Le Conseil d’Etat suspend un permis pour le Métro 3.
Le Conseil d’État a rendu deux arrêts jeudi, donnant raison à l’ASBL Inter-Environnement Bruxelles (IEB) et à l’Atelier de rechercher et d’action urbaines (ARAU), qui demandaient l’annulation et la suspension d’un permis pour démolir et reconstruire le Palais du Midi. La décision du Conseil d’État affirme qu’il n’est pas possible d’autoriser la destruction de l’intérieur d’un édifice tant que la procédure d’éventuelle protection patrimoniale n’est pas achevée.
Dans deux décisions rendues ce jeudi, que la RTBF a pu consulter mais qui ne sont pas encore publiées sur le site du Conseil d’État, cette institution a statué en faveur de l’ASBL Inter-Environnement Bruxelles (IEB) et de l’Atelier de recherche et d’action urbaines (ARAU). Ces deux associations demandaient l’annulation et la suspension d’un permis autorisant la démolition et la reconstruction du Palais du Midi. En raison des difficultés à faire passer le tunnel sous le Palais, la STIB doit recourir à une technique nécessitant de détruire l’intérieur du bâtiment. Pour l’IEB et l’ARAU, qui étaient déjà opposées au projet de métro et soucieuses de la préservation du patrimoine, cette option était inacceptable. L’ARAU avait donc souhaité faire classer le Palais du Midi pour éviter sa destruction.
Le projet de la ligne 3 avait déjà accumulé des retards et des dépassements budgétaires signalés par la Cour des comptes. À présent, la méthode employée par la Région est remise en question. Pour avancer rapidement, l’administration avait essayé de délivrer le permis de travaux sans attendre la décision sur le classement du bâtiment, demande formulée sans succès par des associations comme l’ARAU.
Le Conseil d’État a estimé que la Région avait anticipé les étapes : il n’est pas possible de permettre la destruction intérieure d’un édifice avant que la procédure visant à établir s’il doit être protégé soit complètement finalisée.
Pour saisir ce blocage, il faut analyser la méthode. Afin d’éviter que le chantier ne prenne du retard, la Région bruxelloise avait misé sur une procédure spéciale, dite « Fast Track », introduite par une ordonnance d’octobre 2023. L’objectif était de réduire le délai d’obtention du permis pour le démontage de l’intérieur du bâtiment tout en préservant les façades, un élément essentiel pour creuser le tunnel du métro en dessous.
Cependant, cette stratégie s’est, jusqu’à présent, soldée par un échec. L’administration a tenté de délivrer le permis avant même que le gouvernement ne prenne une décision définitive concernant le classement du bâtiment demandé par l’ARAU. L’arrêt a été sans équivoque : la précipitation ne peut justifier l’ignorance des règles de protection du patrimoine.
La STIB, quant à elle, exprime sa consternation. La société de transports avait pourtant mis en avant de lourdes conséquences devant la justice, redoutant que toute décision de suspension ou d’annulation soit catastrophique. Elle parle de « coûts explosifs », de travaux déjà réalisés inutiles et évoque même la possibilité d’un abandon total du tunnel, ce qui « bloquerait définitivement tout le Métro 3 ».
Cela n’a pas suffi à convaincre le Conseil d’État. Ce dernier a jugé que le risque de détruire un bâtiment historique était plus urgent et plus grave. Une fois que les bulldozers seraient passés — ce qui était prévu pour février 2026 —, le mal serait irréversible.
Le chantier étant à l’arrêt depuis 2021, il est désormais suspendu. Le Conseil d’État a statué en référé, en urgence, et une décision sur le fond est attendue. Pour Chloé Vercruysse de l’IEB, la décision sur le fond pourrait prendre encore de nombreux mois, et elle appelle à « rendre leur quartier aux habitants ».
Ce jeudi, dans la matinale de BX1, Florence Frelinx, première échevine MR de Bruxelles, a demandé, au nom de la Ville, l’arrêt des travaux au Palais du Midi jusqu’à la formation d’un gouvernement régional bruxellois. Même en cas de report de plusieurs années, la Ville souhaite pouvoir réactiver une exploitation temporaire du bâtiment, comme indiqué par l’échevine MR et le bourgmestre PS Philippe Close à l’agence Belga. Le bourgmestre a par ailleurs souligné que la Ville avait investi environ 600.000 euros dans des gradins pour équiper la salle de sports, utilisables en cas de ré-exploitation.
L’IEB espère que cette suspension du permis signifiera la fin du projet : « on demande l’arrêt du projet pour des raisons qui sont de l’ordre de l’évidence », a déclaré Chloé Vercruysse, chargée de projet à l’IEB. « Nous l’écrivons depuis des années, ce projet n’est pas un bon projet de mobilité pour Bruxelles et il y a moyens de mieux faire, moins, moins cher et beaucoup plus vite. »
Au parlement bruxellois, les auditions concernant le Métro 3 se poursuivent. Ce jeudi, Carlos Van Hove, directeur du programme de métro Nord-Albert de la STIB, a précisé qu’un enterrement définitif et total du projet de métro 3 induirait la perte d’1,5 milliard d’euros déjà investis dans le prémétro, sans compter plus de 400 millions d’euros engagés depuis 2020. « Si le permis est suspendu, annulé ou qu’il y a une décision de ne pas poursuivre, tout ce qu’on a fait depuis 2020, les 400 millions qui y ont déjà été affectés sont perdus. Mais également tous les investissements effectués dans les années 80-90 dans le prémétro entre Albert et la gare du Nord, dimensionnés pour le métro (nombre d’escalators, ascenseurs, taille des quais). Ils ont fait l’objet d’investissements très importants, que nous pourrions estimer à 1,5 milliard d’euros », a estimé Carlos Van Hove.
Des arguments similaires ont été avancés par la STIB devant le Conseil d’État, sans succès. Entre les complications juridiques, les critiques acerbes de la Cour des comptes, les auditions au Parlement bruxellois et les énormes difficultés budgétaires de la Région, le projet semble se diriger vers une congélation, voire un abandon. Les associations opposées au projet estiment effectivement que le momentum existe pour cela.

