Tunisie

«Stories» d’Abou Baker Chawki : Vivre sous le même toit, même ciel

Une famille traverse l’histoire de l’Egypte, des années 60 à l’ère Moubarak, dans un appartement du Caire. Le film aborde des thèmes tels que la peur, la dictature, l’art, la guerre, et le patriotisme, sans jamais alourdir le récit.







Dans l’espace restreint d’un appartement du Caire, une famille traverse l’histoire de l’Egypte, des années 60 à l’ère Moubarak, entre rêves, désillusions et lutte du quotidien.

La Presse — Raconter l’Egypte des années 60 à l’ère Moubarak à travers l’histoire d’une famille ordinaire mais si singulière par ses personnages, ses récits, ses parcours : tel est l’objectif du film.

Tout se déroule dans l’espace exigu d’un appartement cairote, où les trois films partagent un lit double, où l’on se serre devant la télévision pour suivre les matchs de l’équipe favorite.

La télévision, située au centre du foyer et de l’action, constitue le fond sonore permanent de ce qui se passe : l’écho du politique, de la rue, de la guerre et du football.

Dans cet appartement, on apprend le russe, on rêve de victoire et de gloire en tant que footballeur, on commence à tisser une histoire d’amour épistolaire et on joue du piano sous les récriminations de voisins grincheux mais profondément touchants.

Ça bouge, ça grouille, ça s’agite dans tous les sens, mais le récit progresse à coups de rêves et de désillusions, dans une chorégraphie du quotidien finement observée.

La peur, la dictature, l’art, la guerre, le patriotisme, le nationalisme : tout traverse le film sans jamais l’alourdir. Le Caire, ses rues, les médias, la télévision, la politique et le football constituent une matière vivante.

Abdel Nasser, Sadate, puis Moubarak. La ville évolue, le pays se transforme, et la famille perd ses membres, se retrouve à enterrer ses disparus.

Un tableau amer aux couleurs ternes, mais paradoxalement chaleureux, à l’image de ce peuple égyptien qui parvient à se tenir debout en toutes circonstances.

Abou Bakr Shawky filme ses personnages avec un amour manifeste. Il les narre et les décrit avec tendresse, depuis le regard de celui qui a quitté le foyer.

Son personnage, parti en Autriche pour retrouver sa compagne et vivre pleinement sa passion pour le piano, finit par faire demi-tour et bâtir son propre foyer.

Elisabeth, catalyseur discret au sein d’une famille centrée autour de la figure maternelle, superbement interprétée par Nelly Karim, trouve sa place dans ce tumulte de tendresse.

Le film évoque également la transmission et l’écriture. Ces histoires écrites en secret, la nuit, quand tout le monde dort, comme si le fait d’écrire défi un sort présageant du malheur.

Sous le lit, des carnets rédigés par la mère. L’histoire familiale se transforme en roman, puis en film. Et, aux JCC, un moment de cinéma profondément humain, délicat et vivant.