Donald Trump privilégie la Lune plutôt que Mars : explications.
Donald Trump a signé un décret affirmant son intention de renvoyer des Américains sur la Lune d’ici à 2028 et d’y installer une base lunaire d’ici à 2030. L’objectif d’installer un « avant-poste lunaire permanent » est mentionné dans le cadre du nouveau décret, tandis que la pression de la Chine augmente, avec des prévisions d’une première mission habitée lunaire en 2029.
Viser la Lune, Donald Trump y croit encore. Après des mois d’incertitude concernant les objectifs des États-Unis en matière de missions spatiales habitées, le président américain a signé jeudi un décret affirmant sa volonté de renvoyer des Américains sur la Lune d’ici 2028 et d’y établir une base d’ici 2030. Cette annonce relègue l’exploration de Mars au second plan.
Depuis son retour à la Maison-Blanche, Trump avait exprimé son souhait de « planter » le drapeau américain sur la planète rouge d’ici la fin de son mandat, sans mentionner le programme Artemis. Cette ambition avait suscité des inquiétudes concernant un éventuel abandon de la Lune ou une réduction d’Artemis aux missions déjà financées. Toutefois, ce nouveau décret semble dissiper les doutes, bien que de nombreuses questions demeurent.
La priorité accordée à la Lune est-elle si surprenante ? En comparant cette annonce aux discours du président depuis près d’un an et à sa volonté de réduire le budget de la Nasa, il apparaît qu’il s’agit d’un revirement. En réalité, elle s’inscrit dans la continuité de la politique spatiale américaine, y compris celle de Trump. « Ce n’est pas nouveau que les États-Unis, plus précisément une certaine frange politique, considèrent comme une priorité que le pays retourne sur la Lune avant que la Chine ne le fasse », déclare Olivier Sanguy, responsable des actualités à la Cité de l’espace de Toulouse.
Le principe de la « dominance spatiale » — « on ne peut pas être la première puissance mondiale si on n’est pas les premiers dans l’Espace » — guide la politique spatiale américaine depuis la première course à la Lune sous Kennedy. Cette idée a conduit au lancement des missions Artemis par Donald Trump lors de son premier mandat, alors que la Chine se positionnait pour envoyer des hommes sur la Lune d’ici 2030.
Donald Trump dit-il vraiment adieu à Mars ? La priorité donnée au programme lunaire semble être un retour à la réalité des États-Unis qui « se sont peut-être rendu compte qu’il n’y aurait pas d’Américains sur Mars avant la fin du mandat de Trump ». De plus, « la pression de la Chine augmente » : « Nous avons vu cet été une démonstration impressionnante de leur module lunaire, qui semble prêt », ajoute Sanguy. Pendant ce temps, Pékin a commencé à tester le premier étage du lanceur qui enverra des astronautes vers la Lune, renforçant ainsi l’urgence pour les États-Unis.
Cependant, cela ne signifie pas que Donald Trump abandonne son objectif martien : dans son décret, il rappelle que le retour sur la Lune a pour but, entre autres, de « préparer le voyage vers Mars », accentué par l’objectif d’établir un « avant-poste » sur notre satellite. Ce discours n’est pas inédit. Les dernières annonces du président américain montrent « une façon de retrouver un peu de réalisme sans se contredire », conclut le spécialiste de la Cité de l’espace.
L’objectif Lune en 2028 est-il réaliste ? Bien que ce changement dans la politique spatiale américaine ne soit pas un revirement, la date de 2028 peut surprendre. « Auparavant, la date n’était pas fixée, mais il était impératif de retourner sur la Lune avant que les Chinois n’y parviennent », explique Sanguy. La nouvelle échéance de 2028 n’est pas un hasard : « Les experts estiment que la Chine réalisera sa première mission habitée lunaire en 2029, année du 80e anniversaire de la République populaire de Chine, une date hautement symbolique. » Les États-Unis ont donc fixé l’objectif à 2028 pour être certains d’y parvenir avant la Chine.
Cependant, pourront-ils vraiment atteindre cet objectif ? Actuellement, Artemis 3 est prévue au plus tôt pour mi-2027, mais les retards de SpaceX avec son Starship, dont un dérivé devrait servir d’atterrisseur lunaire, suscitent des doutes quant au calendrier.
Néanmoins, tout reste possible : « Il ne faut jamais parier contre SpaceX », tout en notant que Blue Origin, le deuxième acteur choisi par la Nasa pour développer un alunisseur essentiel pour le retour d’astronautes sur la Lune, avance rapidement. « Lors de son audition au Congrès, Jared Isaacman, le nouveau patron de la Nasa, a clairement indiqué qu’il ne favorisait aucune entreprise et que le contrat irait à celle capable de livrer le produit permettant d’amener les Américains sur la Lune avant les Chinois », rappelle Sanguy.
Quelle est la signification de cette décision pour l’ESA ? En Europe, la confirmation du programme lunaire est accueillie positivement. Partenaire des missions Artemis, l’Agence spatiale européenne (ESA) fournit le module de service d’Orion, la capsule dans laquelle se trouveront les astronautes pendant leur lancement, leur voyage vers la Lune et leur retour sur Terre. La possible priorité accordée à Mars et les coupes budgétaires envisagées par Trump avaient suscité des craintes quant à une éventuelle annulation des missions lunaires après Artemis 3. Cela aurait posé un problème pour l’ESA, qui se retrouverait avec des modules de service en production sans réelle mission à leur affecter.
Le nouveau décret de Donald Trump semble donc « confirmer un programme lunaire a minima à moyen terme, alors qu’on craignait un passage à une logique de court terme », précise Olivier Sanguy. Un point particulièrement intéressant pour l’Europe : l’objectif d’installer un « avant-poste lunaire permanent », alors que le projet de Gateway, une station en orbite autour de la Lune, devait être annulé. Ces annonces du président américain semblent donc « sécuriser davantage les engagements de l’ESA avec la Nasa concernant l’aspect lunaire ».
Cependant, il ne faut pas se réjouir trop rapidement : « L’administration Trump peut changer d’avis assez rapidement », prévient l’expert spatial. D’autant que de nombreuses inconnues demeurent, notamment autour de cet « avant-poste » lunaire qui n’a pas été clairement défini, ou du budget, qui devait subir des coupes mais pourrait finalement ne pas l’être au regard des objectifs fixés. Cela nous tiendra en haleine pour les années à venir.

