Algérie

Explosion des divorces en Algérie, de plus en plus de couples optent pour le contrat de mariage

Le contrat de mariage notarié a la cote en Algérie. La dégradation des conditions de vie, la baisse du pouvoir d’achat et surtout, la tendance au matérialisme font des notaires les adresses de prédilection des couples souhaitant se marier civilement. Ainsi, de plus en plus de couples ont recours à cette pratique pour assurer leurs intérêts économiques communs et singuliers. S’il profite aux deux parties, cet usage est essentiellement préconisé par les femmes, qui sont statistiquement les plus perdantes lors des séparations.

Quels sont donc les revers de l’acte de mariage signé chez le notaire ? Quels sont ses enjeux ? Et surtout, quelles seront les conséquences à venir d’une telle pratique en Algérie ?

Le contrat de mariage notarié, manque de confiance ou simple vigilance ?

Comme partout ailleurs, la situation conjugale se dégrade graduellement en Algérie. Nous sommes passés d’un taux de divorce très bas (quasi nul) à près de 100 000 séparations légales chaque année en l’espace de 50 ans.

Cette tendance à la séparation prend source dans l’émancipation féminine actuelle. En effet, les femmes sont beaucoup plus réticentes à l’idée de « supporter » les caprices de leurs maris, la négligence ou encore le traitement abusif ou violent. Celles qui jouissent d’un revenu stable n’hésitent plus à se défaire de leurs mariages peu heureux et à retourner au monde du célibat.

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Et si certaines ne franchissent pas le pas, elles assurent leurs arrières avec des contrats de mariage bien précis signés en présence d’un homme de loi. Plusieurs couples choisissent ainsi d’officier leur cérémonie civile au bureau de notaire, plus qu’à la mairie. I

l y est question d’enregistrer tous les biens matériels des deux époux à leurs noms respectifs (notamment ceux de la femme), pour éviter l’appropriation des biens de l’un ou l’autre en cas de divorce.

Protéger son patrimoine en cas de souci, une préoccupation de la femme algérienne moderne

La femme algérienne d’aujourd’hui travaille, commerce et gère des projets d’investissement multiples. Elle est amenée à posséder de grosses sommes, des biens immobiliers, des véhicules, des parts dans des sociétés…. Beaucoup d’entre elles cherchent ainsi une assurance que le fruit de leur dur labeur, récolté après des années de travail, n’ira pas dans la poche de l’ex-mari par ordre du tribunal en cas de séparation.

L’avènement des réseaux sociaux n’y est pas pour rien dans la popularisation du contrat de mariage. Selon Fadila Aichi, notaire, les revenus générés par les plateformes sociales comme TikTok ou YouTube sont souvent une raison suffisante pour penser à établir un contrat prénuptial.
La plupart des clauses inscrites dans ces dits contrats concernent la poursuite des études et de l’emploi, le logement dans une région particulière et la préservation des biens et acquisitions faits avant le mariage.

Des dédommagements post-rupture jugés insuffisants

Selon l’avocat à la cour d’Alger, Said Zahi, ce sont les compensations financières octroyées aux femmes divorcées qui poussent ces dernières à penser au mariage contractuel.

Bien fréquemment, le montant du dédommagement dont bénéficient les femmes est minime, et ne permet pas à ces dernières de s’assumer ni de compenser les efforts physiques et moraux déployés lors de la relation.

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Certaines doivent se retrouvent même à payer une somme en compensation à l’ex-mari pour avoir enclenché elles-mêmes la procédure de divorce, le « kholaa ». Selon Said Zahi, le montant des compensations doit être reconsidéré pour être plus en adéquation avec la situation économique réelle en Algérie.

Mariage contractuel, qu’en est-il des hommes ?

Si le contrat prénuptial est plus demandé par les femmes, il n’empêche que de plus en plus d’hommes sont convaincus par l’idée et décident d’avoir recours à l’alternative par eux-mêmes. La hausse des cas de fraude nuptiale, où une des deux parties se marie dans l’unique but d’extorquer des fonds ou des biens à l’autre, est la raison principale derrière ce changement.

Bien qu’il existe un système de partage des biens légal en Algérie, très peu de couples ont recours à cette solution, ou en entendent parler dès le départ. L’article 37 du code de la famille stipule clairement que les deux époux peuvent convenir, dans le contrat de mariage ou un contrat officiel ultérieur, des fonds qu’ils partageront en commun, au courant de leur vie conjugale.

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Les deux époux peuvent également conclure les proportions des biens matériels appartenant à chacun légalement. Ce système économique commun partage les biens de façon équitable et selon le bon vouloir de chacune des deux parties. Des limites claires sont ainsi établies, permettant de protéger les intérêts du couple dans son ensemble et dans sa singularité.

Malheureusement, ce système est très peu adopté dans notre société. Au-delà de ne pas être connu par beaucoup, plusieurs femmes hésitent à demander le partage des biens selon le système économique commun par honte. En l’absence de contrat signé au préalable, le partage des biens et des gardes en cas de décès, d’héritage ou de divorce suit les préceptes de la charia islamique.