Budget fédéral pour l’aide alimentaire réduit d’un tiers en 2026 : « On est très inquiets »
En 2026, le budget fédéral pour l’aide alimentaire va passer de 27 à 15 millions. Selon Brigitte Grisar de la Fédération des Services sociaux, « on est passé de 300.000 à 600.000 bénéficiaires d’aide alimentaire en 10 ans ».
En 2026, le budget fédéral alloué à l’aide alimentaire va diminuer, passant de 27 à 15 millions d’euros. À quelques jours de la nouvelle année, les acteurs du terrain expriment leurs inquiétudes concernant l’impact de cette réduction sur les colis alimentaires qu’ils pourront proposer à leurs bénéficiaires. Avec les premières exclusions du chômage qui entreront en vigueur dès le 1er janvier, ils redoutent également une augmentation significative des demandes de colis alimentaires. « On présuppose une catastrophe », met en garde Brigitte Grisar, coordinatrice de la concertation aide alimentaire à la Fédération des Services Sociaux.
Moins de produits « secs » dans les colis
Mais que signifie cette situation ? La Belgique reçoit de l’Union européenne l’équivalent de 10 millions d’euros de denrées alimentaires à « longue conservation », qui sont ensuite distribuées par des associations sous forme de colis alimentaires. Pour bénéficier de cette aide européenne, le gouvernement fédéral doit débourser une certaine somme pour acheter davantage de « produits secs », et c’est ce montant qui sera réduit à 5 millions d’euros.
« Ce sont des pâtes, du riz, des conserves de tomate, du lait, de l’huile », détaille Brigitte Grisar. « Concrètement, cela représente environ 40% d’un colis alimentaire. Parallèlement, l’association ou l’organisme va également récolter d’autres produits, principalement via les invendus des magasins », ajoute-t-elle.
Ils ont enlevé tous les ‘petits plaisirs’
La conséquence de cette réduction budgétaire est que les associations recevront moins de « produits secs » pour leurs colis, et surtout une moindre diversité. Sophie Messin, coordinatrice d’une épicerie solidaire à Schaerbeek, a fait ses calculs et précise qu’elle recevra « l’équivalent de 80% des produits reçus l’année dernière. Par exemple, on recevra moins d’huile ». Elle souligne également que certains produits disparaîtront complètement. « Tout ce qui est ‘petits plaisirs’, comme les compotes pour enfant, les biscuits, le thé. Ils ont même supprimé la farine », explique-t-elle.
Qu’est-ce qui justifie cette diminution du budget ? Le service de presse de la ministre de l’Intégration sociale, Anneleen Van Bossuyt (N-VA), explique que « le gouvernement précédent avait décidé d’augmenter temporairement et de manière significative la contribution fédérale en 2021 dans un contexte de crise du coronavirus […] même si cela relève en réalité de la responsabilité des autorités locales et régionales. » Ainsi, le gouvernement fédéral actuel met fin à cette aide ‘exceptionnelle’ dès le 1er janvier 2026, revenant à la situation antérieure, tout en précisant le « contexte budgétaire actuel ».
On craint un tsunami social
Cependant, les acteurs de terrain sont perplexes face à ce retour en arrière, surtout dans le contexte social actuel. « On est passé de 300.000 à 600.000 bénéficiaires d’aide alimentaire en 10 ans », fait remarquer Brigitte Grisar de la Fédération des Services sociaux. « De plus, la restriction des allocations de chômage en 2026 va inévitablement augmenter le nombre de demandes. On craint un tsunami social. Nous sommes très inquiets », ajoute-t-elle.
Moins d’invendus
Le secteur de l’aide alimentaire subit également des tensions ces dernières années, particulièrement à Bruxelles. Les invendus, qui constituent une source importante de soutien pour les associations, ne sont plus aussi nombreux.
« On constate une diminution de la quantité d’invendus », souligne Romain Alaerts, coordinateur de l’ASBL Loco, qui aide les entreprises alimentaires à gérer leur surplus. Pourquoi cette tendance ? « D’abord, à cause de la multiplication d’acteurs privés qui reçoivent des invendus pour les vendre ensuite à prix réduits », note-t-il. Il ajoute que « le coût des denrées alimentaires a augmenté depuis le début de la guerre en Ukraine, et les supermarchés font davantage attention à leur gestion de stock ».
Une analyse que partage Alice Berwart, chargée de projet à l’association de récupération alimentaire bruxelloise Nojavel. Elle précise toutefois que « beaucoup d’invendus ne sont pas captables, et dans ce contexte, associations et acteurs privés se disputent les miettes ». Ce qui est sûr, selon Alice Berwart, c’est que « de plus en plus de personnes viennent nous demander de l’aide alimentaire. Et il y a beaucoup de personnes à qui nous sommes déjà contraints de dire non. »
Plus de précarité, moins de nourriture ?
Le directeur des Restos du Coeur de Liège, Bob Balbourg, fait également remarquer que le profil des bénéficiaires a évolué. « Il y a dix ans, c’était plutôt un homme isolé de 40 ans à la rue qui bénéficiait des Restos du Cœur de Liège. Aujourd’hui, nous faisons face à des étudiants, des familles monoparentales avec des revenus, des personnes aux revenus faibles. Bref, des personnes qui ne pensaient pas demander de l’aide dans des situations de précarité », explique-t-il.
Le secteur s’appuie sur d’autres formes d’assistance en plus de celles apportées par le gouvernement fédéral, notamment des dons privés. Toutefois, cela ne suffira pas à apaiser l’inquiétude des acteurs de terrain. Sophie Messin, coordinatrice de l’épicerie sociale Episol, s’interroge également sur l’avenir, d’autant plus que son ASBL a récemment perdu un financement du CPAS de Schaerbeek. Elle se dit néanmoins « dans l’attente » car, comme elle le dit, « je suis persuadée que nous devrons trouver une solution. Car nous parlons tout de même de quelque chose de fondamental : la nourriture. »

