Tunisie

Les Tunisiens de l’étranger ne souhaitent pas investir à cause de cinq obstacles.

Un diagnostic sur les attentes des expatriés tunisiens a été dévoilé mardi à Tunis. Selon l’enquête, 59% des expatriés écartent définitivement l’hypothèse d’un retour, tandis que 20% affichent une volonté ferme de rentrer.


Un diagnostic inédit sur les attentes des expatriés tunisiens a été présenté mardi à Tunis. Ce projet, financé par l’Union européenne et piloté par l’OFII dans le cadre du programme THAMM, dresse le portrait d’une communauté tiraillée entre un attachement à leur pays d’origine et des réticences face aux réalités locales.

Les résultats, présentés par Nabil Belaam, directeur général d’Emrhod Consulting, lors d’une rencontre organisée par l’ATUGE, reposent sur un protocole d’enquête rigoureux. La collecte de données a été réalisée par le biais de sessions collectives préparatoires, de questionnaires numériques et d’interviews téléphoniques auprès de 1 041 Tunisiens vivant à l’étranger. Le constat chiffré révèle une diaspora indécise : 59 % des expatriés excluent définitivement l’idée d’un retour. 20 % affichent une volonté ferme de rentrer, tandis que 21 % restent dans l’attente, sans calendrier déterminé. Parmi les candidats au retour, 24 % envisagent de lancer une activité économique, 21 % prévoient d’y passer une retraite active, mais c’est la dimension familiale qui domine, avec 34 % des intentions.

**Le poids des liens familiaux intergénérationnels**
Trois facteurs psychologiques expliquent le désir de retour. La famille est en première position, avec une dimension transgénérationnelle : accompagner des parents âgés, préserver l’unité du couple, mais surtout ancrer les enfants dans leur héritage culturel tunisien, face aux influences des sociétés occidentales d’accueil. Le retour à la retraite est la deuxième motivation, avec une spécificité générationnelle mise en avant par l’enquête. Contrairement à leurs aînés, les Tunisiens atteignant aujourd’hui l’âge de la retraite entre 60 et 67 ans ne considèrent pas cette période comme une phase d’inactivité. Cette aspiration coïncide souvent avec des ambitions entrepreneuriales, formant ainsi un troisième moteur du retour. Cette combinaison retraite-investissement signalerait un changement par rapport aux migrations passives d’autrefois, justifiant, selon l’expert, la nécessité de renouveler régulièrement ce type d’études.

**Cinq obstacles à la réinstallation**
Face à ces aspirations, des résistances concrètes se dressent. L’inertie du marché de l’emploi national est le premier frein pour les salariés expatriés, qui ont été formés à des carrières structurées et ne trouvent pas d’équivalents garantissant une continuité professionnelle. Ensuite, les aspirants entrepreneurs se heurtent au manque de clarté sur les opportunités d’affaires et au déficit de projets clairement identifiables. Le parcours administratif se révèle également compliqué, imposant aux porteurs de projets des démarches bureaucratiques difficiles pour obtenir les autorisations et certifications nécessaires. De plus, la pression fiscale, jugée dissuasive, alourdit encore la situation pour ceux souhaitant créer une activité. Enfin, le décalage en matière de qualité de vie fait fuir les expatriés, habitués aux standards d’infrastructures européens en éducation, santé et mobilité, qui perçoivent un écart important par rapport à la réalité tunisienne. L’enquête met également en avant la diversité des projets d’investissement envisagés, allant de l’agriculture aux technologies, de la transformation agroalimentaire aux énergies, sans domaine privilégié.

**Six leviers stratégiques pour inverser la tendance**
Ces constatations donnent lieu à six pistes d’action prioritaires. La première est de revitaliser l’attractivité économique en facilitant l’accès aux marchés prometteurs, en fluidifiant l’écosystème entrepreneurial et en libéralisant le crédit avec des taux bonifiés et un cadre fiscal repensé. La deuxième urgence consiste à rehausser le niveau de vie à travers des investissements significatifs dans les systèmes de santé, d’éducation, de transport et de sécurité, tout en assouplissant le marché du travail. La troisième priorité porte sur une numérisation massive de l’administration. Les expatriés, familiarisés avec des services dématérialisés accessibles en quelques clics, réclament la fin du tout-papier, un allègement procédural ainsi qu’une assouplissement des réglementations bancaires pour les mouvements de capitaux transfrontaliers. Le quatrième axe concerne la sécurisation de la protection sociale par le biais de conventions bilatérales permettant la portabilité des pensions et une flexibilité entre les systèmes de différents pays. Enfin, la cinquième dimension est d’assurer la stabilité institutionnelle en renforçant la clarté des politiques économiques et la transparence des institutions, condition essentielle pour regagner la confiance de la diaspora.