Au Nigeria, les frappes américaines « à la Hollywood » sont « publicitaires »
Les Etats-Unis ont annoncé avoir frappé le nord-ouest du Nigeria ce jeudi, ciblant des combattants islamistes. Selon des analystes, les frappes sur des cibles djihadistes n’ont jamais permis de mettre un terme à l’idéologie portée par ces groupes.
Pas de trêve à Noël pour les djihadistes du Nigeria. Les États-Unis ont annoncé avoir frappé, ce jeudi, le nord-ouest du pays, ciblant des combattants islamistes. « JOYEUX NOËL à tous, y compris aux terroristes morts, qui seront encore plus nombreux si leur massacre des chrétiens se poursuit », s’est vanté Donald Trump sur son réseau Truth Social.
François Gaulme, chercheur associé au centre Afrique de l’Institut français des relations internationales (Ifri), qualifie cette opération de « communication simpliste et populiste, typique » du président américain. Le choix de la date, un 25 décembre, est hautement symbolique. Thierry Vircoulon, coordinateur de l’Observatoire pour l’Afrique centrale et australe de l’Ifri, note que « le faire un 25 décembre permet de faire parler de lui à Noël ».
Ces frappes, réalisées avec l’aval de Lagos, visent avant tout à séduire l’électorat trumpiste aux États-Unis, en particulier les fondamentalistes chrétiens. Lors de sa campagne présidentielle, Donald Trump avait déjà mis l’accent sur la religion chrétienne, se donnant des airs messianiques, surtout après une tentative d’assassinat. Depuis son retour à la Maison-Blanche, il continue d’axer sa communication sur la religion.
Il a menacé à plusieurs reprises les djihadistes du Nigeria, qui, selon lui, ciblent les catholiques locaux. « Il fait du populisme pour pouvoir dire « le jour de Noël, j’ai tué des islamistes, je suis sans pitié, formidable, efficace », » résume François Gaulme. Ce dernier souligne que « les groupes djihadistes tuent plus de musulmans que de catholiques », en référence à la dernière attaque qui a causé au moins cinq morts dans une mosquée de Maiduguri, au nord-est du pays.
Un écart de discours apparaît entre les autorités nigérianes et les déclarations américaines. Donald Trump affirme que le missile tiré depuis un navire de guerre américain visait des groupes islamistes menaçant les catholiques. « Je les ai prévenus », affirme-t-il, évoquant une « menace existentielle » de l’ordre d’un « génocide ». Toutefois, pour Yusuf Tuggar, le ministre nigérian des Affaires étrangères, la lutte contre le terrorisme ne doit pas être influencée par la religion des victimes, qu’elles soient musulmanes ou chrétiennes.
Le gouvernement nigérian et des analystes indépendants rejettent l’idée de persécution religieuse, un concept longtemps utilisé par la droite chrétienne américaine. François Gaulme avertit que cette vision pourrait être « dangereuse », en exacerbant les tensions existantes entre chrétiens et musulmans dans le pays.
« Donald Trump, c’est la politique étrangère selon Hollywood, purement cinématographique, il faut que ça pète, que ça fasse boom », déclare Thierry Vircoulon. Une vidéo d’une dizaine de secondes a été diffusée par le ministère américain de la Défense, montrant le lancement nocturne du missile.
Le détail des victimes de la frappe n’est pas encore connu. Cette attaque pourrait finalement manquer d’efficacité, car les principales forces djihadistes au Nigeria, incluant Boko Haram et l’État islamique, se concentrent au nord-est, alors que les frappes ont touché le nord-ouest. « Ils ne savent pas trop ce qu’ils visent et il est possible qu’ils n’aient rien touché », avance Thierry Vircoulon.
Par ailleurs, les frappes sur des cibles djihadistes n’ont jamais mis fin à l’idéologie de ces groupes. En Afghanistan, au Yémen, en Somalie, « cela fait une dizaine d’années que les Américains bombardent et on voit bien le résultat. Ces frappes sont très faibles tant sur les plans sécuritaire que politique, elles sont essentiellement publicitaires », souligne le chercheur. D’autres opérations similaires pourraient être envisagées, selon le Nigeria.

