La Flandre renforce sa lutte contre la fraude sociale : pas d’allocation pour les non-allocataires
En Flandre, tout citoyen souhaitant bénéficier d’avantages sociaux devra bientôt signer une « déclaration sur l’honneur » pour déclarer ses éventuels dividendes. Depuis 2024, les sociétés de logement social doivent contrôler le montant de l’épargne figurant sur les comptes de leurs locataires pour déterminer l’éligibilité au logement social.
Bourse d’études, réduction pour la crèche, prime à la rénovation… En Flandre, tout citoyen désirant profiter d’avantages sociaux devra bientôt faire partie d’un « registre social » et signera une « déclaration sur l’honneur » pour déclarer d’éventuels dividendes.
Cette initiative vise à empêcher les personnes disposant d’une société de se verser intentionnellement un salaire modeste afin d’accéder à des avantages sociaux non destinés à leur catégorie.
« Ce n’est pas le but que des notaires, des chirurgiens ou des PDG demandent des bourses d’études pour leurs enfants. »
Melissa Depraetere, vice-ministre présidente (Vooruit)
Le ministre-président, Matthias Diependaele (N-VA), a exprimé sa satisfaction concernant cet accord lors de l’émission De Zevende Dag (VRT) : « Le but des trois partis de la coalition est clair : que cet argent arrive auprès de ceux qui en ont vraiment besoin. »
Melissa Depraetere, vice-ministre présidente (Vooruit) a expliqué : « Ce n’est pas le but que des notaires, des chirurgiens ou des PDG demandent des bourses d’études pour leurs enfants. »
L’opposition estime néanmoins qu’il s’agit d’une occasion manquée, comme l’a précisé Mieke Schauvliege (Groen) sur Radio 1 (VRT) : « L’idée est bonne en soi : celui qui n’a pas droit à une allocation ne devrait pas la recevoir. Mais ce que le gouvernement entend par ‘notion élargie de revenus’ pose problème. Par exemple, ils ne prennent pas en compte l’épargne ou les revenus issus de l’immobilier. Il ne sera pas facile de contrôler juste sur la base d’une déclaration sur l’honneur. C’est une coquille vide. »
Matthias Diependaele a répliqué : « Mentir dans une déclaration sur l’honneur est également punissable. Pour beaucoup de gens, c’est déjà un obstacle important. »
Dans le passé : les nouveaux arrivants en ligne de mire
Ce n’est pas la première fois que la Flandre impose des restrictions pour l’octroi d’avantages sociaux. Ces dernières années, le gouvernement flamand, mené par la N-VA, a durci les critères d’accès.
L’accès aux logements sociaux a été particulièrement restreint pour les « nieuwkomers », les nouveaux arrivants, a observé Mart Leys, de Milleniumdoelen, une organisation de lutte contre la pauvreté qui regroupe mutualités et syndicats : « Ces mesures visent surtout les nouveaux arrivants. Ce n’est pas en limitant l’accès aux logements sociaux qu’on va résoudre le problème. Il y a actuellement 180.000 familles en attente de ce type de logement… »
Depuis 2024, les sociétés de logement social doivent également vérifier le montant de l’épargne des locataires pour déterminer leur éligibilité à un logement social.
À partir de 2026, toute personne inscrite sur la liste d’attente pour un logement social devra aussi s’inscrire obligatoirement auprès de l’agence d’emploi VDAB, le Forem flamand.
Récemment, le niveau de néerlandais requis pour accéder aux avantages sociaux est passé de A2 à B1. « Dans le passé, j’ai travaillé dans le système éducatif auprès de non-néerlandophones vulnérables et, parfois, ils ne peuvent pas obtenir le niveau requis« , a témoigné Mart Leys.
« Voor wat hoort wat »: un slogan des socialistes flamands
Par le passé, les restrictions pour bénéficier des allocations sociales ciblaient principalement les personnes les plus vulnérables et d’origine étrangère.
Avec la déclaration sur l’honneur des dividendes, la ministre flamande socialiste Melissa Depraetere souhaite s’attaquer aux plus privilégiés qui frauderaient la sécurité sociale.
La réduction des conditions d’obtention des avantages sociaux est une priorité pour les socialistes flamands. Pour bien saisir ce contexte, il faut revenir à 2011. Cette année-là, Patrick Janssens, alors bourgmestre d’Anvers, a coécrit le livre « Voor wat hoort wat » avec ses collègues socialistes flamands Franck Vandenbroucke et Béa Cantillon.
Dans ce livre, les socialistes voulaient promouvoir un « nouveau contrat social » : le principe du donnant-donnant (« voor wat hoort wat » en néerlandais). En d’autres termes, si vous recevez des allocations étatiques, vous devez rendre quelque chose à la société, avec des devoirs à respecter.
« Avec ce principe, on assiste à une forte culpabilisation des individus, alors qu’on oublie les responsabilités collectives et les causes structurelles. C’est problématique : ce n’est pas en faisant peur aux gens qu’on va les activer. Il y a par exemple un manque structurel en crèches et en logements sociaux pour l’instant« , a déploré Mart Leys.
Modèle prêt en 2027 ?
La date de mise en œuvre de ces mesures reste incertaine : le ministre-président flamand N-VA a aussi reconnu à la VRT qu’il n’existe, pour le moment, aucun mécanisme permettant de vérifier les revenus provenant des dividendes.
En attendant de concrétiser cet accord, Mart Leys voit dans ce registre central une opportunité : « De nombreuses personnes ne reçoivent pas les avantages sociaux auxquels elles ont droit. Ce système pourrait à terme permettre d’attribuer de manière automatique ces droits. »
Bien que la « notion de revenus élargis » (déclaration des dividendes) et le « registre social » des avantages sociaux soient théoriquement indépendants, le gouvernement flamand a convenu d’attendre l’instauration du registre avant de mettre en place cette déclaration sur l’honneur.
La ministre socialiste Melissa Depraetere espère que le système pourra être opérationnel en 2027. Matthias Diependaele, quant à lui, refuse de préciser une date limite.
Le gouvernement fédéral travaille également sur un registre central des avantages accordés au niveau fédéral, mais les partenaires du gouvernement flamand ont convenu que leur registre ne dépendrait pas du calendrier fédéral.

