30 ans après la disparition de Julie et Mélissa, Child Focus alerte sur la hausse des disparitions d’enfants et le manque de moyens
Presque trente ans après l’enlèvement de Julie et Mélissa, événement qui a conduit à la création de Child Focus, l’organisation est confrontée à une hausse sans précédent du nombre de disparitions de mineurs, alors que son modèle de financement, largement dépendant de la générosité du public, est plus que jamais sous pression.
- Publié le 05-06-2025 à 10h56

Child Focus a traité 3.020 dossiers de disparitions et d’exploitation sexuelle de mineurs l’an passé, contre 1.503 en 2021. Un doublement en seulement trois ans qui met l’organisation sous pression.
Face à cette hausse des dossiers, Child Focus doit redoubler d’efficacité sans moyens supplémentaires. « Les gens qui travaillent chez nous gèrent aujourd’hui deux fois plus de dossiers au quotidien. Ce n’est pas parce que le nombre de dossiers a doublé qu’on a pu se permettre de doubler nos effectifs. On tire un peu sur la corde », explique la directrice générale de Child Focus, Nel Broothaerts.
L’organisation fonctionne principalement grâce au soutien du public et à une dotation de la Loterie nationale, qui ne couvre qu’environ 20% de ses revenus. Une situation de plus en plus intenable dans le contexte économique actuel. « Il devient de plus en plus difficile de trouver des donateurs capables de verser 9, 10 ou 12 euros mensuellement. Quand les factures d’énergie sont difficiles à honorer, il est logique que les priorités aillent d’abord à l’essentiel », admet Mme Broothaerts, qui plaide pour un financement et une implication des autorités publiques. Des discussions sont d’ailleurs en cours avec le gouvernement. « On y travaille, on a quelques bonnes pistes dont on espère qu’elles vont aboutir à quelque chose de concret », glisse la directrice.
Au-delà des disparitions, Child Focus est confrontée à l’essor de nouveaux phénomènes qui se répandent sur la toile, comme l’exploitation sexuelle en ligne, la sextorsion ou encore la diffusion de contenus intimes générés par intelligence artificielle. « Ce sont des problématiques qui n’existaient pas il y a 30 ans. Aujourd’hui, elles prennent une ampleur considérable et nécessitent des réponses adaptées, notamment au niveau législatif », insiste la directrice. Cette dernière appelle à une régulation européenne plus stricte pour limiter la diffusion d’images de violences sexuelles sur les enfants.
Interrogée sur la proposition, évoquée notamment par la ministre Galant, d’interdire les réseaux sociaux aux moins de 15 ans, Mme Broothaerts met en garde contre les effets pervers d’une telle mesure. « Plutôt que d’interdire, il faut créer des plateformes plus sûres et proposer des contenus adaptés à chaque tranche d’âge. » La directrice craint qu’une interdiction pure et simple ne pousse les jeunes à contourner les règles, sans être accompagnés ou éduqués à ce sujet.
Ces « menaces » numériques, par ailleurs, affectent les jeunes différemment selon leur genre. Dans le cas de la sextorsion par exemple, Child Focus constate que les garçons en sont plus souvent victimes que les filles, une tendance observée à l’échelle mondiale. Cette spécificité s’explique notamment par des stratégies ciblées mises en place par les réseaux criminels, qui exploitent la vulnérabilité des garçons, souvent moins enclins à demander de l’aide, analyse la directrice.
Cette dernière insiste sur l’impact des stéréotypes de genre. « Les garçons ont tendance à minimiser ou à taire les faits car on leur apprend à être forts, à ne pas pleurer, à ne pas demander de l’aide. Cela les empêche souvent de signaler ce qu’ils subissent et aggrave leur isolement. » Selon Mme Broothaerts, cette forme de pression contribue à invisibiliser une partie importante des victimes, rendant le phénomène encore plus difficile à combattre.