France

Des livres racistes et antisémites interdits accessibles gratuitement en ligne.

Des ouvrages au contenu inquiétant et parfois illicite, comme « L’Ordre SS – Ethique et idéologie » d’Edwige Thibaut, interdit en 1992, sont accessibles sur des plateformes telles que Cultura, la Fnac ou Amazon. Le ministère de l’Intérieur a décidé de faire un signalement à la justice après l’article de Libération, mais n’avait pas encore réagi aux informations de 20 Minutes au moment de la publication de cet article.


Des ouvrages racistes, antisémites et même des livres interdit par la loi : nos confrères de Libération ont exploré les plateformes de vente en ligne et ont découvert des livres au contenu inquiétant, parfois illicite, sur Cultura, la Fnac ou encore Amazon. Mais la mise en garde à ces géants du commerce en ligne suffira-t-elle à empêcher les amateurs de haine d’acheter ces œuvres ? Rien n’est moins sûr, car de nombreux sites les proposent sans aucun frais.

« On peut se constituer une bibliothèque de néonazi gratuitement en trois clics », assure Jean-Yves Camus, chercheur et spécialiste de l’extrême droite. Par exemple, le livre *L’Ordre SS – Ethique et idéologie* d’Edwige Thibaut, interdit par les autorités en 1992 pour avoir été jugé « de nature à causer des dangers pour l’ordre public en raison de l’apologie du nazisme, du racisme et de l’antisémitisme », apparaît en premier sur une simple recherche Google, et ce, intégralement.

### Un livre qui a inspiré des terroristes aux États-Unis

Parmi les nombreuses boutiques en ligne offrant ce type de contenus gratuitement, l’une se distingue par la concentration d’horreurs. Il s’agit du site b****.com*, qui met en avant dès sa page d’accueil un ouvrage d’Hermann Göring, ancien ministre de l’Aviation du Reich, ainsi qu’un autre de Marcus Eli Ravage, *A Real Case Against the Jews* (*Un vrai procès contre les Juifs*), utilisé par le ministère de la propagande nazie pour diffuser sa haine antisémite. Un clic plus loin, on trouve le manifeste d’Anders Breivik, le terroriste norvégien ayant tué près de 80 personnes en 2011, et reconnu pour ses idéologies ultranationalistes, racistes et antimusulmanes.

Une recherche plus approfondie révèle une multitude d’ouvrages interdits en France : le livre d’Edwige Thibaut, mais aussi le « rapport » de Rudolf Germar sur les chambres à gaz, interdit en 1997 en raison des thèses négationnistes qu’il défendait. D’autres ouvrages d’auteurs condamnés, comme ceux de Robert Faurisson ou William Luther Pierce, dont les *Carnets de Turner* auraient inspiré plusieurs terroristes américains d’extrême droite, sont également hébergés sur le site, ces derniers étant bloqués en France depuis 1999.

### Contrôles insuffisants

Que peut faire le ministère de l’Intérieur face à un site Internet qui ne présente pas de mentions légales et dissimule une partie de ses données ? Selon Etienne Deshoulières, avocat en droit du numérique, l’État peut assigner l’hébergeur du site ainsi que l’entreprise qui fournit le nom de domaine. Si ces démarches échouent, il est encore possible pour les autorités d’assigner en justice tous les fournisseurs d’accès à Internet et de leur demander d’interdire l’accès à ce site, afin que les internautes ne puissent plus y accéder. Le ministère, qui a décidé de signaler l’affaire à la justice après l’article de *Libération*, n’avait pas encore réagi aux informations de *20 Minutes* au moment de la publication de cet article.

Bien qu’il soit très difficile d’évaluer l’audience réelle de ces ouvrages en France, il est certain que leur diffusion est aujourd’hui facilitée, comme le souligne Marc Knobel, historien et auteur du livre *Cyberhaine. Propagande et antisémitisme sur Internet* (éditions Hermann, 2021) : « L’espace de diffusion s’est largement ouvert. »

L’ancien vice-président de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra) critique également l’absence ou l’insuffisance du contrôle sur les sites Internet et les plateformes : « C’est vraiment gravissime qu’on puisse trouver les *Cahiers de Turner* en ligne. Si des personnes mal intentionnées ou peu saines d’esprit finissent par avoir cet ouvrage entre leurs mains, cela peut avoir des conséquences très graves. »

*Nous avons fait le choix de ne pas donner le nom de ce site Internet.*