Belgique

Journalistes licenciés : « Une hécatombe généralisée à déplorer »

La chaîne d’info en continu LN24 a annoncé le 18 décembre le licenciement de trois de ses journalistes les plus en vue : Jim Nejman, Maxime Binet et Nicolas Pipyn. Le personnel de l’Avenir a reçu un mail leur annonçant un jour de chômage économique forcé par semaine entre février et avril, peu après la signature de la fusion entre les groupes IPM et Rossel.


La chaîne d’information en continu LN24 a annoncé le 18 décembre le licenciement de trois de ses journalistes phares : Jim Nejman, rédacteur en chef, Maxime Binet et Nicolas Pipyn. Quelques semaines auparavant, une autre chaîne, BX1, avait déjà licencié cinq journalistes. Le personnel de la chaîne bruxelloise avait à peine eu le temps de s’installer dans ses nouveaux locaux qu’un plan social était déjà annoncé.

Parmi les personnes concernées, se trouvent des visages familiers tels que Valérie Leclerc, la présentatrice du JT, ou Muriel Berck, journaliste chez BX1 depuis près de 30 ans. « On avait en tête qu’il y aurait un petit plan de licenciement, qu’on allait peut-être devoir licencier 2-3 personnes. Mais jamais, au grand jamais, on n’a pensé que 8 personnes allaient devoir quitter BX1. On n’est quand même pas une si grosse structure que ça », indique-t-elle.

Le 17 décembre, c’était au tour du personnel de l’Avenir de s’inquiéter pour son avenir. À peine la fusion des groupes IPM et Rossel signée, les employés ont reçu un mail annonçant un jour de chômage économique forcé chaque semaine entre février et avril.

Emmanuel Wilputte, journaliste et délégué syndical CGSLB, critique la brutalité de cette annonce. « C’est la ligne rouge parce qu’on considère qu’on est des gens raisonnables, on a accepté des économies, on a même renoncé à un moment à une partie d’indexation des salaires. Donc on a été assez constructifs et raisonnables, pragmatiques. Mais là, ça nous semble quand même nettement trop brutal. »

Anne Sandront, journaliste à l’Avenir depuis 1998 et déléguée CNE, décrit l’atmosphère actuelle : « Il y a un gros mal-être dans les équipes. Il y a une grosse lassitude. On a attendu longtemps la fusion avec Rossel comme étant la seule solution. Mais là, même avant cette fusion qui, on le sait, va probablement passer par un plan social, il y a déjà des efforts de chômage économique qui sont demandés en amont. Et c’est vraiment difficile pour les gens. »

Les équipes redoutent également les mois à venir. Certaines zones sont couvertes à la fois par l’Avenir et Sudinfo. Maintenant que les deux journaux appartiendront au même groupe, il est à craindre que ces doubles équipes soient réduites. « Avec cette fusion, on va se retrouver dans un groupe de presse qui a exactement le même modèle que nous, et on risque vraiment de se faire manger », s’inquiète Anne Sandront.

La stabilité des emplois des journalistes semble remise en question de toutes parts. Jil Theunissen a dressé un bilan de l’année 2025 pour la Ligue des droits humains. « On peut parler d’une hécatombe généralisée qui s’insère vraiment dans un contexte de fragilisation déjà extrême du secteur médiatique, qu’il soit de presse écrite ou audiovisuelle. »

Chaque média invoque des raisons économiques : manque de rentabilité, diminution des revenus publicitaires, augmentation des coûts du personnel, etc. Ces motifs sont également avancés par Denis Pierrard, le patron d’IPM, pour justifier les licenciements chez LN24.

Concernant les mois à venir pour l’Avenir, la direction ne cache pas ses intentions suite à cette fusion. « Il y aura des ajustements sur l’emploi. Oui, on ne s’en cache pas et ça a été dit. Et ça a également été dit au conseil d’entreprise. Parce qu’il y a des diminutions du chiffre d’affaires. Et c’est malheureusement une industrie où il y a beaucoup d’emplois. Et heureusement, ce ne sont pas encore des machines qui font toute notre information. »

Le directeur général d’IPM ajoute : « Si nos diffusions baissent, ce n’est pas parce qu’on fait tous collectivement du mauvais travail. Je crois que tous ces journalistes font leur travail avec beaucoup de conscience professionnelle. Malheureusement, beaucoup de personnes vont chercher actuellement leur information ailleurs que dans nos médias. Et c’est face à ce défi qu’on doit le faire [ndlr : fusionner]. »

► Découvrez aussi la réalité des journalistes indépendants, encore plus touchés par cette crise, en écoutant l’intégralité du podcast des Clés dans le player ci-dessus ou sur Auvio.