Tunisie

Tunisie – Algérie : L’élan à ne plus laisser retomber

Le Forum économique tuniso-algérien a eu lieu à Tunis et a permis de signer sept accords entre entreprises tunisiennes et algériennes. Les échanges entre les deux pays se chiffrent à 2,3 milliards de dollars, avec un bond de 12 %, mais le potentiel économique reste largement inexploré.


Le Forum économique tuniso-algérien a démontré ce qu’une ambition régionale concrète pourrait être. Reste à savoir si cet élan pourra se concrétiser au-delà des échanges dans les salles de conférences.

Entre la Tunisie et l’Algérie, la relation est ancienne, riche d’histoire et marquée par des convergences tant politiques qu’humaines. Cependant, ce forum à Tunis a eu quelque chose de plus. Il a dégagé, sous les discours officiels, une impression d’effervescence, un désir de transcender une amitié déclarée pour atteindre une intégration plus réelle et organique.

Dès les premiers instants, Samir Majoul, président de l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (Utica), a ouvert le bal avec l’idée audacieuse d’un accord global de libre-échange. Cet accord, selon lui, permettrait de supprimer les barrières, aplanir les obstacles et libérer les forces productives des deux côtés de la frontière. Dans un monde où les blocs économiques évoluent et où les dépendances se fragilisent, cette proposition a sonné comme un pari visionnaire.

Les échos sont venus aussi bien du côté tunisien que du côté algérien, avec une conviction partagée que la complémentarité des deux pays pourrait constituer une véritable force. Les chiffres avancés par le Premier ministre algérien, Sifi Ghrieb, rappellent une réalité souvent oubliée : bien que les échanges aient progressé pour atteindre 2,3 milliards de dollars avec un bond de 12 %, le potentiel de développement reste largement inexploité. Des centaines d’entreprises tunisiennes opèrent en Algérie, tandis que de nombreux projets tunisiens sont en cours.

Cette situation est encourageante, mais elle demeure modeste au regard des capacités économiques de chaque pays, de leurs richesses et de leur proximité géographique. Les avancées sont là, mais elles se font prudemment, étape par étape. Le forum a toutefois permis de lever ce voile de réserve. Les secteurs tels que l’énergie, le renouvelable, l’agroalimentaire, la pharmacologie, les composants automobiles et la cybersécurité esquissent les contours d’une coopération moderne.

On assiste à un changement de paradigme : il ne s’agit plus seulement de commerce quotidien, mais de construire un avenir où les industries se répondent de part et d’autre de la frontière. La cheffe du gouvernement, Sarra Zaâfrani Zenzri, a engagé cette dynamique en soulignant l’importance de bâtir une relation dans la durée, inscrite dans un projet à long terme pour une Tunisie 2035. Elle a mis en avant l’essor des investissements étrangers, la transformation des exportations et les réformes entreprises, dépeignant une Tunisie prête à s’ouvrir et à se projeter vers l’avenir, construisant des infrastructures interconnectées avec son voisin.

Sept accords ont été signés entre des entreprises tunisiennes et algériennes. Bien que chacun de ces accords puisse apparaître modeste pris isolément, ensemble, ils traduisent une dynamique de synergie : le textile technique se marie à la plasturgie, la fonderie à la maintenance industrielle, tandis que technologies et distribution s’étendent et se synchronisent. On entrevoit ainsi la possibilité d’un écosystème transfrontalier, à condition que la volonté politique demeure.

Une réflexion sérieuse sur une coopération triangulaire impliquant aussi la Libye et une projection vers l’Afrique s’est également fait sentir, renforçant l’idée d’une convergence qui pourrait devenir un levier géostratégique, indispensable dans une région qui attend depuis trop longtemps un tel élan. La concrétisation de ces idées repose sur la capacité des deux pays à transformer les annonces en actions durables.

Les entreprises expriment un besoin de simplification des procédures, d’allègement des frontières et de fluidité dans le financement. Les attentes des populations, en revanche, se concentrent sur des emplois, des projets et des bénéfices tangibles. Ce forum, chargé en émotions et en promesses, a ouvert la voie à un potentiel tournant.

Une cohésion semble se dessiner entre visions politiques, intérêts économiques et réalités industrielles. Ce n’est pas chose courante, et cela mérite d’être noté. Tunisiens et Algériens se rendent compte que leur histoire leur a conféré une proximité unique ; le défi désormais est de transformer cette proximité en une intégration économique, productive et structurelle. Les promesses sont là, les accords existent, et les visions se rencontrent, mais il reste encore l’essentiel à construire. Ce forum a une importance singulière, car il marque, pour la première fois depuis longtemps, un regard tourné vers un avenir commun et collaboratif.