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Premier League : Le « Yeeeaaaah » des supporteurs anglais est-il le bruit le plus satisfaisant ?

Le « yeeeeeaaaaah » est considéré comme une partie intégrante du patrimoine sonore britannique et est décrit comme étant une signature sonore très identifiable de la Premier League. Selon Laurent Cochini, le « yeaaaah » pourrait être un excellent ambassadeur sonore pour promouvoir l’émotion du football anglais.


Il n’y a pas beaucoup d’arguments incitant à passer les fêtes de fin d’année au Royaume-Uni. La météo est désastreuse. La gastronomie laisse à désirer, préférant un plat de croquettes pour chat. Quant au football, il est idéal pour ceux qui souhaitent faire une bonne sieste devant le derby West Ham-Fulham. La Premier League, hormis lorsque Rayan Cherki est sur le terrain, ne suscite plus d’excitation.

Même les rencontres prévues lors du Boxing Day, comme le Liverpool-Arsenal de 2023, sont souvent ennuyeuses. Cependant, nos rivaux peuvent toujours se vanter d’un point fort : un son puissant et joyeux qui retentit dans les stades anglais chaque fois qu’un but est marqué. Un « yeeeeeeeaaaaah » (ou « yeeeeees », selon les préférences) qui découle d’un mécanisme bien rodé :

– Un murmure qui s’intensifie à mesure que le ballon se rapproche des buts, accompagné de spectateurs qui se lèvent.
– Un bref silence après le tir, avant que le ballon ne pénètre dans les filets.
– Une explosion de joie où tout le monde pousse le même cri, ce « yeeeeaaaaah » typiquement anglais.

**Une forme de « jouissance collective »**

Là où les Latins célèbrent les buts de manière plus sauvage, avec des sons variés, les Britanniques s’expriment à l’unisson par ce même mot qui rompt le silence ambiant. « En Angleterre, il n’y a pas ou peu de kops d’où va sortir toute l’ambiance du stade, analyse Florent Sinama-Pongolle, ancien joueur de Liverpool et consultant sur Canal+. Il y a vraiment des passionnés où tout le stade s’enflamme dans l’euphorie avec ce cri qui émerge. »

Laurent Cochini, directeur général de Sixième Son, agence d’identité sonore ayant collaboré avec la Ligue 1, Roland-Garros ou le Barça, estime que « le fait qu’il n’y ait pas d’ambiance, ça ressort plus. Le « yeaaah » est universel. Dans n’importe quel pays, on peut le capter. Il nous parvient tel quel, brut de décoffrage, sans besoin de traduire ou d’analyser. C’est une sorte de jouissance collective, quelque chose de très premier degré et intuitif. »

**Le buteur presque sourd à ce son brut**

Cette puissance est amplifiée par l’acoustique des stades anglais, bien isolés et fermés, qui fonctionnent comme des caisses de résonance. « Tout le monde est sur la même note, sur le même son. L’unisson est ce qui rend parfois les chœurs d’une puissance incroyable dans les opéras ou les comédies musicales, reprend le DG. Il y a une démultiplication de la puissance et de l’émotion qui l’accompagne. Et là, en plus, nous somme sur une émotion positive. C’est satisfaisant parce que la voix humaine est ce qui touche le plus les gens. »

En ajoutant à cela des micros bien placés par les diffuseurs, on a l’impression, devant sa télévision, de voir un public britannique euphorique envahir notre salon. Cependant, qu’en est-il du buteur qui entend 30, 40, 50 ou 60.000 personnes chanter grâce à lui ? Florent Sinama-Pongolle, ayant inscrit neuf buts avec les Reds, répond :

« Marquer à Anfield, c’est vraiment quelque chose, parce qu’il y a une atmosphère, une histoire. Mais lorsqu’on est joueur, on est tellement habitué à avoir des filtres qu’on omet un peu le bruit de la foule. Quand tu marques et que ça part, l’euphorie est déjà là, c’est très singulier et individuel. En Angleterre, je suis plus conscient du moment où l’encouragement explose quand tu es dans un moment fort. Cette énergie qui descend des tribunes pour arriver sur le terrain, je la ressentais énormément. »

**La véritable identité sonore de l’Angleterre ?**

Maintenant qu’il a changé de côté, celui qui a également joué à l’Atlético de Madrid ou à Saint-Étienne admet que le « yeeeeaaaaaah » fait partie du patrimoine anglais, de la même manière que le « man on » que le public lance à l’unisson lorsqu’un joueur se glisse derrière le porteur du ballon, ou le « shoooooooot » quand un milieu de terrain dispose d’un tir libre à 30-35 mètres des buts.

« Ce « yeeeeaaaaaaah » possède une forte personnalité, unique et très émergente, explique Laurent Cochini. C’est pratiquement la signature sonore de la Premier League, facilement identifiable avec ce championnat. Pour faire la promotion de l’émotion du football anglais, ce serait un super ambassadeur sonore. » Cochini sait de quoi il parle, lui et son équipe de Sixième Son ayant créé l’identité sonore de la nouvelle chaîne Ligue 1 +.

Pour cela, ils ont opté pour un bruit de tambour présent dans tous les virages de France, associé au principe rythmique du Boléro de Ravel, la musique française la plus écoutée dans le monde chaque année. « En France, on n’avait pas de son unique de stade, alors qu’en Angleterre ils l’ont avec ce « yeeeeaaaah », conclut Laurent Cochini. Si nous avions été anglais, nous aurions peut-être fait de même. » Si la Premier League souhaite une nouvelle identité sonore et s’inspirer des idées françaises, elle sait où chercher. La France influence l’Angleterre, et l’Angleterre influence le monde.