France

Nicolas Sarkozy en Guadeloupe malgré son contrôle judiciaire : pourquoi ?

Depuis le 19 décembre, Nicolas Sarkozy est en Guadeloupe avec Carla Bruni et leur fille Giulia. Selon l’arrêt de la cour, Nicolas Sarkozy a été placé sous contrôle judiciaire et ne doit pas sortir du territoire national, toutefois, la Guadeloupe faisant partie de la France, il a le droit de s’y rendre.

De Journal d’un prisonnier à un carnet de vacances. Depuis le 19 décembre, Nicolas Sarkozy passe quelques jours en Guadeloupe avec Carla Bruni et leur fille Giulia, comme le montrent des publications sur les réseaux sociaux, confirmées par nos collègues d’Outre-Mer la 1re. Cette situation n’étonne guère de nombreux touristes en quête de soleil et de chaleur à cette période de l’année.

Cependant, ces photos ont choqué de nombreux internautes qui s’indignent de la présence de l’ancien président si loin du tribunal de Paris et de la prison de la Santé, où il a purgé 21 jours après sa condamnation à cinq ans de prison ferme pour association de malfaiteurs dans l’affaire du financement libyen de sa campagne de 2007. Une condamnation pour laquelle il a fait appel. Selon plusieurs sources, Nicolas Sarkozy aurait même bénéficié d’une « autorisation exceptionnelle » pour ces vacances.

Interdiction de quitter le territoire national

Cela suscite autant d’indignation… que cette affirmation est erronée. Selon l’arrêt de la cour, Nicolas Sarkozy est sous contrôle judiciaire selon l’article 138 du code de procédure pénale, qui définit plusieurs obligations pouvant être imposées par le juge à l’encontre d’une personne mise en examen ou d’un prévenu. Ludovic Friat, président de l’Union syndicale des magistrats, explique à 20 Minutes : « Deux contraintes ont été établies à l’encontre de l’ancien président. La première interdit de rencontrer certaines personnes, dont le ministre de la Justice, Gérald Darmanin. La seconde interdit de quitter le territoire national. »

Il va de soi que la Guadeloupe étant une partie de la France, Nicolas Sarkozy a parfaitement le droit de s’y rendre, comme il l’a fait à Menton (Alpes-Maritimes) le 12 décembre pour soutenir la campagne de son fils, Louis, qui se présente aux municipales de 2026.

Des conditions allégées par son appel

« Le juge aurait pu préciser « France hexagonale » dans son arrêt, mais il ne l’a pas fait. Donc, selon moi, il peut tout à fait se rendre en Outre-Mer, à condition que ce soit par un vol direct, sans escale dans un autre pays », précise Ludovic Friat, qui rappelle qu’avec son appel, « Nicolas Sarkozy n’est plus condamné ». 

En effet, en attendant le jugement en appel pour cette même affaire, prévu du 16 mars au 3 juin 2026, l’ancien président est de nouveau présumé innocent. Ce statut a d’ailleurs justifié sa libération de la prison de la Santé. « Lorsqu’il était condamné, la détention était appréciée au regard de la gravité des faits et l’importance de la peine. Dès qu’il fait appel, il redevient présumé innocent et les critères de la détention provisoire avant jugement, beaucoup plus stricts, s’appliquent, détaille Ludovic Friat. Les risques de fuite, de pression sur la procédure ou sur les témoins ont alors été évalués, et la cour a déterminé que ces risques n’étaient pas suffisants pour justifier un maintien en détention. »

C’est de la même manière que le contrôle judiciaire de Nicolas Sarkozy a été établi. L’interdiction de quitter le territoire est de faible intensité dans ce cas, puisqu’il n’a pas l’obligation de pointer au commissariat ou à la gendarmerie, ni de porter un bracelet électronique, selon le magistrat.

Peu de risques de fuite

« Sa personnalité est prise en compte. Il est connu, il a une stature publique, il est Français… Il y a peu de chances qu’il disparaisse, d’autant qu’il a toujours répondu aux convocations de justice », explique Ludovic Friat. À cela s’ajoutent des éléments anciens, examinés après une longue instruction et un premier procès où tous les arguments ont été développés, ainsi que le décès du principal témoin, Ziad Takieddine… « Les risques d’intervention sur la procédure sont moindres. »

En pratique, le juge a une grande latitude quant à l’interdiction de quitter un lieu dans le cadre d’un contrôle judiciaire. Il peut imposer des restrictions concernant le domicile, la commune, le département de résidence, la France hexagonale, l’Europe… En parallèle, il peut également accorder des dérogations, soit de sa propre initiative, soit à la demande de l’une des parties.

« Le motif des vacances peut sembler futile, mais n’oublions pas que la présomption d’innocence prévale, et dès lors que la justice sait où sont les personnes concernées, où elles vont, et qu’elle n’estime pas qu’il y a de risque de fuite, il n’y a pas de raison de leur imposer un traitement aussi défavorable », conclut Ludovic Friat.