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Crash du Boeing d’Air India : où en est l’enquête six mois après ?

L’accident du Boeing 787 d’Air India le 12 juin a provoqué la mort de 241 des 242 personnes à bord et de 19 habitants au sol. Le rapport préliminaire de l’AAIB, publié le 12 juillet, indique que les interrupteurs d’alimentation en kérosène des deux réacteurs ont été presque simultanément placés en position « arrêt » juste après le décollage.

Après six mois d’enquête, où en est l’enquête sur l’accident du 12 juin dernier impliquant le Boeing 787 d’Air India, qui a fait 260 morts ? Un mystère demeure : les causes de l’accident continuent de soulever de nombreuses interrogations, alimentant la controverse entre les pilotes, la compagnie aérienne et le constructeur. Conformément aux exigences de la loi internationale, le Bureau indien d’enquête sur les accidents aériens (AAIB) a publié un rapport préliminaire un mois après la tragédie, fournissant certaines informations techniques sur le vol AI 171. Les investigations sont toujours en cours.

Que s’est-il passé ?

Le 12 juin, le Boeing 787 Dreamliner décolle à 13h38 locales (8h08 GMT) de l’aéroport d’Ahmedabad, dans l’ouest de l’Inde, avec à son bord 230 passagers et 12 membres d’équipage, en direction de l’aéroport de Gatwick à Londres. Moins d’une minute plus tard, il s’écrase sur des bâtiments d’un campus universitaire médical situé à quelques centaines de mètres de la piste. Les vidéos de l’accident montrent l’avion prenant son envol, sans parvenir à gagner de l’altitude, avant de s’écraser dans un quartier de la ville dans une boule de feu orange.

Sa chute entraîne la mort de 241 des 242 personnes à bord, ainsi que de 19 habitants au sol. Un seul passager, gravement blessé, a miraculeusement survécu. Parmi les victimes, on dénombre 200 Indiens, 52 Britanniques, sept Portugais et un Canadien.

Quelles sont les premières conclusions ?

Dans son rapport publié le 12 juillet, l’AAIB indique que les interrupteurs d’alimentation en kérosène des deux réacteurs ont été presque simultanément placés en position « arrêt » juste après le décollage. « Selon les enregistrements des conversations dans le cockpit, un des pilotes demande à l’autre pourquoi il a coupé (l’alimentation en kérosène). L’autre lui répond qu’il ne l’a pas fait », écrit le rapport. L’avion commence alors à perdre de l’altitude.

Le rapport signale également qu’une turbine de secours, chargée de fournir de l’énergie à l’avion en cas de coupure des moteurs, se déploie automatiquement. Moins de 10 secondes plus tard, les deux interrupteurs sont remis en position « marche ». Dans la foulée, « un des deux pilotes » parvient à émettre un appel radio « Mayday, Mayday, Mayday » avant que l’avion ne s’écrase au sol. Le document de 15 pages ne précise pas si la coupure des interrupteurs a été provoquée par une manœuvre des pilotes ou par une éventuelle défaillance.

Quelles sont les polémiques entourant ce rapport ?

Dès sa publication, le rapport suscite de vives critiques. Des associations de pilotes estiment que le dialogue entre le commandant de bord et son second, dont le texte est simplement paraphrasé, tend à évoquer une erreur humaine, sans en fournir la moindre preuve. Elles regrettent également que l’AAIB n’émette aucune recommandation de contrôle sur l’appareil ou ses moteurs, écartant ainsi l’hypothèse d’une panne technique ou d’un défaut d’entretien.

Une guerre des mots s’engage entre les familles des victimes, leurs avocats et les pilotes d’un côté, et la compagnie ainsi que le constructeur de l’autre. Pushkaraj Sabharwal, le père d’un des pilotes, a porté l’affaire devant la Cour suprême, dénonçant un rapport qui « vise des pilotes décédés incapables de se défendre ». Au nom des victimes, l’avocate britannique Sarah Stewart évoque la possibilité d’une « coupure non intentionnelle de l’alimentation en carburant » et suggère « une possible défaillance des systèmes de Boeing ».

Lors de ses apparitions publiques, comme en Californie en septembre, le PDG d’Air India, Campbell Wilson, souligne que « le rapport préliminaire n’a décelé aucun problème avec l’avion, aucun problème avec les moteurs et aucun problème avec les opérations menées par la compagnie ».

Quelles sont les hypothèses avancées ?

Cependant, certains experts semblent émettre des doutes. « Des problèmes électriques ont été signalés sur cet avion avant l’accident », affirme à l’AFP l’ex-pilote Amit Singh, de l’association La Sécurité compte. « Les sources de nombreuses données du rapport ne sont pas citées », ajoute-t-il, exprimant des craintes quant à une possible « manipulation ». « C’est une opération de dissimulation subtilement conçue », affirme l’expert Mark Martin, qui juge « ridicule » l’hypothèse du suicide d’un pilote.

« Boeing avait aussi blâmé les pilotes dans les affaires des accidents de B737 MAX », survenus en Ethiopie et en Indonésie, attribués après enquête à un défaut de conception, insiste-t-il auprès de l’AFP. « Boeing ne peut pas se permettre d’être responsable de ce crash. Sinon, c’est la fin de la compagnie ». Contacté par l’AFP, l’avionneur américain a refusé de commenter, renvoyant vers l’AAIB et Air India.