintenir les 500 logements, sans toucher à la friche.”

Le PS semble, jusqu’à présent, hermétique à ce discours.

C’est que 60 des 65 membres des quatre conseils d’administration impliqués dans le dialogue compétitif pour le projet immobilier Josaphat ont voté en faveur du projet. Et tous ne sont pas socialistes. “Les directeurs de ces organismes d’intérêt public, du moins pour les trois plus importants, sont tous PS et ils ont poussé ces dossiers. Et puis, ces organismes décident au regard des intérêts, notamment financiers, de l’organisme où ils siègent, pas de leur parti. Un gouvernement doit, lui, mettre en balance ces intérêts”, rétorque le Saint-Gillois.

Le PS “a remporté une bataille tactique”

Alain Maron reconnaît toutefois que “le PS a remporté une bataille tactique” sur Josaphat, mais cela ne présage pas encore, selon lui, de l’aboutissement d’un projet “fragilisé”.

”Il y aura de fait des myriades de recours parce qu’il y a une opposition citoyenne et associative forte au projet. On s’oriente malheureusement vers une sorte de guérilla juridique, qui découle de cette décision d’avancer en dehors du PAD. Si les projets n’atteignent pas le niveau de consensus suffisant au niveau de la société, en général, ils finissent par tomber à l’eau”, précise-t-il, en référence aux contestations citoyennes et à l’enquête publique, critique.

guillement

“Le MR, c’est le parti des pesticides, d’Alibaba, du plastique et du bétonnage là où ça rapporte de l’argent. Nous ne sommes pas dupes des positionnements opportunistes du MR à Bruxelles. C’est aussi le parti de la bagnole, même si le PS bruxellois n’est pas très loin sur ce point.”

Le conflit idéologique est patent avec le PS.

Le MR, qui veut créer une réserve naturelle régionale sur la friche Josaphat, présente paradoxalement depuis l’opposition des positions plus Ecolo-compatibles sur ce dossier. De quoi séduire les verts, en vue d’une future majorité ? “Nous ne sommes pas dupes des positionnements opportunistes du MR à Bruxelles. Le MR n’a pas de crédibilité sur les matières environnementales. À Bruxelles, ils se positionnent pour la préservation d’espaces verts mais, au fédéral, ils luttent pour que les agriculteurs puissent continuer à utiliser des pesticides tueurs d’abeilles. En Région wallonne, ils luttent pour qu’on puisse étendre l’aéroport de Liège et l’utiliser de manière plus intensive encore pour Alibaba. Le MR n’est pas cohérent. Quand il s’agit d’avancées concrètes là où ils sont en majorité, ils agissent toujours contre les intérêts environnementaux, de manière caricaturale. Le MR, c’est le parti des pesticides, d’Alibaba, du plastique et du bétonnage là où ça rapporte de l’argent.