Pourquoi Donald Trump veut-il acheter le Groenland ?
Donald Trump a déclaré que les Etats-Unis ont « besoin » du Groenland pour assurer leur « sécurité nationale » face à la Chine et à la Russie. Selon Bertrand Badie, le Groenland est recouvert à 80 % de glace, et « la prospection et l’exploitation seraient très coûteuses, voire pas rentables, en plus d’être extrêmement dangereuses sur un plan environnemental et écologique ».
Donald Trump reste ferme sur sa position. Le président des États-Unis souhaite acquérir le Groenland et le fait régulièrement savoir. Il a réaffirmé lundi que les États-Unis ont « besoin » de ce territoire autonome danois pour garantir leur « sécurité nationale » face à la Chine et à la Russie.
Ces déclarations surviennent après l’annonce par le président américain de la nomination d’un envoyé spécial pour ce vaste territoire. Pourquoi un tel intérêt pour cette grande étendue recouverte à 80 % de glace ? Les raisons sont multiples : économiques, géostratégiques, politiques.
### Une mine de terres rares… mais pas forcément rentable
Donald Trump a encore insisté ce mardi sur sa politique « America First », qui cherche à renforcer l’économie du pays et, du moins dans le discours, à protéger les finances américaines. Cela se traduit par des droits de douane élevés sur divers produits importés.
Le Groenland regorge de terres rares et offre « de nombreux espaces potentiels de forage », qui ne sont cependant que peu ou pas exploités, explique Bertrand Badie, professeur émérite à Sciences Po Paris et spécialiste des relations internationales. Pour le président américain, cela représente une opportunité précieuse. De plus, une loi votée en 2021 interdit l’extraction d’uranium au Groenland. L’annexion de ce territoire permettrait à Donald Trump de lever cette interdiction et de concrétiser son slogan « Drill, baby, drill » (« Fore, chéri, fore »).
Cependant, cette ambition semble ignorer les réalités sur le terrain. Si ces ressources ne sont pas exploitées, c’est pour de bonnes raisons. Le Groenland étant majoritairement recouvert de glace, « la prospection et l’exploitation seraient très coûteuses, voire non rentables, en plus d’être extrêmement dangereuses sur le plan environnemental et écologique », soutient Bertrand Badie. L’attitude de Donald Trump démontre alors « une nouvelle fois son appétit et sa désinvolture à l’égard des grands paramètres écologiques », ajoute-t-il.
### Un cadeau pour les MAGA
La planète ? Peu importe pour Donald Trump tant qu’il parvient à séduire sa base électorale et ses alliés de l’extrême droite américaine. « Contrairement à son premier mandat, l’administration Trump 2 s’est radicalisée et rapprochée de l’extrême droite américaine, ayant pour objectif de instaurer un régime semi-autoritaire », explique Romuald Sciora, chercheur associé à l’Iris et directeur de l’Observatoire politique et géostratégique des États-Unis de l’Iris.
L’extension du territoire est donc aussi une manière de répondre aux attentes de ses électeurs : « réaffirmer le pouvoir domestique et rapporter des succès sur la scène intérieure », souligne Romuald Sciora. Dans ce contexte, « la prise du Groenland représenterait un triomphe sans précédent pour les électeurs MAGA [Make America Great Again] car il s’agirait de la première extension du territoire depuis des décennies », ajoute-t-il.
Donald Trump est donc motivé par une ambition économique mais également « purement nationaliste d’agrandir le territoire américain et de redessiner la carte du monde », complète Bertrand Badie. Cela s’inscrit dans une volonté de faire évoluer sa marque en élargissant le territoire nord-américain, comme l’a déjà montré avec son expression pour le Golfe du Mexique rebaptisé « Golfe d’Amérique » ou son fantasme d’un Canada devenant le 51e État.
### Un enjeu géostratégique soutenu par un argument « massue »
Donald Trump n’hésite pas à mettre à mal les alliés traditionnels des États-Unis, que ce soit dans le cadre du dossier ukrainien ou des échanges commerciaux. En visant un territoire autonome danois, membre de l’Otan, il remet en question les traités internationaux, dont l’alliance transatlantique, et « démontre son ascendant sur l’Europe », met en avant Bertrand Badie.
Les États-Unis possèdent une base militaire aérienne, la base spatiale de Pituffik, renforcée en 1951 dans le cadre de l’Otan, qui est « un point nodal de la défense aérienne de l’espace otanien et un trait d’union entre les continents américain et européen », précise le professeur émérite. Cela ne suffit cependant pas pour Donald Trump, qui affirme que le Groenland n’est pas « protégé militairement » et qu’il risque des attaques russes ou chinoises.
D’où l’« argument massue de la sécurité nationale, un argument vieux comme le monde », rappelle Bertrand Badie. Ce dernier permet à un État de justifier tout et n’importe quoi tant qu’il prétend agir pour sa propre sécurité, un principe qui structure la compétition et les relations entre États souverains, comme l’avait théorisé Thomas Hobbes au XVIIe siècle. Cet argument a été évoqué par Adolf Hitler pour justifier l’invasion des Sudètes, par Vladimir Poutine pour l’agression de l’Ukraine ou par des militaires de divers pays africains pour prendre le pouvoir par la force. « Tout le monde l’a utilisé, c’est un discours qui ne vaut rien en termes juridiques mais qui sert de joker quand on n’a plus d’arguments », conclut Bertrand Badie.

