France

Lyon : Inès, 24 ans, expulsée en trêve hivernale, accouche dans deux mois

Le 19 novembre, un huissier a informé Inès qu’elle avait deux jours pour quitter son appartement. Inès et son partenaire ont soumis une demande de logement social d’urgence, après avoir été expulsés et considérés comme des « squatteurs ».


« Le 19 novembre, un huissier a frappé à notre porte pour nous annoncer que nous avions deux jours pour quitter notre appartement. » Un mois après, Inès*, 24 ans, est toujours dans l’incompréhension. Cette jeune femme, originaire de la région lyonnaise, a été expulsée du logement qu’elle occupait avec son compagnon depuis un an. « Nous avons toujours payé nos loyers et nos factures en temps et en heure depuis notre emménagement », précise-t-elle, preuve à l’appui.

Inès et son compagnon ont été victimes d’une arnaque d’un « marchand de sommeil ». À l’automne dernier, après plusieurs mois de recherche, ils ont trouvé une annonce sur Le Bon Coin. Après une première visite, où ils pensaient avoir rencontré le propriétaire, ils ont décidé de soumettre leur dossier.

« Nous avons toujours vécu chez nos parents, là c’était notre premier « chez nous », raconte la jeune femme, désemparée. Le marché locatif à Lyon étant difficile, nous avons eu du mal à trouver quelque chose même tous les deux en CDI. Après plusieurs refus, ce propriétaire nous a acceptés. Même si le logement ne remplissait pas tous nos critères, nous avons pensé que cela irait pour débuter notre vie à deux. »

Inès indique qu’après son installation, elle n’a plus communiqué avec l’homme qu’elle croyait être le propriétaire. « Il n’a jamais répondu à nos demandes pour réparer un volet cassé, par exemple. Et quand nous avons essayé de le joindre après le passage de l’huissier, il n’a plus donné signe de vie », déclare-t-elle.

Le mois dernier, Inès et son compagnon ont découvert qu’ils étaient considérés comme des « squatteurs », ce qui justifie leur expulsion pendant la trêve hivernale, période qui s’étend du 1er novembre au 31 mars de l’année suivante. « L’huissier nous a dit qu’un jugement avait eu lieu en juin. La procédure avait été engagée par la véritable propriétaire contre ses derniers locataires légaux, explique-t-elle. Ils ne payaient plus rien depuis quatre ans. Les enquêteurs ont conclu que, depuis tout ce temps, il n’y avait eu que des sous-locations. » Le nom de ces personnes figurait en premier sur l’avis d’expulsion.

Quarante-huit heures après avoir été informés, le couple a dû quitter leur appartement. « Nous n’avions pas d’autre choix que de retourner chez nos parents car nous étions sans solution de relogement. En plus, nous avons dû chercher en urgence un box à louer pour y ranger nos affaires car c’était un non-meublé », confie-t-elle. Elle ajoute : « Personne ne nous a soutenus face à cette injustice. Nous avons dépensé 890 euros chaque mois, pendant un an, en vain. Nous avons perdu temps et argent, ainsi que l’idée d’une vie de famille tranquille qui s’annonçait… » Inès regrette de n’avoir pas été « protégée » alors qu’elle, comme la « vraie propriétaire », est « complètement victime ».

« Nous avons déposé plainte, mais c’est tout ce que nous pouvons faire », s’exclame-t-elle. Une commissaire de justice de Lyon, interrogée par *20 Minutes*, confirme la difficulté du recours dans ce genre de situation. « La « sous-locataire » n’a pas de recours contre le propriétaire bailleur, puisque la décision d’expulsion implique systématiquement l’expulsion du locataire et de « tout occupant de son chef » », explique la professionnelle. « Elle pourrait éventuellement se retourner contre le locataire principal », précise-t-elle, mais ces derniers sont « introuvables » selon les informations fournies aux enquêteurs.

« Je me retrouve séparée physiquement du père de mon bébé », déclare Inès. Malgré son impasse, elle ne compte « pas en rester là ». « Je ne comprends pas comment il est possible de louer un appartement sans être propriétaire et de s’en sortir aussi bien, s’insurge-t-elle. Je sais que je ne suis pas la première ni la dernière à vivre cela, compte tenu des difficultés à trouver un logement à Lyon. C’est pour cela que je veux partager mon histoire et faire tout ce que je peux pour que justice soit faite. »

Elle ajoute : « Je le vis très mal. Je suis à la rue alors que je suis en règle. Surtout, je suis enceinte et je vais accoucher dans deux mois. Je devrais être en train de préparer la chambre de mon enfant, et au lieu de cela, je retourne chez mes parents, séparée physiquement du père de mon bébé. » Inès et son compagnon ont déposé une demande de logement social d’urgence.

*Le prénom a été modifié à la demande de la personne interviewée.*