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Crise au Venezuela : opérations des États-Unis contre navires vénézuéliens, que cachent-elles ?

Donald Trump a mis en place un blocus maritime qui a été critiqué pour sa légalité du point de vue du droit international. Selon Thomas Posado, le Venezuela a déjà perdu près de 7 à 8 millions de Vénézuéliens, ce qui représente un quart de sa population nationale.


La question qui se pose actuellement est de savoir jusqu’où les États-Unis pourraient aller dans leurs pressions et intimidations sur le régime vénézuélien, sur Nicolas Maduro et sur le Venezuela en général.

Thomas Posado déclare : « C’est difficile de prévoir jusqu’où ils vont aller, parce que Donald Trump est proprement imprévisible. Il commence une lutte contre le narcotrafic, qui se poursuit avec des menaces militaires, il en vient à un blocus aérien, puis un blocus maritime. Ce sont des méthodes qui ne sont plus utilisées depuis des décennies. Début du 20e ou fin 19e siècle, on utilisait ce type de méthode pour soumettre des régimes. »

Il ajoute : « Mais il avance dans des directions contradictoires. Il émet des menaces très offensives, puis il revient à un appel à des négociations le jour même. Donc c’est assez difficile à prévoir. »

Concernant le blocus maritime, Posado souligne qu’il est difficile de le prédire, car il est clairement illégal au regard du droit international et des lois américaines. « Mais Donald Trump transgresse même les règles qu’il a établies lui-même trois jours auparavant, lorsque le premier navire a été arrêté ; quelques jours plus tard, une règle a été instaurée selon laquelle ce sont le pétrole sous sanction et les pétroliers sous sanction qui sont ciblés. Cependant, samedi dernier, le deuxième pétrolier saisi n’était pas sous sanction ni ne transportait du pétrole sous sanction. »

Il conclut : « On a donc du mal à voir la logique, si ce n’est asphyxier le Venezuela et parvenir à un changement de régime à Caracas. »

Par ailleurs, la stratégie américaine de retour à ce qu’on appelle la doctrine Monroe, qui représente une forme de contrôle sur l’Amérique du Sud, est évoquée.

Posado déclare : « Oui, tout à fait. La Maison-Blanche a même publié une doctrine de sécurité nationale dans laquelle est détaillé un corollaire Trump à la doctrine Monroe. Il s’agit donc d’une claire référence au corollaire Roosevelt à la doctrine Monroe au début du XXe siècle. À l’époque, les États-Unis avaient une pratique très agressive et impérialiste d’occupation de certains États, comme en témoigne le vol, pour le dire simplement, de l’indépendance de Cuba, ou le soutien à la sécession du Panama pour s’approprier la zone du futur Canal. C’est donc un retour à cette époque. »

Il souligne la différence actuelle : « La grande différence est qu’à l’époque, les États-Unis étaient une puissance ascendante en quête de nouveaux débouchés, devenant la première puissance industrielle mondiale. Aujourd’hui, c’est une puissance en déclin, dépassée par la Chine dans le commerce avec la plupart des États latino-américains. Tous les coups de pression militaires ne changeront pas la réalité économique : le volume commercial des États-Unis est nettement inférieur à celui de la Chine. »

Posado évoque également la volonté des États-Unis de reprendre par la force des marchés perdus, mais prévient que cela n’est pas certain. Nicolas Maduro est perçu comme une victime idéale aux yeux de Trump, en raison de la haine d’une partie de son propre gouvernement, notamment Marco Rubio, lié à l’électorat ‘latino-antisocialiste’ de Floride.

Il souligne en outre que Maduro a des liens étroits avec Xi Jinping et Vladimir Poutine, ce qui pourrait inciter les États-Unis à faire un exemple de ce qu’ils sont capables de faire. « De plus, le Venezuela sort d’une décennie de crise, ce qui le rend nettement affaibli, notamment à cause des mesures prises par Trump. C’est la population qui souffre des actions que Trump a menées pendant son premier mandat et qu’il continue de prendre aujourd’hui. »

Concernant l’attitude des différents pays de la région face à cette crise, Posado affirme que les opinions sur le Venezuela varient énormément en fonction des gouvernements latino-américains et de leur orientation politique. Les gouvernements de droite tendent à instrumentalisent le cas du Venezuela comme un épouvantail dans leur politique interne et affichent une hostilité marquée envers Maduro, tandis que les gouvernements de gauche prônent souvent un dialogue et une conciliation pour parvenir à une solution politique.

De plus, il note qu’actuellement, des gouvernements de droite comme Javier Milei en Argentine et Najib Bukele au Salvador soutiennent les interventions des États-Unis. Cela contraste avec 2019 lorsque l’auto-proclamation de l’opposant Juan Guaido n’avait pas reçu le soutien des gouvernements d’extrême droite au Brésil ou d’une droite dure en Colombie, qui craignaient des conséquences pour leurs propres pays.

Aujourd’hui, des gouvernements de gauche, tels que celui de Gustavo Petro en Colombie, de Lula au Brésil ou de Claudia Sheinbaum au Mexique, se montrent favorables aux négociations et avertissent que les conséquences d’une intervention pourraient être catastrophiques pour la région, tout en dénonçant la dérive autoritaire de Maduro et les fraudes électorales lors des élections de 2024.

En ce qui concerne les conséquences immédiates et à moyen terme pour les pays d’Amérique latine, Posado déclare : « Si une intervention militaire a lieu ou si l’économie vénézuélienne s’effondre, cela entraînerait surtout une nouvelle vague migratoire. Le Venezuela a déjà perdu près de 7 à 8 millions de Vénézuéliens, soit un quart de sa population nationale. Parmi eux, 3 millions se trouvent déjà en Colombie. Je vous laisse imaginer ce qui se passerait en Colombie en cas de bombardements sur des sites militaires qui sont ancrés dans la population vénézuélienne. »

Il conclut en évoquant les conséquences économiques : « Si l’économie est asphyxiée et que le taux de pauvreté atteint 90 %, comme en 2020, cela aurait des conséquences dramatiques pour les pays voisins et, bien sûr, pour le Venezuela lui-même. »