L’Algérie et l’IA : Le futur se construit aujourd’hui
En Algérie, le bourdonnement des conversations sur l’intelligence artificielle (IA) se fait de plus en plus entendre. Des campus universitaires aux salles de conférence, en passant par les bureaux du gouvernement, l’IA est sur toutes les lèvres. Et pour cause : cette technologie pourrait bien être la clé du développement économique dans les années à venir.
Pour comprendre les enjeux et les défis qui attendent le pays, nous avons rencontré Nazim Sini, économiste et consultant spécialisé dans le développement économique et industriel. Initiateur de la conférence « Algérie 2030« , il nous offre un éclairage et une analyse sur l’avenir de l’Algérie avec l’IA.
Où en est l’Algérie avec l’IA aujourd’hui ?
Dans un monde où l’intelligence artificielle (IA) devient un levier essentiel pour le développement économique et technologique. l’Algérie commence à tracer sa voie. « Le pays s’apprête à créer un Conseil scientifique de l’intelligence artificielle », nous apprend Nazim Sini. Cette instance aura pour mission de proposer une stratégie multisectorielle pour le développement de l’IA. C’est un signal fort envoyé au monde : l’Algérie veut jouer un rôle majeur dans cette révolution technologique.
Dans le domaine de l’éducation, la création de l’École nationale supérieure de l’intelligence artificielle marque une étape importante. « C’est un premier pas essentiel pour former nos propres experts en IA », souligne Nazim Sini. Cette école permettra à l’Algérie de développer un savoir-faire local en matière d’IA, plutôt que de dépendre de l’expertise étrangère.
Cependant, malgré ces initiatives prometteuses, des lacunes importantes persistent. « Nous manquons à l’heure actuelle de laboratoires de recherche en matière d’IA ainsi que d’acteurs économiques dédiés à son développement », déplore l’économiste. L’absence de centres de recherche performants ralentit le développement de cette technologie et empêche le pays d’innover localement.
De plus, le secteur privé tarde à s’investir pleinement dans l’IA, ce qui freine l’essor d’un véritable écosystème technologique en Algérie. Si les bases sont posées, il reste donc beaucoup à faire pour transformer ces ambitions en réalité.
L’IA, un accélérateur de la croissance économique pour l’Algérie ?
Si l’Algérie est encore en phase de structuration dans le domaine de l’IA. Le potentiel de cette technologie pour transformer son économie est immense. « Le domaine de l’éducation, de la santé, de l’agriculture, de la banque, de l’assurance, des transports, de l’industrie, mais aussi des télécoms devraient faire l’objet d’une adoption massive de l’IA », énumère Nazim Sini.
Ces secteurs, vitaux pour l’économie algérienne, pourraient connaître des gains significatifs en termes de productivité et d’efficacité grâce à l’introduction de l’IA. Par exemple, l’optimisation des chaînes de production industrielles, la personnalisation des services financiers ou encore l’amélioration des soins médicaux à travers le traitement des données ouvrent des perspectives de modernisation qui pourraient changer la donne.
40 % des emplois dans le monde sont exposés à l’automatisation via l’IA
Cependant, l’introduction massive de l’IA dans ces secteurs soulève des interrogations sur le marché du travail. Selon le FMI, près de 40 % des emplois dans le monde sont exposés à l’automatisation via l’IA. Nazim Sini nuance toutefois cette inquiétude : « Il ne s’agit pas nécessairement de suppressions d’emplois, mais plutôt d’une transformation profonde du marché du travail. »
L’expert compare cette révolution à celle provoquée par l’avènement du moteur à combustion au début du 20e siècle. Tout comme à cette époque, de nouveaux métiers apparaîtront, tandis que d’autres évolueront. Il insiste sur l’importance d’anticiper ces transformations pour minimiser l’impact social et économique, tout en capitalisant sur les opportunités offertes par l’IA.
Ce qui est encourageant, ajoute-t-il, c’est que « la sociologie et la structure de notre tissu économique, basées sur les rapports humains, ne seront pas balayées par l’IA. Pas sûr que l’IA puisse remplacer notre épicier, notre chauffeur de taxi ou notre banquier. »
Les défis pour une adoption réussie de l’IA
Pour que l’Algérie puisse réellement s’imposer sur la scène internationale dans le domaine de l’IA, des investissements massifs dans la recherche et le développement (R&D) sont indispensables. « Nous devons attirer les plus grandes compagnies qui travaillent sur l’IA et établir des partenariats solides », affirme Nazim Sini.
L’expert appelle également à mettre en place une feuille de route claire. Cela pour passer des expériences de laboratoire à des applications concrètes dans les secteurs public et privé. Sans cette démarche, l’Algérie risque de rester spectatrice de cette révolution, sans en tirer les bénéfices économiques espérés.
L’un des plus grands défis reste la formation du capital humain. La mise en place de l’École nationale supérieure de l’intelligence artificielle est un bon début, mais cela ne suffira pas. « Il faut prévoir des programmes de reconversion ou de formation pour les travailleurs les plus exposés », explique Nazim Sini.
Au-delà de la formation professionnelle, c’est tout le système éducatif qui doit être repensé. Il est impératif d’introduire des cursus liés à l’IA dès les premières années d’apprentissage pour préparer les générations futures aux métiers de demain.
L’Algérie devra donc non seulement former des spécialistes de l’IA, mais aussi adapter ses programmes pour que l’ensemble des citoyens soient à l’aise avec les technologies numériques.
Quelle Algérie en 2030 grâce à l’IA ?
En se projetant à l’horizon 2030, Nazim Sini imagine une Algérie transformée par l’IA. « L’IA pourrait avoir un apport conséquent dans le PIB nominal », déclare-t-il. Il envisage une Algérie où l’IA aura modernisé les services publics, boosté l’industrie et révolutionné le secteur bancaire.
Toutefois, il rappelle que cette transformation ne se fera pas sans effort. Les avancées de l’IA dépendent des investissements dans les infrastructures, des réformes économiques et de la capacité du pays à innover à grande échelle. « Pour réussir, nous devons relever de nombreux défis », prévient Nazim l’expert. Améliorer les infrastructures numériques, réformer le marché du travail, et accélérer la politique d’innovation sont autant de conditions sine qua non pour que l’Algérie puisse réussir sa transition vers l’ère de l’IA.
La course est lancée, et le pays a les moyens de ses ambitions. Mais pour transformer cette vision en réalité, l’Algérie devra faire preuve de détermination et de vision à long terme.